
Mon incroyable Quito, épisode 3 : Le logement social de demain, avec ou sans les habitants ?

Logement social, production de l'habitat social, planification urbaine, prospective, ville inclusive… Des mots que j'ai entendus pendant ces quelques jours à Quito. Et pour mieux comprendre le sens de cette ville de demain que l'on prépare à Habitat III, je me suis penché sur l'un d'entre eux, le logement social, et me suis posé trois questions. Réponse.
Logement social, c'est quoi ce gros mot en fait ? Détour par le 93
Lors de mes pérégrinations en Seine-Saint-Denis, je suis tombé amoureux de ces différents logements destinés à ces personnes à revenus modestes. C'est bizarre, je peux l'admettre, mais comprendre comment on habite sa ville, c'est comprendre la ville et ses habitants. Du coup, je suis allé voir ce que c'était. Essayer de découvrir de nouvelles formes d'habiter. Et à ma plus grande surprise, j'ai découvert des œuvres d'art. Oui, oui les gars, au premier sens du terme. Des trucs classés au patrimoine du XXe siècle. Un peu comme Notre Dame, version logement social. Du Palaccio d'Abraxas, superstructure futuriste réalisée par Ricardo Bofill à Noisy le grand – le film d'anticipation « Hunger games » a été tourné là-bas pour la petite histoire, je ne vous dis pas le souk que c'était- en passant par la Maladrerie d'Aubervilliers de Renaudie et Gailhoustet, une mangrove labyrinthique de logements obtus qui se visite comme Notre Dame de Panam -encore elle- et par l'Abreuvoir d'Émile Aillaud, une cité jardin d’un nouveau genre bordé d’immeubles aux formes inattendues, tripodes et rondes. Tous ces tests d'architecture n'ont pas forcément été une réussite, mais ils ont montré qu'une autre approche était possible, que le logement social pouvait être pensé différemment et que certains architectes étaient déjà dans le futur entre 1970 et 1990. Y'en a qui imaginaient déjà des endroits où c'était possible de bien vivre et où l'habitant était la priorité. Bim. Seine-Saint-Denis 1 – Monde 0 !
Qui sont les acteurs du logement social aujourd'hui ? Et qu'est ce qu'ils en disent ?
Passion oblige, j'ai eu envie de voir ce qui se faisait aujourd'hui et découvrir le futur de l'habitat social dans le monde. Quito. Equateur. Jeudi 20 octobre 2016. Salle R21. 11h. Side event « Social Rental Housing: A Key Composant Of Urban Planning ». 5 intervenants. Du Chili, d'Afrique du Sud et de Bordeaux Métropole. Une personne de l'AFD, un mec d'une banque d’investissement et Vincent Edin , intellectuel de gauche assez cool comme modérateur, qui fait partie de la team avec qui l’on passe du temps à Quito.
La salle est pleine. La conférence commence. Une personne de la Caisse des Dépôts et du Conseil National des Villes. Je sens déjà que je vais avoir du mal à suivre. Beaucoup de chiffres, des concepts flous et peu de concret. Je me souviens tout à un coup d'une phrase de Manuel Valls il y a quelques semaines. "La France est le pays de l'Union européenne qui produit le plus de logements sociaux". Le 27 septembre 2016, au 77ème congrès annuel de l’Union sociale pour l’habitat qui se tenait à Nantes (oui oui je m'en souviens bien, je suis vraiment passionné par cette question), il louait le modèle français de financement qui a permis le développement efficace du secteur, faisant effectivement du pays le premier constructeur de logements sociaux en Europe. La directrice de l'habitat de Bordeaux Métropole fait la promotion de ses projets « Nous essayons de lutter contre la gentrification », « les constructions se feront au centre en évitant la périphérie », « Notre défi dans 10 ans est de construire 7500 logements dont 3500 sociaux ». Des diapositives s'affichent sur un écran situé à côté de la table de parole.
