
Une Villa Médicis à Clichy-sous-bois ? L’avis de l’écrivain Mabrouck Rachedi

Il a connu son premier succès avec « Le poids d’une âme » puis avec « Le petit Malik », Petit Nicolas à la sauce « quartiers ». Sélectionné dans de grands programmes littéraires internationaux pour des ateliers (en Chine et aux Etats-Unis), il donne son avis sur le projet de cette résidence d’artistes qui pourrait donner une nouvelle image à la ville de Clichy d’ici à la fin de la décennie.
P&C : Tu as participé des résidences et ateliers d’écrivains. Comment est-ce arrivé ? Et qu’est-ce que ça peut apporter à un écrivain ?
M.R. : Des gens de l’ambassade des Etats-Unis m’ont contacté ; puis la Chine a vu que j’avais fait ce programme, alors ils m’ont contacté aussi. Dans l’Iowa, c’est un vrai projet, tu te coupes de plein de gens pendant trois mois, mais il y a énormément d’avantages : c’est des horizons que tu t’ouvres, une immersion dans une culture. Un passage de mon dernier livre se passe à Hong-Kong. Aux Etats-Unis, on était une trentaine d’écrivains de différents pays. Ca t’apporte une confrontation avec d’autres formes d’écriture. J’étais avec des jamaïcains, des sierra-léonais. Un vrai voyage ! Les interventions qu’on te demande son souvent présentées comme des obligations, mais un auteur aime souvent rencontrer des gens. Ca stimule. Comme les rencontres informelles : tu apprends souvent autant chez ton boulanger qu’ailleurs !
P&C : Tu dois échanger avec le territoire ?
M.R. : Oui, il y a un cahier des charges minimum. Tu dois faire des interventions, te rendre disponible pour des événements. Tu dois quelque chose à cet environnement. Te balader dans des structures locales, des médiathèques, des écoles…
P&C : Tu irais à Clichy pour un même programme ?
M.R. : Oui, même un auteur de banlieue peut être intéressé ! Toutes les banlieues ne se ressemblent pas, celles du 91 sont très différentes de Clichy ! Mais il peut surtout être demandé à un auteur de produire quelque chose in situ.
P&C : A quelles conditions ce projet de Villa Médicis à Clichy serait une réussite, selon toi ?
M.R. : Il serait bien de faire un jumelage avec un organisme de prestige. Il faut surtout faire attention à ne pas créer un cocon tourné seulement vers le milieu culturel, mais aussi vers des structures locales dans lesquelles les habitants se rendent. Par ailleurs, faire travailler ensemble plusieurs auteurs est toujours utile, voire jubilatoire pour les auteurs. C’est très propice à la créativité. Il ne faut pas rester dans une bulle : certains auteurs ont tendance à se replier sur eux…
P&C : Quels sont les écueils à éviter dans un tel projet ? L’argent est-il un argument ?
M.R. : Il y a toujours le risque que les réseaux qui préemptent la culture française soient les premiers sélectionnés. Il y a une réelle endogamie, un entre-soi. Mais oui, un des avantages des résidences est que tu es payé. Il y a des chouchous qui en font beaucoup, là aussi ce sont souvent les mêmes qui sont servis ! Le temps de la résidence doit aussi être étudié : le temps passé a des conséquences sur la qualité du travail. Il ne faut pas seulement faire trempête deux ou trois semaines !
P&C : Les banlieues sont-elles un territoire plus romanesque que les autres ?
M.R. : Il n’y a pas de territoire plus romanesque q’un autre. La mine, Zola en a fait Germinal.