Débat sur l’identité nationale : un nouveau pas vu pas pris des médias ?

Le 08-01-2010
Par xadmin

Il est toujours étonnant de constater avec quel aplomb les médias évitent tout questionnement qui viendrait quelque peu égratigner leur responsabilité à l’endroit du débat qu’on ne présente plus ; celui sur l’identité nationale. Il est vrai que l’atmosphère marécageuse que sécrète le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire (sic), invite à une prudence de sioux.

Mais tout de même. Les journalistes n’hésitent pas à agiter dans des éditoriaux indignés le spectre de Vichy, à rendre un peu plus audible la parole si peu écoutée d’historiens ou de sociologues, à traquer les dérapages des ministres et même à s’engager pour la fin de ce débat devenu une entorse à cette République réputée indivisible. Pourtant, ils font peu de cas de la décennie écoulée où les écrans, les titres de la presse et le web, se sont donnés des vertiges avec les « banlieues où la police ne va plus », « l’islam des caves », « les tournantes » ou « les émeutiers encapuchonnés ». Reportages de l’extrême, articles incendiaires ou films anxiogènes diffusés à longueur d’articles et d’émissions par une large partie de la presse, ont aussi contribué à faire des banlieues et de leurs habitants un ailleurs de la société française, bien avant la crise de 2008, bien avant la présidence de Nicolas Sarkozy.
De cette responsabilité, il ne sera pas question dans les rédactions. En préparant les esprits à une perception souvent sans nuance, sans complexité et uniquement caricaturale ou fantasmée des quartiers populaires, des immigrés et de leur descendance, certains médias ont fait le lit de ce débat aux allures d’appel à la défense des origines menacées. Les dérives médiatiques qui avaient annoncé la présence d’un parti d’extrême droite ouvertement xénophobe au deuxième tour des présidentielles de 2002, n’étaient semble-t-il qu’un avertissement. Le pire est peut-être encore devant nous. Des réactions semblent ici et là s’organiser. Emmenées par SOS racisme, plusieurs personnalités, politiques et artistiques notamment, demandent l’arrêt d’un débat exutoire d’une parole raciste. Pour d’autres, tels les initiateurs de l’appel pour une France multiculturelle et post-raciale, il s’agit de construire un mouvement citoyen susceptible de bâtir une République plus fraternelle.
Ces initiatives qui pourraient être complémentaires, ne doivent pas occulter la permanence du débat identitaire dans les banlieues et ignorer ses acteurs. Les combats pour l’indépendance, les luttes sociales, les crimes racistes, les bavures policières, les forfaitures judiciaires, les discriminations ou la précarité structurelle, ont largement contribué à mobiliser les premiers visés par les logorrhées du débat sur l’identité nationale. Militantisme, actions collectives, marches, procédures judiciaires, manifestations, expression publique ou colères ; tous les moyens ont été utilisés par les habitants des quartiers populaires pour après un drame ou une nouvelle injustice, interroger la France sur son concept aléatoire de la citoyenneté, sa définition malléable de la République et finalement sur son identité. A l’épreuve des banlieues, la République n’a-t-elle pas failli à son identité, aux valeurs de ses frontispices et à ses déclarations universalistes ? Il ne faudrait pas que ce débat national lancé il y a des décennies ponctuées de révoltes, de drames, de désillusions, d’élans aussi, et animées par ceux et celles qui font les banlieues et leurs multiples héritages, ne soit encore une fois invisible car disqualifié par les fumées des nuits d’émeute ou les égarements médiatiques.

Farid Mebarki, président de l'association Presse et Cité
Augustin Legrand, rédacteur en chef de Orbeat Magazine
Rokhaya Diallo, présidente des Indivisibles
Pascal Dubernet, président de Quartier Sans Cible
Sabrina Kassa, journaliste, auteure, responsable de l’atelier de journalisme Dawa
Sofiane Louaïl, association UnisVersDemain
Emmanuel Riondé, responsable de l’Atelier de journalisme de Marseille.
Moïse Gomis, directeur de radio HDR
Erwan Ruty, directeur de Ressources Urbaines, l’agence de presse des quartiers
Ahmed Nadjar, rédacteur en chef de Med’in Marseille
Elise Lowy, sociologue, directrice de publication et Raphal Yem, journaliste, Fumigène Magazine
Ayoko Mensah, rédactrice en chef d'Afriscope


 

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