Décolonisation : le passé à composer

Le 07-12-2010
Par xadmin

Entretien avec Pascal Blanchard, historien, directeur de l'Association  pour la Connaissance de l'Histoire de l'Afrique Contemporaine, pour souffler les 50 bougies de la décolonisation.

Presse & Cité : Comment la commémoration du cinquantenaire des indépendances a été
vécue en Afrique et en France ?


En Afrique, 80% des commémorations ont porté sur des thématiques autour  de la Force noire et de la présence des troupes coloniales aux côtés de  la France. Pour les Armées et les Etats en Afrique, le défilé du 14  juillet a été une fierté. Cela a rappelé des faits d'armes communs. Et  aurait donc pu contribuer à pacifier les "mémoires". Mais il n'y a eu  aucun versant politique à cela, ni aux quelques programmes historiques  (dont le site de RFI a été le relais). En France, sans l'EPCAD (service  de communication des Armées), il n'y aurait rien eu. Jacques Toubon (qui  a assuré la coordination de ces commémorations) n'a pas eu de budget. Et  du côté des départements, des régions, des villes, des réseaux  associatifs et des intellectuels, et même la population, quasiment rien  n'a été mis en oeuvre !

Comment cela se fait-il ?

Pour les Etats africains, les indépendances n'ont pas été considérées  comme fondatrices, y compris pour légitimer des régimes en place, à la  différence de l'exemple algérien. Il y a un oubli de cette histoire ; on  considère d'ailleurs du côté  français que les révoltes au nord de la  Côte d'Ivoire, au Cameroun ou à Madagascar n'ont pas été des combats  d'indépendance. On veut donner le sentiment que ces indépendances ont  été octroyées par la France.

Que cela dit-il des relations entre la France et l'Afrique ?


Cela signe un déficit total de connaissance de l'histoire de l'Afrique,  de la colonisation, de la décolonisation et de ce qu'il s'est passé  depuis. Il n'y pas d'équivalent, en terme de reconnaissance, d'un  Benjamin Stora (spécialiste de la guerre d'Algérie) sur la  décolonisation africaine. Sans travail d'historien, sans mémoire, il n'y  a pas de commémoration possible, ni d'opposition. Cela s'explique sans doute par le fait que ces indépendances n'ont pas induit de changement profond, de basculement dans l'histoire de ces pays. Ce qui est  intéressant, c'est le continuum. Ce qui continue de se passer entre la France et l'Afrique depuis 1960.

Propos recueillis par Erwan Ruty

 

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