Education civique : Dur, dur d’être citoyen

Des lycéens de la Réunion préparent des programmes politiques et simulent des élections parlementaires européennes. © Cidem
Le 09-10-2014
Par Rémi Canali / CFPJ

Les cours d’éducation civique, très formels et les scandales politiques n’incitent pas les jeunes à s’intéresser à la citoyenneté. Des associations tentent cependant de les impliquer dans la vie publique. Mais entre Neuilly-sur-Seine et Aulnay-sous-Bois, les préoccupations ne sont pas les mêmes.

 

« Thévenoud incivique ». C’était la Une du journal Libération mercredi 10 septembre. Un secrétaire d’Etat qui ne paie pas ses impôts. Quelques mois plus tôt, un ministre est accusé de fraude fiscale. Auprès des jeunes, la crédibilité de la République et la définition de la citoyenneté prennent un coup dans l’aile.

« Si les politiques, comme Jérôme Cahuzac par exemple, ne respectent pas les règles, le contrat social est brisé. Pourquoi les jeunes accepteraient-ils alors de le respecter ? », se demande Olivier Brusson, avocat et vice-président du Club de la Libre Expression (Clé), une association d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) qui a pour objectif « l’amélioration de la situation des personnes et de leur environnement de vie ».

« L’éducation civique est le parent pauvre de l’enseignement, confirme Didier François, directeur de l’association Civisme et Démocratie (Cidem). Certains professeurs font ça quand ils ont du temps dans leur programme. » Récemment, cette association a monté un projet autour des dernières élections européennes, dans le but, notamment, d’informer les jeunes et de faire émerger leur esprit citoyen. Pour ce faire, des lycéens ont simulé des élections parlementaires. Huit lycées issus de milieux populaires autant qu’aisés ont participé à ce projet « dans l’optique de mélanger les territoires et les classes sociales et de faire fi des difficultés rencontrées par les moins favorisés ».  Didier François l’admet tout de même, impliquer ces derniers s’est révélé une tâche délicate : il a fallu les inciter un peu plus avant qu’ils ne se prennent au jeu.

 

Un besoin qui change selon l’origine sociale

Pour Olivier Brusson « il y a un besoin de sensibilisation partout ». La Clé tient d’ailleurs à accompagner les populations sur des sujets qui touchent tout le monde. Il admet tout de même que dans le sud pavillonnaire d’Aulnay. « On vient nous voir concernant les querelles de voisinage ou les crottes de chien sur les trottoirs. Dans les cités au Nord, on s’inquiétera plutôt de la violence et du chômage. »

Et un coup d’œil rapide sur le site Internet de la Ligue de l’enseignement des Yvelines et sur celui de Seine-Saint-Denis permet également de constater cette différence. Alors que le premier semble surtout s’atteler à la formation des délégués élèves, le second engage également des actions sur les thématiques du vivre ensemble, de la gestion des conflits et sur l’éducation à la différence.

Une réalité que confirme Marie-Hélène Priou Meyre, membre du Groupe de réflexion civique (GRC), à Neuilly-sur-Seine. Cette association organise notamment des sorties scolaires avec des élèves de CM2 pour visiter un commissariat de police. Au plus grand bonheur des enfants « qui adorent voir tout l’arsenal d’un policier », s’enthousiasme-t-elle. « La visite de la mairie est aussi un moment où nous leur expliquons que s’ils veulent faire entendre leur voix, ils le peuvent. S’ils veulent plus d’espaces verts, d’espaces de jeux où de pistes cyclables, par exemple. »

Ainsi, pour intégrer les jeunes à la vie civique, il faut avant tout les faire participer à la vie locale. « Le civisme et la citoyenneté ne sont pas des domaines qui s’apprennent mais qui se vivent au quotidien, qui demandent d’agir », confirme Didier François. Une démarche qui passe par le premier devoir du citoyen qui est, selon Olivier Brusson, de s’informer. Ce qui peut sembler facile pour la plupart, mais qui n’est pas si aisé dans les milieux défavorisés. Par exemple, avoir un accès à Internet est un avantage considérable que tous ne possèdent pas. Sans parler de ceux qui maitrisent mal le français. Avec eux, il faut reprendre les bases : La Clé aide les adultes à remplir des papiers administratifs, par exemple. Auprès des jeunes, elle les accompagne dans la création de projets, notamment culturels. « Nous ne sommes pas là pour faire les démarches à leur place, mais pour qu’ils apprennent en faisant, pour pouvoir se débrouiller seuls à l’avenir, précise-t-il. Avant de pouvoir parler d’existence politique pour les jeunes de milieux défavorisés, il faut arriver à dépasser les disparités sociales.

 

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