
La carte de séjour de 10 ans, vue par ceux qui la possèdent

Outre la Marche pour l’égalité et contre le racisme, la carte de résident fête également ses 30 ans. C’est en effet à ce moment-là qu’elle fut annoncée par François Mitterrand. L’occasion pour Presse & Cité d’interroger ceux qui l’ont obtenu de nos jours.
Viktoria, 29 ans. "Ça vaut le coup, rien que pour se simplifier la vie"
Viktoria, "avec un k" précise-t-elle, parle tellement bien le français qu’il faut l’écouter quelques minutes pour dénicher un léger accent venant de l’Est. Normal pour quelqu’un qui veut enseigner cette langue. Cette Ukrainienne vit dans les Hauts-de-Seine depuis six ans. Entre les cours qu’elle a pris à la Sorbonne et ceux qu’elle a donné en russe, elle avait peu de temps pour s’ennuyer. Mais depuis trois mois elle est sans emploi. "C’est ce qui m’a motivé à demander cette fameuse carte de résident", souligne-t-elle. "Je veux être sûre de pouvoir travailler sur le long terme". Viktoria vient d’en faire officiellement la demande. Avant cela, elle possédait un titre de séjour provisoire. Bonne nouvelle : il est renouvelable. Mauvaise nouvelle : il n’était valable qu’un an. Résultat, "des dossiers à reconstituer chaque année pendant six ans et des queues interminables en préfecture".
Les récépissés, ces documents provisoires de séjour délivrés entre deux cartes, elle connaît. "Cela m’est déjà arrivée d’être sans papiers, car mon récépissé n’était plus valable et je n’avais pas encore reçu ma nouvelle carte", se souvient-elle. Ce qu’elle veut maintenant, c’est se "simplifier la vie". Etre autorisée à prendre un crédit et, surtout, avoir un vrai travail. "Avant je ne pouvais pas me projeter : voyager, devenir propriétaire de mon appartement et même acheter une télévision...". Et maintenant ? "J’ai un peu peur", confesse-t-elle. Viktoria a beau réunir toutes les conditions d’obtention, la délivrance d’une telle carte est très "aléatoire" selon elle. "Avec le bouche à oreille, on sait dans quelle préfecture il vaut mieux se rendre pour des réponses favorables. Le pire c’est dans le 92 et le plus recommandé c’est le 78 ou le 95". Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre le verdict. Si elle ne sait pas quand la réponse lui sera donnée, elle est au moins sûre d’une chose : "Ce n’est pas quelque chose qui se fait à la légère. Mais si on est motivé, ça vaut le coup".
Les récépissés, ces documents provisoires de séjour délivrés entre deux cartes, elle connaît. "Cela m’est déjà arrivée d’être sans papiers, car mon récépissé n’était plus valable et je n’avais pas encore reçu ma nouvelle carte", se souvient-elle. Ce qu’elle veut maintenant, c’est se "simplifier la vie". Etre autorisée à prendre un crédit et, surtout, avoir un vrai travail. "Avant je ne pouvais pas me projeter : voyager, devenir propriétaire de mon appartement et même acheter une télévision...". Et maintenant ? "J’ai un peu peur", confesse-t-elle. Viktoria a beau réunir toutes les conditions d’obtention, la délivrance d’une telle carte est très "aléatoire" selon elle. "Avec le bouche à oreille, on sait dans quelle préfecture il vaut mieux se rendre pour des réponses favorables. Le pire c’est dans le 92 et le plus recommandé c’est le 78 ou le 95". Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre le verdict. Si elle ne sait pas quand la réponse lui sera donnée, elle est au moins sûre d’une chose : "Ce n’est pas quelque chose qui se fait à la légère. Mais si on est motivé, ça vaut le coup".
Maintenant on sait qu’on va rester ici
Amina, 58 ans. "Grace à cela, presque toute ma famille est naturalisée"
Il y a encore 10 ans, elle était sans papiers. Maintenant, c’est elle qui vient en aide aux personnes dans cette situation. Amina a fui l’Irak en 2002. Quand elle arrive en France avec son mari et ses quatre enfants, seuls les foyers les accueillent. Elle dépose un dossier mais n’obtient que des récépissés. "Je ne pouvais pas travailler alors j’y passais mes journées", explique-t-elle. D’abord Créteil, puis Dijon et enfin Paris. Dans chacun d’entre eux, elle met ce temps à profit pour apprendre le français. Qu’elle parle maintenant couramment. C’est en 2006 qu’elle obtient la carte de séjour de 10 ans, avec l’aide d’une assistance sociale. "J’ai enfin pu demander un vrai logement et trouver du travail", précise-elle. Fini les foyers et les hôtels, Amina devient cantinière et vit dans le XVème arrondissement de Paris. Mais il a fallu se battre pour que ses deux premiers enfants, alors majeurs, l’obtiennent aussi. "Je me souviens qu’on s’était levé à 3 heures du matin pour être les premiers à la préfecture. Quand on est arrivés, il y avait déjà quatre familles devant nous". Pour ses deux derniers enfants, la délivrance fut automatique.
Mais Amina ne s’est pas arrêtée là. Trois ans plus tard, elle fait une demande de naturalisation. Ses enfants, qui sont à l’école et à l’université en ont également bénéficié. "Maintenant on sait qu’on va rester ici", atteste-t-elle. Si c’était à refaire, elle le referait. Mais elle ne le conseillerait pas à tout le monde. "Ma sœur et mon cousin sont partis au même moment que moi aux Etats-Unis, ils ont eu des papiers beaucoup plus rapidement". Il ne reste plus que son mari, pour qui elle s’inquiète un peu. "Il ne parle pas bien français, et je crois qu’ils ne voudront pas à cause de ça". Dans le centre social La Clairière, où elle est bénévole, elle vient souvent pour organiser des activités. Comme elle auparavant, des familles attendent d’être régularisées. "Je leur dis toujours ce que je me disais moi-même : "c’est dur mais il ne faut jamais baisser les bras".