
Metrokawa : le Grand Paris, avec ou sans ses habitants ?

Demain à Paris comme en banlieue, logement, transport, urbanisme, tout cela ne sera plus voté en mairie, mais au sein de Paris Métropole, gros bébé né le 27 janvier 2014, qui deviendra obèse. L’asso Metropop s’est donnée pour mission de rendre ces enjeux compréhensibles pour le grand public. Un défi pour l’un de ses fondateurs à la veille d’un de ses « Métrokawa » à Montreuil, demain mardi 11 mars
P&C : Dans votre quatrième « Métrokawa » depuis 2010, demain à La parole errante (Montreuil), vous faites intervenir plusieurs personnalités de poids comme la directrice de Paris-Métropole ou Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris et chargé de cet enjeu auprès de lui, ainsi qu’une « chargée du développement » de Plaine Commune, la communauté d’agglomération de Seine-Saint-Denis, dont le président est loin d’être enthousiaste à l’idée du projet de Paris-Métropole tel qu’il se dessine. Il va y avoir du rififi ?
Julien Neïertz : Pas forcément : c’est vrai que Plaine Commune, qui a fait un gros boulot depuis 2008, très fouillé, très bien fait, sur la participation des habitants aux communautés d’agglo, était plus proche des premiers projets de Grand Paris, espérant une sorte de coopérative d’intercommunalités. Et puis Patrick Brouezec [président de Plaine Commune, ndlr] a fini par se ranger au nouveau texte de loi. Il fallait que ça avance ! Ils ont fini par se retrouver avec la directrice de Paris-Métropole, Marie Deketelaere-Hanna, qui préside la mission de préfiguration du futur Paris Métropole.
P&C : Il y a aussi des intervenants plus inattendus : une slameuse et le responsable de « L’agence nationale de psychanalyse urbaine » ! Késako ?
JN : Laurent Petit, ingénieur, n’est ni psychanalyste, ni urbaniste [ouf !] : il cherche les points aveugles, les tabous, à la frontière entre le sérieux et le décalé, avec un vrai travail de recherche et d’explication des enjeux. Et la slameuse, Saliâme, de l’association Fatma et Cie, est une personnalité qui a une vision poétique ET politique. Ce n’est pas Grand corps malade. Elle est là pour faire comprendre les enjeux, en réutilisant notamment les mots des intervenants et des participants. Nous, à Métropop, on accompagne, pour décrypter.
P&C : Justement quelles vont être les questions abordées ?
JN : On a fait remplir un questionnaire aux participants : 80% des questions concernent la place des habitants dans cette future communauté, les craintes sur la question de la proximité, de la vie quotidienne, et de l’éloignement de la future instance, vue comme une échelle bien trop large. Les politiques disent que ce n’était pas le cadre d’une loi d’aborder ces questions de la participation des habitants ! Cela dit bien l’état d’esprit du législateur : c’est à nous de nous organiser ! Tout cela a été voté sans consultation, de manière anti-démocratique. Si bien que même ceux qui s’opposent à ce projet actuel de manière opportuniste, comme la droite, ne recueillent que 3000 signataires à leur pétition ! Il n’y a eu ni information, ni débat…
P&C : Peut-être est-ce dû au fait qu’aucune personnalité médiatique ne s’y intéresse ?
JN : Il y a quand même Claude Bartolone [actuel président de l’Assemblée nationale, et parrain officieux de toute les bagarres politiques en Seine-Saint-Denis, ndlr]. Cécile Duflot s’est retirée du débat, alors que c’est son ministère de tutelle. Et Delanoë est plutôt dans une logique de retrait…
P&C : Que pouvez-vous faire dans ce débat assez lointain ?
JN : Notre rôle, à Métropop, est de donner les moyens, les outils, aux habitants pour qu’ils participent au débat. Parce que le débat mené par les agences de communication, c’est du bluff… On se voit comme un intermédiaire, un « pôle de développement citoyen ». On n’est pas partisans, mais on veut créer un rapport de forces, prendre de l’espace. Au fond, ce qu’on veut, s’est une recomposition des relations entre centre et périphérie, qui est un clivage obsolète et invalidant pour beaucoup de gens. Il faut franchir ces périphériques, symboliques ou réels.
P&C : Et comment y parvient-on ?
JN : Par exemple en traitant de la question de l’imaginaire et des identités, comme on va le faire avec Futurs en Seine. En faisant intervenir des artistes, dans le numérique ou ailleurs, ou des réseaux comme Mémoire et histoires en Île-de-France. On voudrait monter une exposition itinérante sur les imaginaires métropolitains, en 2016, qui serait la résultante des productions de nos différents ateliers. Avec un documentaire, comme on en a fait un avec Ali Arhab (Tours et détours), sur l’histoire des imaginaires autour de la banlieue au cinéma.
P&C : Ca ne va pas être facile !
JN : Il faut que les gens s’intéressent à Paris Métropole, sinon Paris Métropole s’intéressera à eux, mais sans eux, comme la banlieue s’est faite dans les années 50 ! L’habitat, le logement, les transports, la politique de la ville… sur tout ça, le discours est parfois le même : « il faut construire vite, la banlieue c’est le chaos… » Ce sont les politiques et surtout les promoteurs qui décideront. Le Conseil de Paris ne sera plus décisionnaire ! Il ne pourra plus délibérer, c’est une petite révolution ! Le pire, c’est que les organes de participation des citoyens sont encore vus comme de simples partenaires dans ce Paris Métropole !