Lieux de croisement : Episode 1, La Défense, à la recherche de son identité - RU

Le 12-03-2010
Par xadmin

Urbanité nouvelle : ces lieux où beaucoup de monde se croise sans pour autant se rencontrer.
Ressources Urbaines s’intéresse à ces lieux de passage pas comme les autres.

Episode 1, La Défense.
Près de 3 millions de personnes foulent chaque année le sol de la Défense. Financiers, vendeurs ou simples ouvriers, tous se croisent. Mais se rencontrent- ils vraiment?

Un homme pressé traverse l’esplanade de la Défense. Valise à roulette, manteau noir, il fonce tout droit vers la gare. Il survole le parvis, assemblage granuleux de dalles en béton. Le gris tranche avec le bleu du ciel. Dans son élan, il croise un couple, sacs en plastique vert aux mains. Ils sortent des Quatre Temps, le centre commercial de La Défense. Plutôt chargés, ils déambulent à travers les « Utsurohi», dessins au ciel de Miyawaki, une artiste japonaise. Et le périple artistique continue. Devant eux, à quelques mètres, le pouce de César. 12 mètres de métal, inauguré en 1994. La femme, veste en cuir noir, tourne la tête. A sa droite, des rires raisonnent. Trois jeunes filles. Trois touristes italiennes. «Prends nous en photo, allez !» lance l’une d’entre elle à ses deux amies, assises sur le banc, en PVC vert. Jeans, vestes à la mode et solaires derniers cris, elles ont le look. En dix minutes, trois mondes viennent de se croiser. Ni plus ni moins. Normal pour un lieu de passage. Mais Difficile de nouer des contacts.
Car à la Défense, tout va vite. Les Franciliens viennent y travailler. Il suffit de regarder autour de l’Arche. Société Générale, EDF, Total, les grands noms du Cac 40 y ont tous érigé des tours. Pas étonnant, la Défense accueille 2500 entreprises. Surtout, il s’agit du premier centre européen d’affaires. Alors pour beaucoup, La Défense, ils y viennent par obligation. Pas vraiment pour le plaisir. Comme Oumel, 40 ans, chevelure rousse et serviette en cuir dans les bras. « La Défense, on s’y rend parce que l’on y est convoqué.» Cette ancienne étudiante en architecture sait bien de quoi elle parle. «J’ai rendez-vous ce matin à l’Essec», explique t-elle. Originaire de Calais, elle vient suivre une formation. « Entreprendre au féminin», confie t-elle. L’œil plutôt affuté, elle remarque, néanmoins, que le lieu a évolué depuis son dernier passage. « Avant, je trouvais cela vide. Aujourd’hui, l’Arche semble se fondre dans le paysage. Le lieu s’est densifié.» C’est le moins que l’on puisse dire. Chaque jour, la gare achemine près de 450000 usagers. Selon Daniel, architecte dans un cabinet privé, «la majorité d’entre eux habite à une heure du lieu.» Il ne faut pas moins d’un RER, trois trains de banlieue, une ligne de métro, un tramway et 20 lignes de bus. Un véritable hub!(plate-forme NDLR) La plupart emprunte les deux escalators qui donnent sur le parvis. Et aux heures de pointe, l’Arche passe presque au second plan. Presque car une fois engagé sur l’escalier roulant, difficile de manquer ce symbole et ses panneaux de vitres optiques. Le monument culmine quand même à 110 mètres de haut.
Et puis, l’autre attraction de La Défense, c’est aussi les Quatre Temps, le centre commercial aux 231 boutiques. Pas moins de six portes d’accès. Devant l’une d’entres elles, des jeunes des villes avoisinantes, Puteaux, Nanterre ou Asnières, tiennent les murs. Les garçons, coupe au gel et jean slim haranguent les filles qui leur ressemblent. « Tu me files ton numéro ?! » ou « Vas y, viens faut que je te parle!» entend t-on ici et là. Peut-être finiront-ils dans l’une des seize salles obscures situées au dessus d’eux. Le cinéma de La Défense, impossible à rater. Une grosse boule en verre abrite ce « méga-cinéma ».
Rendre la culture visible dans cet amas de béton. «C’est le parti pris des pouvoirs publics», selon Daniel. Justement, on entend la sonnerie d’alarme d’un camion. Il fait marche arrière. Sur le parvis, des ouvriers montent un chapiteau. Palettes en bois et enclos. C’est le festival Chorus qui se prépare. Après le marché de Noël en décembre, le rendez-vous musical devrait animer le parvis pendant quinze jours. Déjà, les panneaux d’affichages rappellent aux passants l’imminence de Chorus. Des grands noms de la scène française devraient mettre de l’ambiance sur cette dalle que certains jugent trop froide. Et c’est bien là, le pari du Conseil général de Hauts de Seine. Transformer un lieu de passage en lien de vie et de culture. Du côté des touristes, le défi semble gagner. Claudia, son mari et un couple d’amis viennent de la Côte d’Azur. Cheveux au carré, blonds, Claudia, la soixantaine bien portante, a déjà brandi son appareil photo. «Ah oui, visiter la Défense, c’était incontournable!», lance t-elle. Son amie, elle, cheveux courts et bottes en cuir a un avis plutôt tranché : «je n’aime pas du tout. Je n’aime pas le modernisme!» La dame ne semble pas intéressée par le site. Visiblement, La Défense a encore des gallons à gagner avant de devenir un haut lieu culturel. Mais Rome ne s’est pas faite en un jour…

Nadia Moulaï - Ressources Urbaines
 

Participez à la réunion de rédaction ! Abonnez-vous pour recevoir nos éditions, participer aux choix des prochains dossiers, commenter, partager,...