Rahma Koné, un tremplin américain… provisoire

Le 09-09-2011
Par xadmin

Appelez-la « maître » : Rahma Koné, jeune avocate, a choisi de s’installer au Blanc-Mesnil pour exercer sa passion et sa profession. Malgré les obstacles et les préjugés qui se sont régulièrement dressés sur sa route.

Avec sa mèche sage, son tailleur discret et une frimousse à peine entrée dans la vie adulte, Rahma Koné a les faux airs d’une étudiante qui espère décrocher son BTS à la fin de l’année. Raté. La jeune femme, 31 ans, est avocate - rien que ça. Et après une carrière lancée aux Etats-Unis, elle vient de s’installer avec ses deux associés au Blanc-Mesnil, aux portes du quartier des Cosmonautes. Dans le troquet qui fait office de cantine, elle évoque sa « vocation précoce. Je voulais être avocate depuis l’âge de huit ans, influencée par les séries télé et l’envie de défendre la veuve et l’orphelin. » Mais les rêves d’enfants se heurtent parfois au monde des adultes. Surtout quand on a grandi, comme Rahma, à Saint-Denis. « A l’école, on ne vous explique pas comment devenir avocate. Sans même regarder vos notes, on considère que ce n’est pas pour nous. Les professeurs nous réservaient les voies de garage. Ils me trouvaient trop ambitieuse... Heureusement que mes parents m’ont encouragée. » Au lycée, un prof « qui avait lui aussi subi la discrimination » sert de révélateur. « Il inculquait aux élèves d’aller de l’avant, peu importe d’où l’on venait. » Rahma sait d’où elle vient, mais aussi où elle va : études de droit, puis la très sélective école du barreau, dont elle décroche le diplôme pendant les émeutes de 2005. « Je crois que ces événements ont joué sur mes débuts. Les gens ont eu une image faussée de la banlieue, qu’ils voyaient comme un territoire en guerre. Je pouvais envoyer trois cents CV, je recevais cinq réponses négatives. Je me doutais qu’il en serait ainsi, mais je ne l’avais jamais vécu. Cette situation me désespérait. »

« Rien ne m’aurait empêché de travailler dans le 93 »
Au point de sauter dans un vol direction les Etats-Unis. Pendant près d’un an, elle fait ses gammes à Washington dans un cabinet de droit pénal international. « On n’avait pas de vie : un travail dur mais passionnant ». Et, au bout, quelques certitudes : l’envie de plaider, et de travailler en France, « dans le 93. Rien ne m’en aurait empêché ». Elle rejoint les rangs de cette nouvelle génération de conseils qui montent leur propre affaire et s’installent hors de Paris. Tant mieux pour le Blanc-Mesnil, où elle arrive en mai dernier. Le garage coquettement aménagé d’un pavillon tient lieu de cabinet. « Les nouveaux avocats sont plus proches des gens que les anciens, moins élitistes, souffle-t-elle. Nous n’avons pas les mêmes rapports avec notre clientèle. Ici, il existe une proximité avec les gens du quartier, qui n’hésitent pas à pousser notre porte. » Passionnée par le droit pénal, Rahma Koné plaide, beaucoup, bouge, énormément. Le travail ne manque pas. La Seine-Saint-Denis est le premier barreau pénal de France mais ne compte que 400 avocats, contre 2000 dans la capitale. Rahma, exemple à suivre ? « Attention : je ne dis pas que la vie est belle, juste qu’on peut arriver à ce qu’on veut. Quand j’interviens dans un collège pour dire que je viens du 93, les jeunes n’y croient pas, ouvrent de grands yeux. C’est qu’ils se mettent déjà des barrières. » Qui les séparent parfois de trajectoires brillantes, à l’instar de celle de Maître Koné.

Cyril Pocréaux / Ressources urbaines
Article paru dans le Journal du Blanc-Mesnil N°9, novembre 2008
 

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