
Les Mureaux ont ils trouvé la formule pour battre le FN ?

Répertoriée comme une "commune brune" dans les années 1990, les Mureaux se sont progressivement détournés du Front national. Les investissements réalisés par la mairie ont, en partie, réconcilié les habitants avec leur ville. Une solution sur le long terme ?
En France, la montée du Front national inquiète. Une commune a pourtant réussi à inverser la tendance : Les Mureaux. Lors de l’élection présidentielle de 2007, Marine Le Pen affichait un score de 13,7% soit quatre points de moins que sa moyenne nationale. Dans cette commune des Yvelines, les électeurs se tournaient massivement vers le parti d’extrême droite depuis les années 1990. Pour les élections législatives de 1993, le parti avait ainsi recueilli 42 % des voix contre 15 % en 2012 et 30 % aux municipales de 1995 contre 20% en 2014. François Garay, divers gauche, a ainsi été élu maire pour la troisième fois. « On voit que le maire s’investit », témoigne une retraitée qui habite au centre ville. Cheveux grisonnants, canne à la main, elle estime que « le visage de la commune a beaucoup changé au cours de ces dix dernières années. »
Depuis six ans, la ville, aux 46% de logements sociaux, bénéficie d’un vaste plan de réhabilitation. « Nous avons choisi d’entourer les immeubles de clôture » [résidentialisation, dans le vocabulaire des urbanistes, ndlr], indique Nicolas Wecker, directeur de la communication à la mairie. « Nous avons ainsi retracé une frontière entre espace privé et public. Lorsque tout est à tout le monde, chacun fait sa loi. » Ce grand projet de rénovation urbaine s’étale sur dix ans. Il concerne la moitié des Muriautins et un quart du territoire. De la refonte de l’avenue Paul Raoult, colonne vertébrale de la ville à la création de nouveaux équipements publics, la municipalité compte améliorer le cadre de vie des habitants. François Garay estime que le recul du FN est dû à « la confiance retrouvée des habitants ». « On a refait des routes, on a rouvert une médiathèque, on offre des jobs d’été… Les habitants constatent, au quotidien, que l’on s’occupe d’eux. »
Un pôle scolaire ouvert sur la ville
Un exemple tient particulièrement à cœur à François Garay : le pôle Molière. Construit en lieu et place de la plus haute tour de la ville, détruite en 2010, il réunit une école maternelle, une école élémentaire, une crèche, un centre de loisirs, une ludothèque, un restaurant scolaire transformable en salle d’exposition, un centre de ressources et des salles polyvalentes. « C’est une belle réussite », indique un parent d’élève. « Le centre multimédia accueille les élèves sur des créneaux réservés et tous les habitants le reste du temps. La salle de restauration des enfants peut également accueillir d’autres activités. Tout le monde peut en profiter. »
La mairie cherche désormais à désenclaver les quartiers. Car après la guerre, Les Mureaux ont accueilli les ouvriers de l’usine Renault Flins située en bordure de la ville. A la fin des années 1960, l’entreprise a fait venir des milliers de Marocains. De grands ensembles sont alors construits au sud de la ville pour répondre aux besoins de logements. La mixité sociale, qui existait encore dans les tours, disparaît progressivement avec la crise et l’arrivée du chômage. Les communautés portugaise et italienne et les Français dits de souche s’installent alors dans les zones pavillonnaires. Les familles originaires d’Afrique restent dans les tours, de l’autre côté de l’avenue Paul Raoult. « On évite de s’aventurer dans ces quartiers », explique Marisa en sortant de la boulangerie. « Mais c’est plus calme qu’avant. Il y a des caméras de surveillance partout. »
« Si nous n’occupons pas cet espace, les religieux prendront le relais. »
L’équipe municipale cherche également à impliquer les jeunes dans la vie de la commune. « Il faut être présent et les sortir des quartiers sensibles. Nous leur proposons des petits boulots et nous multiplions les partenariats avec les associations locales », explique François Garay. « Si nous n’occupons pas cet espace, les religieux prendront le relais. » Beaucoup regrettent en effet que les salafistes monopolisent le marché de la cité des Musiciens.
Ces aménagements sont également salués par le Front national. Mais le parti d’opposition appuie là où ça fait mal : la dette par habitant a augmenté de 151,4% entre 2000 et 2012. Le FN compte en profiter pour convaincre une nouvelle fois les habitants. « Lorsqu’ils se rendront compte du coup de ces travaux, ils se tourneront vers nous », explique Pierre Chassin, conseiller municipal d’oppostion. « La dette a explosé ces dernières années. Le maire a été élu pour la première fois en 2001. On peut donc facilement faire le lien. » Un argument qui a de quoi convaincre Jimmy*, éducateur dans un centre socio culturel. « J’ai toujours voté à gauche. Jusqu’aux dernières municipales… Il y a un moment où il faut arrêter. Les travaux c’est bien mais qui va payer ? »
*Le prénom a été modifié