APCV : relier la France et l’Algérie, par delà l’histoire

Le 21-01-2013
Par Charly Célinain

Depuis 2006, chaque année l'association APCV (Agence de la promotion des cultures et du voyage) organise un voyage en Algérie. Cette année, ce périple avait une saveur particulière puisqu'il a lieu l'année du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie...

 
« Bienvenue dans le quartier ! » c'est par ces mots que nous accueille Rahim Rézigat, co-fondateur de l'APCV, aux Francs-Moisins, à Saint-Denis (93). C'est dans ce quartier populaire, au rez-de-chaussée d'une tour, que se trouve le siège de l'APCV, dont l’objectif est de favoriser l'échange et le dialogue entre les cultures euro-méditerranéennes. Tout au long de l'année, l'association travaille sur les mémoires franco-algériennes, notamment par la visite de quartiers marqués par l'immigration et la culture maghrébine comme Barbès, la Goutte d'or, ou encore la Grande Mosquée de Paris. De plus, depuis sept ans, elle organise un voyage annuel en Algérie. Culture, mémoire, une façon de découvrir l'Algérie autrement que par le JT de 20 heures.
 
depuis 2006, c'est la première fois qu'il y a plus d'algériens que de français !

Voyage de la réconciliation

En cette année de commémoration des cinquante ans de l'indépendance de l'Algérie, cette expédition a été baptisée « Voyage de la réconciliation ». Douze personnes, dont dix femmes (et parmi lesquelles deux jeunes filles), ont donc sillonné l'Algérie du 22 décembre au 4 janvier dernier. Pour cette nouvelle édition du séjour Rahim Rézigat a noté que « depuis 2006, c'est la première fois qu'il y a plus d'algériens que de français ! » Coïncidence ? Ou alors, les français d'origine algérienne seraient-ils plus enclins à explorer leurs racines en cette année anniversaire ? Ce qui est sûr c'est que ce voyage permet de découvrir ou re-découvrir ce pays par le biais d'un circuit en bus qui passe dans le sud, bien moins touristique que le nord. Pour garantir une certaine authenticité de l'expérience, l'APCV travaille, autant que possible, en collaboration avec des associations locales comme l'association des amis de Timimoun ou l'association APICO (à Oran). Ces dernières s'occupent du gîte, parfois du couvert, des visites guidées, les visiteurs sont totalement pris en main par les locaux.  
 

Redécouvrir une culture

Ghardaïa, El-Goléa, Timimoun… plus le groupe s'enfonçait vers le sud à travers les dunes du Sahara, plus les participants re-découvraient leur pays : « J'ai l'habitude d'aller en Kabylie, je ne connaissais pas le sud. J'étais un peu étonnée de trouver des traces de cultures berbères, des tissages, des robes... Je pensais qu'ils avaient une culture propre à leur ethnie », nous confie Jacqueline, d'origine kabyle et responsable d'une association caritative en France. Karima, algérienne et élue de Villepinte, semble avoir été surprise par un autre aspect : « Je suis originaire de Nedroma, au nord-ouest (60 km de Tlemcen). Dans le sud, les femmes ont gardé certaines traditions, une façon de vivre au quotidien. J'ai eu l'impression d'être dans un autre siècle. » Les algériens du nord découvrent le sud de l'Algérie. Ils découvrent aussi l'histoire de certains lieux du nord, à Alger par exemple, avec la visite de la prison de Barberousse, construite durant la colonisation française : « C'est une prison terrible, où il y a eu des tortures pendant la guerre d'Algérie », précise Rahim Rézigat pour qui l'aspect historique est essentiel dans la démarche de l'APCV.
 
Dans la tête de certaines personnes, la guerre d'Algérie n'est pas finie.

Un tourisme courageux ?

« Des personnes âgées me disaient de ne pas y aller, qu'il y avait trop d'insécurité », explique Denise Guiard, assistante de projet culturel de l'APCV, dont c'était le premier voyage en Algérie. Pour Rahim Rézigat ce genre d'avertissement peut avoir plusieurs explications : « Dans la tête de certaines personnes, la guerre d'Algérie n'est pas finie. De plus, le pays a dû faire face à dix ans de massacres [au moment de la guerre civile des années 90, NDLR]. Si on ajoute à cela le « printemps arabe », on peut dire que les personnes qui vont en Algérie aujourd'hui sont des courageux ! » Le co-fondateur de l'APCV tient absolument à casser cette image de l'Algérie qui relève beaucoup de l'ignorance. Tous ces doutes sur la sécurité peuvent même devenir blessants : « Nous n'allons pas tout de même pas faire des voyages pour mettre la vie de gens en danger ! » se défend Rahim.
 
La récente prise d'otages d'In amenas risque de ne pas aider l'APCV à inverser cette image. Mais pour l'association l'important, est ailleurs. Ce qui prime, c'est l'échange, la rencontre avec les gens, comme le clame leur « slogan » : « J'apprécie davantage mon voisin depuis que je m'intéresse à sa culture ». 
 

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