Beya Zerguine : « Il faut maintenant que les gens s’apprêtent à faire différents métiers »

Beya Zerguine
Le 13-10-2015
Par Erwan Ruty

Cette jeune entrepreneuse de Brétigny-sur-Orge a déjà un parcours notable, à la fois dans le monde émergent des auto-entrepreneurs, avec une activité autour des ressources humaines, et dans l’engagement citoyen en matière d’accompagnement à l’emploi. Une expérience riche qui en dit long sur la manière de s’en sortir, en passant hors des sentiers battus.

 

P&C : Comment, pourquoi as-tu décidé de devenir auto-entrepreneur ?
BZ : J’ai su dès la fac que je créerai mon entreprise, mais je n’avais pas d’idée concernant le domaine d’activité ! En fait, je me suis rendue compte que je m’en sortais mieux quand je me fixais mes propres objectifs, méthodologies, plannings ! J’avais fait des stages pour acquérir des méthodes de travail, dans des grandes entreprises : Adecco, Randstad. Je pensais qu’elles seules avaient des méthodes de travail que je voulais apprendre. Je me trompais ! J’ai travaillé dans les ressources humaines pendant dix ans, mais je n’ai fait que du terrain, sans formation dans ce domaine. Mais on me disait que « je ne respectais pas les process ». Et puis, voyant que les Cv que je recevais ne correspondaient pas au parcours réel des gens que je recevais ensuite, j’ai décidé de faire de l’accompagnement… Je passe ainsi de l’autre côté !
 
 
P&C : Quand as-tu créé ton entreprise ?
BZ :
En 2012. Je l’ai fait en me rendant compte quand je faisais des cessions pour Pôle Emploi que les gens étaient déprimés, notamment parce qu’ils n’osaient pas être eux-mêmes. On leur impose un modèle. Je pars de Randstad en profitant d’un « plan social », et mets de l’argent de côté. Je fais un congé reclassement. Et m’oriente finalement vers… le conseil aux femmes victimes de violences, pour une association de Seine-et-Marne. On me propose un poste de vacataire ou auto-entrepreneur ! Ce que je pensais être mon employeur est devenu mon client ! C’est mieux, tu n’as pas de lien de subordination. Il faut laisser les gens s’exprimer, créer, proposer, sinon, ils sont frustrés. Je dis : « On ne sait pas qui on est, on a besoin de savoir qui on est ».
 
 
P&C : Tu as aussi été responsable d’un regroupement d’auto-entrepreneurs ?
BZ :
L’idée vient de la Maison de l’emploi de Seine-et-Marne. Sans doute cela venait du constat que les auto-entrepreneurs créaient leur activité mais n’avaient pas assez de chiffre d’affaire, et ne savaient pas comment chercher des clients. Ce n’est pas si facile d’être chef d’entreprise ! Avec ce statut, seule la partie administrative est facile. Qui plus, son image était mauvaise… J’ai ensuite fait partie de la Fédaration des auto-entrepreneurs. C’est une super structure, ils ont créé des prix, fait du conseil, sont montés au créneau pour défendre le statut, ils font de la veille juridique.
 
 
P&C : Et maintenant ?
BZ : J
’ai arrêté avec ce statut : mes clients étaient ceux de la Maison de l’Emploi, pas les miens. J’avais trop le sentiment d’être salariée. Pour créer un cabinet, sous statut associatif, en 2014, « Beya Conseil ». Il y aura à la fois des salariés, des stagiaires, des bénévoles, des prestataires. Je veux diviser mon activité d’accompagnement en fonction du public, entre ce que je pourrais facturer, et ce que je ferai pour ceux qui n’en ont pas les moyens. Pourquoi pas grâce à des subventions. En tous cas, je voudrais que tout le monde puisse profiter de cette activité. En fait, il n’y a pas un « bon statut » type pour créer un projet. Mais seulement un statut adapté à ton projet. Maintenant, je trouve que le statut EIRL [Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limité, NDLR], qui te permet de protéger tes biens, est intéressant. Ce qui n’est pas le cas avec le statut d’auto-entrepreneur. Et puis RSI [Régime social des indépendants, qui gère la collecte des charges de beaucoup d’auto-entrepreneurs Ndlr], c’est dur !
 
 
P&C : Ce parcours d’auto-entrepreneur mené par bon nombre de jeunes de quartiers populaires n’a rien à voir avec ce que leurs parents faisaient…
BZ :
Les jeunes voient le résultat sur la santé de leurs parents, ce que c’était que de travailler en usine ou dans le secrétariat… Ils n’ont pas envie de faire un métier par obligation. Il faut maintenant que les gens s’apprêtent à faire différents métiers. Il y a de plus en plus de formes d’entreprenariat, mais le portage salarial se développe beaucoup : tu es salarié, mais tu n’as pas à gérer l’administratif... Et la France, n’oublions pas que c’est 97% de TPE !
 
 

Participez à la réunion de rédaction ! Abonnez-vous pour recevoir nos éditions, participer aux choix des prochains dossiers, commenter, partager,...