Projection du film « Noirs de France », épisode 1 : des lycéens de banlieue ébranlés.

Le 30-04-2012
Par xadmin

C'est dans un lycée polyvalent de la banlieue nord de Paris, avec une classe de terminale à majorité issue de li’mmigration d'Afrique du Nord et sub-Saharienne, que le documentaire Noirs de France a été projeté.

 

 

 


Certains sujets sont jugés « sensibles » par l'Education Nationale, et si l'institution ne cesse de promouvoir l'idée d'une école ouverte aux débats de société, force est de constater que ce voeu reste une chimère : aucun film ne pourra être diffusé en présence d’un membre extérieur à la communauté scolaire. La période électorale et l'affaire Merah ne plaident pas en faveur de ce type d’événement, avouera à demi-mot le proviseur. Quel le lien peut-on trouver entre le terroriste Merah, tous ces jeunes qui peuplent les salles de classe, et le film « Noirs de France » ? Avec ou sans intervention extérieure, la séance est maintenue et s'inscrit dans une séquence durant laquelle les élèves ont pu étudier les auteurs et figures de proue du mouvement de la négritude Senghor et Césaire. Disons-le sans ambages : le visionnage du documentaire n'a pas été des plus calmes et a suscité chez les jeunes des exclamations intempestives. Commentaires à chaud.

Projection houleuse

Si certains élèves avaient déjà lu Cannibales de Didier Daeninckx, il n'en demeure pas moins que la découverte de zoos humains et notamment la scène du jardin d'acclimatation a été l'un des moments les plus houleux dans la salle. Pleuvent dans la salle des « mais c'est des tarés ces gens » et des « ils sont pas sérieux dans leur délire ».

Et Moeira de lâcher : « Plus jamais j'irai au jardin d'acclimatation. Vous imaginez, madame, j'ai emmené mes neveux là-bas ». Pendant le débat qui a suivi, Ibrahim, dont les grimaces expriment le dégoût, renchérit en se demandant « s'ils avaient de la fierté ces gens-là ».

L'indignation, la colère et la stupéfaction seront à l’oeuvre aussi en découvrant « Chocolat ». Moïse résumera l'ambiance générale en évoquant « ce Noir rabaissé comme si c'était un enfant ».

Ce qui semble marquer les élèves, c'est la manière dont a été regardé à travers les siècles le Noir, à la fois éternel enfant, et irrémédiable sauvage.

« Ce film, il m’a énervé »

L'attention des élèves s'est aussi longuement focalisé sur le rôle des Noirs durant les deux guerres mondiales. Beaucoup d'élèves ont rappelé le film Indigènes dans leur propos mais ont aussi avoué avoir appris « beaucoup de choses ». Amadaou, élève peu loquace d'habitude, dit que ce qui l'a « le plus choqué c'est le sacrifice des Noirs non reconnu par les Français », rejoint par Seth qui ajoute que « les jeunes noirs s'engagent pour des valeurs comme la liberté mais que ça ne s'applique jamais pour eux ». Prenant la classe à témoin, il dit : « Franchement ce film, il m'a énervé. Ces Noirs se battent pour la France, on leur fait des promesses et en fait ils ne reçoivent rien. » Et d'ajouter, en parlant de la situation actuelle : « De toutes façons c'est pareil en ce moment avec les pays africains, les promesses de développement et d'égalité sont toujours remises à demain ». C'est aussi Seth qui pose le débat sur le film Case Départ, que certains de ses camarades ont vu et apprécié et que lui traite de « honte » parce qu'il « se moque des Noirs et de leur histoire ». La découverte des massacres des troupes noires par l'armée nazie durant la Seconde Guerre Mondiale a été évoquée à de nombreuses reprises par les élèves qui dans leur grande majorité sont « blasés » par cette partie de l'Histoire qu'ils croient connaître.

Hier, tant de Noirs en politique…

La place des Noirs en politique a occupé une large partie des débats et des esprits des jeunes. C'est Halima qui va entamer cette problématique en parlant de Pascal Légitimus, dont elle ignorait comme tous ses camarades l'histoire familiale. Pour beaucoup, comme l'exprime naïvement Sebastien : « la première black en politique, c'est Rama Yade ». Quelques voix s'élèvent pour évoquer cette « femme antillaise qu'on voit dans le film », dont Rosyliane dévoilera l'identité pour tous : « C'est Christine Taubira ». Elle ajoute que « c'est fou qu'avant il y avait autant de Noirs en politique alors qu'aujourd'hui… »

Nés à la bonne époque ?

La séance touchant à sa fin, les discussions conduisent les élèves à évoquer leur présent et la place des Noirs en France aujourd'hui. Nabil lâchera, désabusé «  Laissez tomber, ça change pas, les blacks on les voit que dans le sport et le rap en France ». Ibrahima acquiesce et renchérit : « Ça saoule qu'on nous demande d’où on vient parce qu'on est black. A Paris, on n’arrête pas de me poser cette question. Moi je suis français ».

Il s’arrête. « D'origine malienne, mais français ». Pour une grande partie des élèves, « le combat n'est pas fini » et Seth de se lancer dans un discours rappelant que « malgré la naissance de penseurs, de Senghor, de Césaire, on est toujours des incultes, des indigènes ». La séance se clôt sur la demande des élèves de prolonger cette séance en visionnant la suite du film.

A la fin de la séance et avant de sortir, Ibrahima lâchera à son camarade : « On a quand même de la chance de pas être né à cette époque »...


S. H.


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