Un homme s'approche et essaye de brancher son téléphone. La TV s'éteint un moment. Plus de diapositives. Des rires s'entendent dans la salle. « Malheureusement, nous n'aurons pas le temps de prendre des questions dans le public. Nous sommes pressés par le temps et il y a un autre side-event juste après. Vous pourrez poser vos questions aux intervenants en dehors de la salle ».
La salle est pleine. La conférence commence. Une personne de la Caisse des Dépôts et du Conseil National des Villes. Je sens déjà que je vais avoir du mal à suivre. Beaucoup de chiffres, des concepts flous et peu de concret. Je me souviens tout à un coup d'une phrase de Manuel Valls il y a quelques semaines. "La France est le pays de l'Union européenne qui produit le plus de logements sociaux". Le 27 septembre 2016, au 77ème congrès annuel de l’Union sociale pour l’habitat qui se tenait à Nantes (oui oui je m'en souviens bien, je suis vraiment passionné par cette question), il louait le modèle français de financement qui a permis le développement efficace du secteur, faisant effectivement du pays le premier constructeur de logements sociaux en Europe. La directrice de l'habitat de Bordeaux Métropole fait la promotion de ses projets « Nous essayons de lutter contre la gentrification », « les constructions se feront au centre en évitant la périphérie », « Notre défi dans 10 ans est de construire 7500 logements dont 3500 sociaux ». Des diapositives s'affichent sur un écran situé à côté de la table de parole.
Un homme s'approche et essaye de brancher son téléphone. La TV s'éteint un moment. Plus de diapositives. Des rires s'entendent dans la salle. « Malheureusement, nous n'aurons pas le temps de prendre des questions dans le public. Nous sommes pressés par le temps et il y a un autre side-event juste après. Vous pourrez poser vos questions aux intervenants en dehors de la salle ».
Aujourd'hui, « Habitat III ». Demain, « Habitant III » ?
Une représentante du ministère du Logement chilien commence sa présentation. « L'Etat chilien veut diversifier l'offre de logements sociaux, en adéquation avec les besoins des habitants grâce au Programme Subsidio de arreido (programme incluant les migrants soit dit en passant) ». Enfin. Personne n'avait encore prononcé ce mot « habitant ». Ne seraient-ce pas les habitants qui feront la ville de demain ? Rendre la ville de demain plus inclusive, ne serait-ce pas le but d’Habitat III ? Oui, car avec Habitat III, il devrait y avoir de nouveaux accords et engagements internationaux liés à l'habitat et au développement urbain, au sein duquel le concept de droit à la ville émerge. Le droit d'habiter et de construire ensemble la ville demain.
Les présentations se finissent sur le CEO (« Chief executive officer », soit Directeur général, en français) de AFHCO (Africa housing company), structure d'entreprenariat social Sud-Africaine. Un intervenant qui mêle des mots comme « social housing » et « capitalism » ; puis vient la conclusion d'un mec de la BIRD (Banque internationale de reconstruction et de développement) et de Vincent Edin, tout en humour. Je le remercie d'avoir été présent. Ma conclusion : d’ici à 2050, la population urbaine mondiale devrait presque doubler, faisant de l’urbanisation l’une des tendances les plus fortes du XXIe siècle ; et même si 40% de cette population vivra dans un habitat « inadéquat », rien ne va vraiment changer. L'habitant sera toujours bien loin de la construction de sa ville.
J'aurais bien posé une ou deux questions, je sors un poil frustré, je ne m'attendais pas à ça. Peut-être que je ne comprends pas assez bien les subtilités de l'anglais ? Peut-être que je ne suis pas un spécialiste de ces questions ? En tout cas, ça manquait de prospective et de propositions. Je me rappelle les quelques mots de Thierry le matin même : « Axe ton article sur le futur, c'est ce qu'on fait chez Usbek, on parle du futur ». Mais est-ce bien ici, à l'Onu, que le futur se crée !?
