
Appel pour une République post-raciale : le vrai débat ?

En pleine nausée provoquée par le débat sur l’identité nationale, une autre voix apporte quelques bouffées d’oxygène. L’« appel pour une République multiculturelle et post-raciale », lancé par les historiens François Durpaire et Pascal Blanchard, l’ex-footballeur Lilian Thuram, la présidente de l’association les Indivisibles, Rokhaya Diallo et le fondateur du magazine Respect, Marc Cheb Sun, se base sur les propositions de 100 personnalités et acteurs culturels, politiques, économiques et sociaux, connus ou anonymes. Le tout est condensé dans un fascicule publié avec le magazine Respect paru aujourd’hui.
Les journalistes qui se sont rendus à la conférence de presse du collectif le 20 janvier au Musée Dapper ont pu apprécier, au passage, une exposition sur les sapeurs, ces membres de la S.A.P.E. (Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes), amateurs mondialisés de luxe décalé, que l’ont peut croiser autant dans les rues de Brazzaville que dans les boutiques de tailleurs parisiens.
Cette initiative collective frappe par son esprit d'ouverture et prend le contre-pied d'un débat sur l’identité nationale imposé « par le haut ». L’appel, dans les cartons bien avant le lancement du débat par Eric Besson « répond, assure malicieusement Pascal Blanchard, à la plupart des questions qui angoissent le Ministre ». Pour Rokhaya Diallo l’objectif est une « société où l’appartenance ethno-raciale ne déterminera plus la place faite à chacun dans la République ». Un débat sur la diversité somme toute banal qui, elle l’espère, « à terme n’aura plus à avoir lieu ».
Parmi les réactions de la salle, reviennent deux remarques, récurrentes dans les débats sur la « diversité » : la question de l’occultation des questions sociales au profit de l’aspect ethno-racial et celle du « danger communautariste ». Fausses questions, assure François Durpaire pour qui « il faut combattre sur les deux fronts ». Pour lui il faut certes un ascenseur social, mais aussi un « étage » d’arrivée pour la France multiculturelle. Les 100 propositions touchent d’ailleurs à la fois aux questions « ethno-raciales, sociales, politiques et urbaines ». D’autre part, en ce qui concerne le spectre du communautarisme, il souhaiterait à l’image de sociétés multiculturelles comme le Canada, qu’on ne place plus les jeunes aux identités complexes et mondialisés dans des « conflits d’allégeance ». Pascal Blanchard explique quant à lui qu’on ne peut s’interdire de penser aux questions d’identité et à l’histoire au nom de certains mots tabous tels que le « communautarisme » ou la « repentance », obstruant tout regard sur l’histoire coloniale. Le fonctionnement par cooptation des élites blanches et masculines n’est-il pas, lui, du communautarisme ?
Autre question récurrente, La France est-elle une société raciste ? François Durpaire, assure que les élites et les institutions sont responsables en premier lieu de la « racialisation du regard ». Lilian Thuram s’appuie sur du concret pour mettre l’accent sur les préjugés raciaux : « 55% des français pensent qu’il existe des races déterminées par la couleur de peau".
A qui la responsabilité ? L’éducation et les programmes scolaires sont évoqués par la salle. Pascal Blanchard acquiesce en revenant sur le « bond en arrière » de 2005 avec la loi sur le « rôle positif de la colonisation ». Les médias sont également mis à l’indexe par la sénatrice de Paris Bariza Khiari. Encore trop monocolores et stigmatisants, ils manquent à leur obligation en matière de « construction des représentations ». Une meilleure prise en compte des médias des quartiers pourrait contribuer à changer la donne. Etonnant et dommage qu'aucun d'entre eux n'ait été associé à l'initiative.
YT/ER