
Alimentation : je mange donc je suis

Cantine d’entreprise, bistrot, brasserie, kebab, McDo, vente à emporter en grande surface, en restauration plus ou moins rapide (pizza, sushi, chinois etc.) ou en boulangerie… autant de manières de se restaurer sans pour autant faire la cuisine soi-même. L’offre de ce type d’alimentation explose, dans les quartiers populaires. Pour quel impact ? Petit reportage à La Courneuve.
Il y a 1134 restaurants Mc Donald’s en France, soit le 2è marché au monde après les Etats-Unis. Pourtant, en 1999, José Bové démonte une enseigne de cette chaîne près de Millau, en riposte aux restrictions imposées par les Etats-Unis à l’importation de Roquefort… restrictions elles-mêmes réponses à l’interdiction de la viande américaine aux hormones sur le territoire européen ! En 2004, Morgan Spurlock sort un documentaire, auto-fiction trash sur l’alimentation 100% hamburger : Supersize me. Et Robert Kenner enfonce le clou avec « Food Inc » en 2009. Mais rien à faire : en France, 700 millions de hamburgers sont vendus chaque année. Alors, Astérix ne résiste plus face à l’invasion de la malbouffe ? L’explosion de la restauration rapide depuis les années 80 a-t-elle nuit aux commerces de bouche plus traditionnels ? Joseph Irani, maire-adjoint délégué au Développement économique et social, ne le croit pas : « C’est vrai qu’il y a un « effet kebab » aux Quatre Routes. On ne peut pas dire non à un jeune qui veut ouvrir un commerce, ça nourrit du monde. Mais on peut encore bien manger à La Courneuve. Le Lapin sauté, le Saumur, La Mamounia… » Bety Solma, la tenancière du Charitois n’est pourtant guère optimiste : « Je suis ici depuis 2005, mais c’est de plus en plus dur. Depuis un mois, notre chiffre d’affaire a baissé de 40%. » Pourtant, les menus défient toute concurrence… mais « aujourd’hui les gens ne font pas attention à la qualité. Seul le prix compte. Si ça continue, on va diminuer le personnel. Et s’il le faut, on vendra. » Problème pour la restauration locale : la survie financière de ces commerces dépend essentiellement de la clientèle non courneuvienne employée par les entreprises locales, et donc ne consomme que le midi. Qui plus est, n’est pas restaurateur qui veut : « On sait que ce n’est pas Bocuse qui ira dans certains quartiers, mais il faut quand même être exigeant, et avoir des projets spécifiques en fonction de la clientèle. Quand, à La Tour, on a une brasserie, il faut des menus et des horaires liés à la population du théâtre, de l’école de la seconde chance, la pépinière d’entreprise… C’est vrai qu’il faut plus d’efforts à faire pour ouvrir dans une cité qu’ailleurs. Il faut parfois casser l’image de certains quartiers, transformer certains lieux en endroits de rencontre. » Hélas ! Les tendances de la restauration vont dans ce sens négatif : alors qu’un français sur quatre mange dehors une fois par jour*, et que la croissance du secteur est habituellement comprise entre 6 et 10% par an, la baisse est sensible depuis 2002 (surtout chez les cafés-bars-brasseries : -7% en 2008)... au profit de la restauration collective (où le ticket est à 4 euros en moyenne !). Effet de la crise ou tendance lourde ?
Erwan Ruty / Ressources Urbaines
*selon le cabinet d’étude Gira Sic Conseil
Dossier réalisé par Ressources urbaines publié dans le journal Regards de la Courneuve numéro 331 (mars 2011)