Des brigades vertes pour sauver l’environnement au Bois-du-Quesnoy

Le 07-06-2011
Par xadmin

Un quartier du nord de la France, rongé par la désindustrialisation et le chômage : l’association Quartiers sans frontières y enrôle des RMIstes et constitue des « brigades vertes » pour aider des habitants, pour la plupart isolés et repliés sur eux-mêmes, à faire revivre leur quartier et leur environnement en cultivant leur jardin.

Qui dit que l’écologie est l’apanage des riches ? A Hautmont, dans le nord de la France, plus personne. Plus depuis que Quartiers sans frontières a réintroduit la notion de respect de l’environnement au Bois-du-Quesnoy, le quartier le plus excentré de la commune, l’association a tout bonnement incité les habitants à cultiver leur jardin, les entourant de « brigadiers verts ». Agés de 18 à 50 ans, des habitants désoeuvrés ou RMIstes qui, pour certains d’entre eux, n’avaient jamais travaillé – se sont lancés à la reconquête d’espaces laissés à l’abandon. Idée simple mais efficace qui a permis d’égayer un quartier devenu triste et de retisser du lien social.

Fareth Saïfi, l’un des fondateurs de cette association, raconte l’aventure dans un ouvrage paru aux Editions du Rocher en 2008*. Aventure née en 1998 et « rendue nécessaire à la suite d’une sorte de révolte des habitants sur le montant trop élevé des taxes demandées par le bailleur des logements pour l’entretien des jardins et des haies ». Ces derniers ne souhaitaient pas payer et estimaient être capables de se débrouiller seuls. Grossière erreur. Sans l’intervention du bailleur, la situation se dégradait. « Les haies n’étaient plus taillées, les bordures plus nettoyées, les mauvaises herbes proliféraient », écrit Fareth Saïfi. D’où la création de ces brigades vertes. Pourquoi des brigades ? « Parce qu’il y avait urgence environnementale, sociale, humaine, bref écologique au sens large et plein du terme », explique l’auteur.

Pour Rachid, Hakim, Jean-Pierre et les autres, ces techniciens habitués aux galères, c’est l’occasion de se réinsérer professionnellement en tondant, élaguant, désherbant, bêchant ou en effectuant quelques travaux d’intérieur tels peinture, tapissage ou pose de barres à rideaux. Une action doublement gagnante puisqu’elle permet en même temps à des habitants, souvent âgés, de rompre l’isolement. Fareth Saïfi cite l’exemple d’une vieille dame désespérée de voir son rosier dépérir « alors qu’il fut planté par son mari, décédé il y a plusieurs années ». Ou d’une mère de famille qui a retrouvé le sourire quand sa petite fille, atteinte d’une grave maladie, a pu rejouer l’été dans un jardin entièrement remis en état.

Un modèle exportable ?
Le projet porté par Quartiers sans frontières n’a rien d’original. Le département du Rhône l’a mis en place en 1992 et d’autres brigades vertes essaiment dans l’Hexagone à Yerville (Seine-Maritime), à Tregueux (Côtes-d’Armor) ou en Ardèche. Il a néanmoins le mérite de répondre à un besoin, de surcroît dans un quartier populaire. Le modèle est-il pour autant exportable ? Contrairement à d’autres territoires en situation de ghetto social, le Bois-du-Quesnoy bénéficie d’un atout en raison de sa conception urbanistique. « On n’y retrouve que très peu de barres de béton horizontales ou verticales, le quartier étant constitué d’un habitat de type pavillonnaire » souligne l’auteur, ajoutant que ces pavillons ont la particularité d’être séparés entre eux « par des écrans de verdure ». Néanmoins, Fareth Saïfi veut croire que cette action de solidarité environnementale peut faire des émules ou du moins inspirer d’autres militants associatifs pour « faire évoluer les mentalités » sur la question écologique. Alors, à quand des brigades vertes dans les cités de banlieue parisienne ?

Ludovic Luppino

* Fareth Saïfi, Le scandale écolo des cités : voilà les brigades vertes, Editions du Rocher, 2008, 138 pages.


Trois ans après, Fareth Saïfi continue à faire germer son projet
Trois ans après la sortie de son ouvrage, Fareth Saïfi continue son combat pour une plus grande prise en compte de l’écologie dans le nord de la France. Il est le coordinateur des actions de Quartiers sans frontières et s’occupe en particulier des brigades vertes.
Pour continuer à sensibiliser les gens sur le respect de l’environnement, ce militant associatif - qui a pour sœur Tokia Saïfi, ancienne secrétaire d’Etat chargée du développement durable (de 2002 à 2004) et actuelle députée européenne - prépare l’organisation d’un forum sur les métiers issus de l’économie verte. L’événement doit se dérouler en novembre à Maubeuge durant trois jours.
S’il estime que la publication du livre a eu « un retentissement au niveau local » et a permis de « mettre en exergue les actions de l’association », il prône la nécessité de poursuivre un travail de terrain afin de « mieux outiller les citoyens et leur donner ainsi les moyens d’interpeller les responsables politiques lorsqu’il le faut ». Issu d’une famille de dix enfants, ce Ch’ti d’origine algérienne, âgé de 48 ans, est tombé dans la marmite du combat associatif en 1983, en participant à la Marche des Beurs pour l’Egalité. Son goût pour l’écologie, il dit le tenir de son père. Un père décédé lorsqu’il n’avait que dix ans et qui a « toujours veillé à ce que son potager soit entretenu » et que « la terre y soit régulièrement retournée puis ensemencée ».

L.L.
 

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