Les présentations se finissent sur le CEO (« Chief executive officer », soit Directeur général, en français) de AFHCO (Africa housing company), structure d'entreprenariat social Sud-Africaine. Un intervenant qui mêle des mots comme « social housing » et « capitalism » ; puis vient la conclusion d'un mec de la BIRD (Banque internationale de reconstruction et de développement) et de Vincent Edin, tout en humour. Je le remercie d'avoir été présent. Ma conclusion : d’ici à 2050, la population urbaine mondiale devrait presque doubler, faisant de l’urbanisation l’une des tendances les plus fortes du XXIe siècle ; et même si 40% de cette population vivra dans un habitat « inadéquat », rien ne va vraiment changer. L'habitant sera toujours bien loin de la construction de sa ville.
J'aurais bien posé une ou deux questions, je sors un poil frustré, je ne m'attendais pas à ça. Peut-être que je ne comprends pas assez bien les subtilités de l'anglais ? Peut-être que je ne suis pas un spécialiste de ces questions ? En tout cas, ça manquait de prospective et de propositions. Je me rappelle les quelques mots de Thierry le matin même : « Axe ton article sur le futur, c'est ce qu'on fait chez Usbek, on parle du futur ». Mais est-ce bien ici, à l'Onu, que le futur se crée !?
Quel futur pour le logement social ? Celui où les habitants eux-mêmes en seraient les constructeurs ?
Je sors de la salle après avoir échangé avec la directrice de Bordeaux Métroprole Habitat. Tout le monde est souriant. La conférence s'est bien passée. Apparemment. Je me dis que la journée ne peut pas finir comme ça. Je me rends à la press room pour explorer le site internet d'Habitat III. Barre de recherche : « Social Housing ». Ouf, j'ai de quoi faire l'après-midi. Il est presque 13h. Mon téléphone vibre. « Rendez-vous au café en sortant de l'agora. Je suis avec des collègues que j'aimerais bien te présenter ».
La veille, au café Démocratico, pour la soirée de fermeture de l'AFD, j'ai rencontré un couple, Eloise et Ben, travaillant à l'ONU. Tous les deux passionnés par la question du logement social. Quel genre de personnes parlent de logement social dans un bar où tout le monde danse et fait la fête ? Ils m'expliquent qu'ils vivent à New York dans un quartier qui s 'appelle Stuyvesant Town, où le logement social cohabite avec du locatif « normal » et qu'ils ont choisi d'être là presque par principe. Un concept de vivre ensemble assez controversé, de couleur rouge brique, construit dans un style typique des logements sociaux de la ville. Des loyers oscillant de 90, pour les plus modestes, jusqu'à 5000$ (pour un deux pièces) pour les plus aisés. Tout ça encadré par le privé. Avec des associations d'habitants très fortes. « Meme si à la base, l'architecte ne voulait pas trop de Noirs sur le pâté de maisons » ! Je leur parle de ce que j'ai pu voir en Seine-Saint-Denis. Je retrouve leurs collègues. Tout ce beau monde fait partie d'une ONG qui s'appelle UrbaMonde. En gros, des urbanistes « convaincus que les habitants et usagers finaux de l'espace urbain devraient être au coeur des processus qui produisent la ville. La mission d'urbaMonde est de soutenir une ville "par et pour les habitants ». Un peu l'opposé de la conférence que j'ai pu voir il y a une heure...
Notre discussion commence directement : « Il y a deux stratégies générales : une urbanisation de masse produite par les acteurs publics qui tentent de répondre à une demande d'habitat et d'infrastrustures pour les habitants à faible revenu et un développement immobilier privé qui répond à la demande avec une approche de partenariats public/privé ». La discussion se fait autour de maki péruvien/japonais (les meilleurs du monde). « Ces deux approches sont-elles les seules à créer cohésion sociale et qualité ? En complément du public et du privé, il existe une autre ville, produite par les habitants, créatrice de liens. Des projets en adéquation avec les besoins des habitants, inclusifs pour le coup ». Leur but, montrer qu'une autre ville possible. On m'explique qu'en Inde sur 10 logements produits, 1 l'est par le public, 1,5 par le privé et le reste par les habitants. Qu'à Zurich, 20% du parc immobilier social est contruit par des coopératives d'habitants et que l'objectif est d'atteindre 33% en 2050.
