
« Je suis passé par une promo de la diversité »
Sciences Po avait innové en 2001 en lançant ses conventions ZEP afin d’aider de jeunes lycéens issus de classes sociales défavorisées à entrer à Sciences Po. Si seulement sept lycées avaient alors participé à l’opération, leur nombre atteint désormais les 62 établissements. Et d’autres grandes écoles, comme le lycée Henri IV, le CFJ et l’ESJ lui ont depuis emboité le pas. Impressions avec trois jeunes étudiants issus de ces filières.
Et dire qu’il y a cinq ans, Linda Mamar-Chaouche, ne connaissait rien à Sciences po, ni de son existence, ni de ses formations. « C’est un professeur d’économie qui m’en a parlé… mais j’ai surtout découvert cette école grâce au partenariat qu’avait signé mon lycée de Saint-Ouen », explique-t-elle. La convention passée entre les deux établissements permettait en effet à de jeunes lycéens d’accéder à Sciences Po sans avoir à passer le concours d’entrée. Les étudiants devaient suivre des ateliers hebdomadaires au cours de l’année de terminale, préparer un dossier à présenter devant un premier jury au sein du lycée, puis s’ils obtenaient leur bac du premier coup, ils passaient devant un deuxième jury à Sciences Po qui décidait alors de leur admission. « Ces conventions sont vraiment une bonne chose, estime la jeune femme de 22 ans aujourd’hui en 5e et dernière année à Science po. Non seulement, elles permettent de faire connaître Sciences po dans des établissements difficiles où on ne nous parle pas forcément des grandes écoles, mais elles contribuent également à créer une émulation au sein même des établissements en donnant une sorte d’espoir aux jeunes qui y sont lycéens… »
L’espoir, Ange Boyou l’a attrapé au vol. Élève émérite à Clichy-sous-Bois, le jeune homme envisageait déjà de suivre une classe préparatoire dans le but d’intégrer une école de commerce ou une grande école lorsqu’il a entendu parler de ce partenariat. « C’était un rêve pour moi d’aller à Sciences po, mais j’ai surtout opté pour cette solution parce que cela me permettait en plus d’obtenir une bourse annuelle, d’être logé en cité universitaire et de me détacher un peu du cocon familial. » Sans ce soutien financier, Ange Boyou, 20 ans, aujourd’hui en troisième année à Sciences po, avoue qu’il aurait eu des difficultés à s’engager dans de longues études. « Même s’il s’agit de discrimination positive, ce partenariat est une excellente chose pour les jeunes de banlieue, insiste-t-il finalement. Car cela crée une émulation et le nombre de candidats augmente chaque année. » Mais tout le monde n’aura pas la chance d’intégrer Sciences po par cette filière. Heureusement depuis cette première initiative, d’autres grandes écoles ont fait le pari d’ouvrir d’autres filières parallèles afin de donner leur chance au plus grand nombre.
C’est ainsi que Farid Mahmoudi a intégré le Centre de Formation des Journalistes de Paris via sa nouvelle filière « apprentissage », lancée en 2007. Après une licence d’Histoire, deux échecs au CAPEPS, Farid a entendu parler de cette nouvelle filière par un ami et n’a pas hésité. « À l’époque, il n’y avait pas de concours d’entrée. La formation se faisait en alternance entre l’école et l’entreprise. C’est ce qui m’a plu. » Surtout, le jeune homme n’aurait pas pu payer les frais d’une formation classique au CFJ entre le concours, les deux années scolaires et l’hébergement. « Là, je n’ai rien eu à débourser, détaille-t-il. J’ai même été payé par l’entreprise où j’étais en formation ». En revanche, même s’il estime que « c’est une chance d’avoir pu suivre cette filière », Farid regrette d’avoir été choisi sur ces origines. « Avant de proposer ma candidature, je ne savais pas que cette filière avait été créée dans un but de diversité sociale… La discrimination positive n’est peut-être pas un mal, notamment dans certains milieux comme le journalisme qui est plutôt réputé pour être assez refermé sur lui-même. Mais, personnellement, ce critère me gêne. Aujourd’hui, je ne saurai jamais si j’ai été pris pour mes qualités ou parce que je m’appelais Farid… » Une donnée qui n’a pas empêché le jeune homme de décrocher du travail dès sa sortie du CFJ. Il continue en effet de travailler pour l’entreprise où il était en formation, au rythme d’une quinzaine de piges journalières par mois. Et là, on ne peut pas dire que c’est uniquement une histoire de chance !