
Un feu d’artifice, des saccages et un putsch de pieds nickelés

Le Président Hollande n’a pas boudé son plaisir lors de la traditionnelle interview du 14 juillet. La Grèce et l’Iran se sont involontairement portés à son secours en ce long week-end de juillet marqué par deux accords diplomatiques. Mais sur le bitume surchauffé des quartiers populaires, on a zappé une fois de plus la parole présidentielle.
Chaque été, les chaleurs estivales semblent figer la France. Tout semble aller au ralenti en attendant la rentrée… ou un évènement dramatique en mesure de bousculer les torpeurs et jeter sur le macadam des milliers d’indignés. 2014 fut marqué par Gaza et les manifestations de protestation qui ont suivi partout en Europe. En 2015, le coup de force d’Alexis Tsipras et sa conclusion douce-amère semblent susciter moins de passion. L’actualité s’embolise à coups de feuilletons venant squatter les pages des quotidiens ou de publireportages sur les festivals d’été qui attentent un clic complice sur des webzines un brin essoufflés. La France s’endort au rythme des étapes du Tour de France et des montées de mercure de ses épisodes caniculaires.
Discours présidentiel attendu
Dans ce contexte, les festivités du 14 juillet et l’interview du Président de la République par les immarcescibles Chazal et Pujadas, semblent anecdotiques tant les préoccupations des Français sont tendues vers cet héritage du Front populaire qu’il est impératif d’honorer : les vacances. L’Euro sauvé il est même possible, audace suprême, de préférer les îles grecques aux plages meurtrières de Tunisie. On évitera néanmoins Chios ou Lesbos où les migrants fuyant les chaos du Moyen-orient et de la corne d’Afrique y ont également leurs habitudes.
C’est donc au diapason de la marche honorifique du GIGN, du RAID ou de la BRI sur les Champs Elysées, que le Président de la République tiendra en haleine les deux journalistes vedettes du petit écran. Le chef de l’Etat rappellera la menace qui pèse sur la République : « toutes les semaines, nous arrêtons, nous empêchons, nous prévenons des actes terroristes ». Avec cette élocution singulière dont on ne sait si elle est surjouée ou naturelle, il appellera aussi à l’unité et au rejet de la peur. Sur le front diplomatique il dira le rôle de médiateur de la France dans la crise grecque et sa fermeté sur le dossier iranien. Enfin, en conditionnant sa candidature pour 2017 à la baisse du chômage il claironnera « vous en connaîtrez, j’espère, des présidents aussi audacieux que moi ! ».
Signes de défoulement
Terrorisme pourfendu, accords diplomatiques conclus et chômage combattu, telle est la punch line que François Hollande pourrait reprendre en 2017 si la croissance le lui autorise. Malgré cet enthousiasme et ce bilan positif qui annonçait un 14 juillet en famille à l’ombre de cette France tranquille mais combative décrite par le Président, des esprits chagrins n’ont pas manqué de venir rappeler que la France va mal. La veille dans plusieurs quartiers de la région parisienne ou du lyonnais, la tentation de l’émeute semble encore vivace au point de dénombrer des véhicules et des établissements publics ou de commerce incendiés, des affrontements avec les forces de l’ordre blessant 3 policiers et près 200 personnes arrêtées. Un défoulement annuel pour des jeunes désœuvrés diront certains, un prurit spectaculaire d’une France périphérique à l’abandon diront d’autres. De même cette rocambolesque tentative de « coup d’Etat pacifique » emmenée par le « Mouvement du 14 juillet » qui a fédéré jusqu’à 300 fans des théories du complot, arrêtés en Gare du nord. Cette escapade de pieds nickelés pourrait être risible si les réseaux sociaux et cette toile qui n’en finit pas n’étaient pas en passe de transformer la chose publique en un déversoir de haine et d’inepties manifestement en mesure de mobiliser un grand nombre d’esprits suffisamment à bout pour passer à l’acte.
« Tout un peuple accourut écrire cette journée sur l’album de l’histoire, sur le ciel de Paris » constitue le premier vers du poème « 14 Juillet » de Francis Monge. Il faut croire que les naufragés du roman national que sont les complôtistes et les banlieusards aient répondu de manière dangereuse et désespérée à l’appel de la fête nationale. Dommage que le Président Hollande considère que l’audace se résume dans l’inflexion des courbes du chômage.