Ce serait donc ça, l'avenir du logement social ? Une construction non par le public ou par le privé mais par les habitantseux-mêmes ? Est-ce que le logement social du futur, ce ne serait pas celui qui est produit par celui qui va vivre dedans ? Finalement la conversation finit sur l'idée que ce n'est pas aux Nations Unies d'agir, que l'Onu est là seulement pour lever les sujets et les faire porter très haut. Et les faire accepter aux Etats, de confrontrer les idées. « C'est aussi les habitants qui doivent agir, c'est juste dommage qu'il ne soient pas là. »
La veille, au café Démocratico, pour la soirée de fermeture de l'AFD, j'ai rencontré un couple, Eloise et Ben, travaillant à l'ONU. Tous les deux passionnés par la question du logement social. Quel genre de personnes parlent de logement social dans un bar où tout le monde danse et fait la fête ? Ils m'expliquent qu'ils vivent à New York dans un quartier qui s 'appelle Stuyvesant Town, où le logement social cohabite avec du locatif « normal » et qu'ils ont choisi d'être là presque par principe. Un concept de vivre ensemble assez controversé, de couleur rouge brique, construit dans un style typique des logements sociaux de la ville. Des loyers oscillant de 90, pour les plus modestes, jusqu'à 5000$ (pour un deux pièces) pour les plus aisés. Tout ça encadré par le privé. Avec des associations d'habitants très fortes. « Meme si à la base, l'architecte ne voulait pas trop de Noirs sur le pâté de maisons » ! Je leur parle de ce que j'ai pu voir en Seine-Saint-Denis. Je retrouve leurs collègues. Tout ce beau monde fait partie d'une ONG qui s'appelle UrbaMonde. En gros, des urbanistes « convaincus que les habitants et usagers finaux de l'espace urbain devraient être au coeur des processus qui produisent la ville. La mission d'urbaMonde est de soutenir une ville "par et pour les habitants ». Un peu l'opposé de la conférence que j'ai pu voir il y a une heure...
Notre discussion commence directement : « Il y a deux stratégies générales : une urbanisation de masse produite par les acteurs publics qui tentent de répondre à une demande d'habitat et d'infrastrustures pour les habitants à faible revenu et un développement immobilier privé qui répond à la demande avec une approche de partenariats public/privé ». La discussion se fait autour de maki péruvien/japonais (les meilleurs du monde). « Ces deux approches sont-elles les seules à créer cohésion sociale et qualité ? En complément du public et du privé, il existe une autre ville, produite par les habitants, créatrice de liens. Des projets en adéquation avec les besoins des habitants, inclusifs pour le coup ». Leur but, montrer qu'une autre ville possible. On m'explique qu'en Inde sur 10 logements produits, 1 l'est par le public, 1,5 par le privé et le reste par les habitants. Qu'à Zurich, 20% du parc immobilier social est contruit par des coopératives d'habitants et que l'objectif est d'atteindre 33% en 2050.
Ce serait donc ça, l'avenir du logement social ? Une construction non par le public ou par le privé mais par les habitantseux-mêmes ? Est-ce que le logement social du futur, ce ne serait pas celui qui est produit par celui qui va vivre dedans ? Finalement la conversation finit sur l'idée que ce n'est pas aux Nations Unies d'agir, que l'Onu est là seulement pour lever les sujets et les faire porter très haut. Et les faire accepter aux Etats, de confrontrer les idées. « C'est aussi les habitants qui doivent agir, c'est juste dommage qu'il ne soient pas là. »
Cette série a été réalisée en partenariat avec le "média qui explore le futur", Usbek & Rica, pour l'Agence française de développement