
La République, réponse magique de tous les partis pour soigner tous les maux ?

La France a voté. Quelques petits mois après l’esprit du 11 janvier et les discours de reconquête républicaine sinon de repeuplement des quartiers, une droite revigorée emmenée par Nicolas Sarkozy semble avoir contenu la poussée du FN et mis en déroute la gauche. La République pour les uns, le thème identitaire pour les autres. Qui l’emportera en 2017 ?
La gauche semble s’être résignée à regarder l’inexorable montée d’une droite décomplexée qu’elle avait cru mettre en déroute un soir d’avril 2012. A bien y regarder, c’est davantage l’ambition et le style d’un homme, le Président Sarkozy, qu’elle avait contenus. Depuis, ni le chahut des frondeurs, ni les élus défaits ou les diatribes des Verts et du Front de gauche, ne semblent remettre en cause le train de réformes voulu par Manuel Valls. Le gouvernement avance pied au plancher convaincu, comme en 2013 déjà, que la croissance sera au rendez-vous… en 2015. Cette pensée magique qui peut laisser dubitatif sinon énerver celles et ceux qui tirent le diable par la queue pour boucler leur fin de mois, n’est plus audible. D’autant que la Grèce, et peut-être demain l’Espagne, tentent d’esquisser d’autres voies contre la crise.
La République pour tous, ou contre les indésirables?
Par quel ressort un gouvernement aussi désavoué peut-il encore tenir ? Par quel discours, quel récit conduit-t-il le peuple de France là où celui de l’identité nationale est dominant ? Après les terribles attentats de janvier, le doute n’est plus permis ; la défense des valeurs républicaines semble agir à gauche comme l’est celui de l’identité à droite. Rien de bien nouveau, diront les fins connaisseurs de l’histoire politique française... Hormis que cette défense des valeurs républicaines est désormais l’apanage de toutes les formations politiques y compris du FN. La gauche semble malheureusement suivre cette antienne pour tout et son contraire : contre le FN, contre les quenelles, contre le communautarisme, contre la visibilité des religions dans l’espace public, contre les entraves à la liberté d’expression, contre les mamans voilées dans les écoles, contre les mômes qui font les imbéciles lors des minutes de silence… A écouter Manuel Valls, la République est menacée de toute part, elle subit un siège intérieur. Discours qui à bien des égards fait le lit de l’extrême droite dont le fonds de commerce est bien celui des valeurs traditionnelles menacées. Par qui ? Les indésirables qui prennent des noms (d’oiseaux) différents selon qu’on est à droite ou à gauche. Indésirables qui parfois français depuis plusieurs générations doivent toujours prouver leur adhésion à la communauté nationale. Indésirables auxquels il manque encore ce supplément d’âme pour être à la hauteur de l’exigence républicaine et que la gauche a bien sûr le devoir de tutorer.
Un musée de la République défendu par la gauche
Finalement, ce que défend farouchement la gauche, c’est davantage le musée de la République avec ses images d’Epinal édifiant les esprits du siècle dernier, plutôt que la nécessaire réactivation de l’idée même de la République dans un contexte inédit de crise. La France a basculé sur elle-même en l’espace de 50 ans et ses partis politiques sont encore dans le déni. Ils en sont encore à refuser la contribution des acteurs issus des immigrations et des banlieues dans le renouvellement du pacte républicain dont le préambule nécessaire reste, depuis la fameuse marche de 1983, l’égale considération des citoyens quelles que soient leur condition et leurs orientations culturelles.
La hantise de l’effondrement du modèle républicain retarde la mue d’une trop grande partie de la gauche alors que les derniers scrutins lui prouvent que les milieux populaires, et premièrement les banlieues, se sont affranchis du syndrome de Stockholm qui voulait que leur vote soit acquis à la gauche. L’injonction à être Charlie a certainement davantage fossilisé une grande partie du camp progressiste dans cette attitude et convaincu une bonne partie de son intelligentsia à opter pour l’intransigeance. 2017 pourrait annoncer le retour de Mireille, Enrico et Faudel sur les Champs Elysées.