
« La vraie nature de la banlieue » : expo sur la biodiver...cité

Non, la banlieue n'est pas juste un environnement grisâtre dominé par des barres insalubres. L'exposition « La vraie nature de la banlieue. Exemples essonniens » montée par la Maison de Banlieue et de l'Architecture (MdBA) nous le montre parfaitement. Nous connaissions sa diversité démographique, la banlieue a également une grande diversité des espaces naturels.
La nature était domestiquée pour nourrir Paris
« C'est une exposition qui va à l'encontre de certaines idées reçues, on aime bien ça à la Maison de Banlieue. Notamment sur le fait qu'il n'y aurait pas de nature ici, en banlieue parisienne », nous explique d'entrée Marie Lemoine, chargée de communication et de médiation de la MdBA. En allant à Athis-Mons, ville vallonnée où se trouve la MdBA, il est facilement vérifiable que cette idée reçue est erronée. « Même si la banlieue a détruit un certain nombre d'écosystèmes en se développant, elle en a aussi fabriqué un certain nombre. » C'est exactement ce que le visiteur peut découvrir tout au long de l'exposition qui revient de manière chronologique sur l'urbanisation de la banlieue depuis le Moyen-âge. De cette époque jusqu'à la fin du 19ème siècle, la nature était domestiquée pour nourrir Paris. Mais tout va changer avec la révolution industrielle.
Le jardin potager servait à nourrir la famille et on trouvait des enclos avec des lapins des volailles... En 2007, le pavillon s'est agrandi, le jardin est devenu un jardin d'agrément
Début de l'urbanisation
Avec la révolution industrielle, le visage de la banlieue va changer petit à petit. Les activités industrielles vont même co-habiter pendant un moment avec les activités rurales, agricoles. La banlieue va même devenir un endroit très couru : « Ce cadre très champêtre va attirer de nombreux parisiens. Dans les années 30, c'est la marée pavillonnaire. De plus, les provinciaux aussi viennent s'installer près de Paris, ils vont essayer d'y recréer un petit morceau de campagne », nous précise Marie Lemoine. Une maquette comparant un pavillon de banlieue en 1907 et en 2007 est très parlante. En 1907, le pavillon n'était pas très grand, le jardin potager servait à nourrir la famille et on trouvait des enclos avec des lapins des volailles... En 2007, le pavillon s'est agrandi, le jardin est devenu un jardin d'agrément, les lapins et volailles ont disparu, certainement bien emballés et présentés au rayon frais de l'hypermarché voisin...
Espace vert de la Grande Borne, Grigny. Coll. MdBA.
L'apport des paysagistes
En 1948, dans la France d'après-guerre, le paysagiste Albert Audias contribue à l'aménagement de la « Cité de l'air » à Athis-Mons. Construite sur le modèle des banlieues pavillonnaires américaines, elle était destinée aux employés d'Air France. « Ici beaucoup de gens pensent que ce sont les américains qui ont construit ce quartier ! » s'amuse la chargée de communication de la Maison de Banlieue. Par la suite, les paysagistes ont beaucoup travaillé avec les architectes sur la conception des quartiers. L'architecte Emile Aillaud a développer toute une réflexion sur l'épanouissement de l'enfant, dans sa conception de la Grande Borne à Grigny (1967-71). Ou encore Michel Andrault et Pierre Parrat, qui dotent chaque terrasse de chaque logement d'un jardin, dans le quartier des Pyramides à Evry (à partir de 1971).
Athis-Mons est une des premières communes de France à se doter d'un agenda 21
L'agenda 21
Les années 90 sont marquées, elles, par une prise de conscience de la situation écologique de la planète. En 1992, le sommet de la Terre à Rio de Janeiro, adopte un plan d'action pour le XIXème siècle, l'agenda 21. Athis-Mons est une des premières communes de France à se doter d'un agenda 21, avec des recommandations sur la gestion des espaces verts, des ressources en eau, sur la pollution... Le conseil général de l'Essonne y protège même des zones « naturelles » urbaines : « Le Coteau des vignes, anciens vignobles transformés en petits jardins ouvriers, a fait l'objet d'un projet d'immeuble. Mais le temps que le promoteur rachète tous les petits jardins, la nature a repris ses droits, et donc on a un bois assez sauvage en plein milieu de la ville. La tulipe sauvage, qui est une espèce très rare, y pousse. Donc, ça a été classé en espèce naturelle sensible », précise Marie Lemoine.
La base de loisirs du Port aux Cerises à Draveil et Vigneux-sur-Seine, années 1980, coll. MdBA.
Sur les plateaux de Viry-Châtillon, il y a plus de biodiversité aujourd'hui qu'au Moyen-âge ou au début de l'époque contemporaine
Une nouvelle biodiversité
« Sur les plateaux de Viry-Châtillon, il y a plus de biodiversité aujourd'hui qu'au Moyen-âge ou au début de l'époque contemporaine. Nous sommes passés d'une monoculture (champs de blé) à des lotissements pavillonnaires qui ont recréé une sorte de bocage : le bocage pavillonnaire. En venant, chaque habitant a planté ses arbres, ce qui a permis d'avoir une nouvelle biodiversité. » Et si l’action individuelle compte, celle des pouvoirs publics est aussi déterminante. Ainsi, quinze parcs et forêts de Seine-Saint-Denis sont classées « Zone Natura 2000 », un label européen témoignant d’une présence de flore et d’une faune sauvage, et les protégeant !
Du goudron, des plumes et des archives
Pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus, la Maison de Banlieue travaille avec Cloé Freigneau, ornithologue de l'association Eron. En effet, en marge de l'exposition, cette dernière emmène les curieux pour une balade éducative nommée « Du goudron et des plumes », dans le quartier du Noyer-Renard à Athis-Mons. Les banlieusards peuvent ainsi découvrir, ou redécouvrir, la nature qui les entoure au quotidien, sans forcément y faire attention. L'exposition se termine avec un montage d'images d'archives filmées par les habitants des quartiers des années 60-70. Ces images permettent de voir quel rapport avaient les banlieusards avec la nature. Un montage réalisé par Marie-Catherine Delacroix, co-réalisatrice essonnienne du documentaire « Ils ont filmé les grands ensembles ». Une mise en mouvements de nombre de photos présentées dans cette exposition.
« La vraie nature de la banlieue. Exemples essonniens » se tiendra jusqu'au 13 juillet à la Maison de Banlieue et de l'Architecture d'Athis-Mons. L'exposition sera certainement accrochée par la suite aux archives départementales et fera le tour de l'Essonne dans des écoles, des bibliothèques, des centres sociaux...
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Le 05-12-2014