
Réseau Mémoires-Histoires : « l'urgence de la mémoire »

Samedi 30 juin, le réseau Mémoires-Histoires organisait une journée-débat sur le thème : « Mémoires, histoires, transmissions : quels enjeux pour l'éducation ? » Table ronde à laquelle ont pu participer diverses structures du réseau pour une réflexion de fond.
Au cours de l'après-midi, plusieurs intervenants se sont succédés pour apporter des éclairages sur différents aspects du thème principal. Madame Anne Jollet, rédactrice des cahiers d'histoire et vice-présidente du CVUH (Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire), était chargée d'animer ce débat qui est entré dans le vif du sujet avec les trois premiers intervenants : Michel Aubouin (directeur de la DAIC), Ali Soumaré (Conseiller régional PS, vice-président de la commission Jeunesse, citoyenneté et vie associative de la région Ile-de-France) et Sylvie Bouvier (DRJSCS).
« L'Histoire est un enjeu important de l'intégration »
Le premier sujet de la table ronde sera donc « Mémoires, éducation : action politique et institutionnelle ». Et d'emblée c'est un Michel Aubouin très incisif qui nous plonge au coeur de la problématique : « Je soutiens l'initiative du réseau. Je crois que l'Histoire est un enjeu important de l'intégration. Malheureusement les institutions ne considèrent pas la mémoire comme étant un élément constitutif de l'immigration. » Le directeur de la Direction de l'Accueil, de l'Intégration et de la citoyenneté préconise un enseignement de l'Histoire sur deux niveaux : « L'Histoire nationale commune avec toutes les parties de l'Histoire mais également l'enseignement d'une Histoire individuelle, l'Histoire des différents peuples qui constituent la nation française aujourd'hui ». Pour lui le problème reste le suivant : « On n'a pas réussi à écrire une Histoire des banlieues ! ».
On n'a pas réussi à écrire une Histoire des banlieues !
Ali Soumaré rebondit en saluant cette initiative de table ronde : « Ce type de réseau permet d'aborder de manière dépassionnée ces problèmes. Les fantasmes existent aussi dans la sphère institutionnelle. » (Concernant la transmission de l'Histoire et le rôle des « français d'origine immigrée »). La troisième intervenante, Sylvie Bouvier, responsable du pôle politiques territoriales, sociales et jeunesse de la Direction régionale de la Jeunesse, des Sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), relève quand même un point positif : « Depuis la fin des années 90, il y a une reconnaissance de l'apport des immigrés dans la construction de la société française. »
Qu'est-ce qu'un immigré ?
« Un quart des français ont un parent d'origine immigré. La France est un pays fait par des flux migratoires. » rappelle Michel Aubouin. Mais cette dernière affirmation amène une question cruciale posée par un des spectateurs : « Combien de temps on reste un immigré ? » De façon très pragmatique, Sylvie Bouvier donne la définition de l'INSEE : « Un immigré est une personne née à l'étranger, quelle que soit sa nationalité. ». Michel Aubouin précise : « Une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France » avant de poursuivre : « Le temps moyen de présence sur le territoire avant d'obtenir la nationalité française est de quinze ans. ». Ce dernier nous révèle également que désormais tout nouveau postulant à la nationalité française devra répondre à des questions d'Histoire lors du test de connaissance du français (ce test permet d'évaluer les connaissances en langue, culture et histoire de la société française ; il est absolument nécessaire en vue de la naturalisation). Un membre du public fait alors remarquer que la formule du questionnaire exclut d'emblée les personnes qui ne savent pas lire. Remarque pertinente à laquelle le directeur de la DAIC s'est empressé de répondre : « Les postulants auront toujours le choix entre trois réponses, les questions seront courtes et quelqu'un sera chargé de lire les questions aux personnes qui en auraient besoin. Le programme fixé par le conseil d'Etat est du niveau CM2. »
Urgence de la mémoire
Pour Michel Aubouin, nous sommes face à une véritable « urgence de la mémoire qui est absolument essentielle pour l'intégration ». C'est avec un ton grave et alarmiste que ce dernier revient sur l'importance de la récupération d'archives pour la constitution d'une « mémoire » :
Si ça ne se fait pas dans dix ans, ce sera perdu. C'est ainsi que des pans entiers ont disparu de l'Histoire de l'esclavage !
Si la situation est préoccupante mais pas désespérée c'est cependant avec une amertume palpable qu'Ali Soumaré clôt cette table ronde : « Moi, jeune issu de l'immigration, il arrive encore qu'en parlant de moi on dise « originaire du Mali » ou « de la banlieue ». Donc autant dire que pour combattre cette stigmatisation, il y a encore du boulot... ».
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Le 05-12-2014