Qui veut la peau des assos ? Episode 6 : La Cathode. « Les associations sont la variable d’ajustement des budgets du gouvernement »

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Le 02-10-2013
Par Erwan Ruty

La Cathode était en redressement judiciaire. Cet atelier d’insertion au cinéma formait pourtant une dizaine de vidéastes par an depuis 1985. Une perte pour un territoire si mal représenté par les médias, puis qu’il s’agissait d’inciter des habitants de Seine-Saint-Denis à porter un « regard de banlieue » sur le monde. Entretien avec Gabriel Gonnet, au milieu d’une manif déprimante.


Ils n’étaient que quelques poignées de militants grisonnants, éparpillées de-ci, de-là, sur la très grande place à la sortie du métro Porte de Pantin, Paris 19è, ce samedi-là. Un beau samedi de septembre où ils répondaient à l’appel « Non à la disparion des associations », avec la fédération des centres sociaux, quelques assos du quartier, pour un pique-nique qui aurait pu être sympa. Des passants mi-clochards, mi-toxicos s’arrêtent hésitants, semblant se demander s’il s’agit d’une soupe populaire. C’est bien un pique-nique, mais on est loin des dernières manifs à la mode chez les bobos, façon « disco-soupe ». Beaucoup de gens sont d’un certain âge. Dans « l’atelier » où je vais retrouver un collègue en difficultés, ils sont cinq assis près de la fontaine aux lions. L’un ressemble à un Raspoutine édenté. Une femme a de la barbe. Un troisième, couleur muraille, parle de manière inaudible. Freak show ? Armée en déroute ? Oui, l’armée des assos traditionnelles. Qui ne désarme pourtant pas.

Le monde se bouleverse à toute allure, eux sont restés les mêmes et ils y croient : « Ce type de collectif a déjà réussi à transformer les emplois-jeunes en emplois-tremplins », veut croire Gabriel Gonnet, pilier de La Cathode, centre de formation et d’insertion à la vidéo, actif en Seine-Saint-Denis depuis presque trente ans. « Les adultes-relais existent encore, le gel de l’Acsé s’est arrêté grâce à ces collectifs » jure-t-il. Entretien avec le concerné.


P&C : Qu’est-ce qui ne marche pas avec les associations, en ce moment ?

GG : Les assos doivent rentrer dans des cases, et ne sont jugées que par ça, et non pas selon leurs objectifs. Par exemple, La Cathode ne se retrouve plus dans les dispositifs actuels. Pourtant, on passe nos journées à remplir des dossiers plutôt qu’à faire des ateliers, des films, de l’innovation, de l’insertion… Les associations semblent être la variable d’ajustement des budgets du gouvernement. Autour de La Cathode, tout le monde se couvre : personne ne veut prendre aucun risque, les décideurs se replient derrière les dispositifs, s’enferment dans la régulation budgétaire. Tout cela créé beaucoup de mal-être, y compris chez les fonctionnaires à qui on demande d’imposer des règles trop strictes aux associations.


P&C : Il y a peu de monde aujourd’hui, dans cette manifestation… Pourquoi, d’après vous ?

GG : Oui, alors que le rapport de force se joue ici… Le problème est qu’on a l’impression qu’on ne peut pas gagner grand-chose avec un gouvernement de gauche ! Avant, on avait l’impression qu’il y avait quelque chose à gagner avec un changement de gouvernement, maintenant, on n’attend que de pouvoir fonctionner normalement ! On demande juste à exister ! Ca n’est pas mobilisateur…


P&C : Pourtant, il y a une dynamique qui pourrait être lancée par le rapport Bacqué-Mechmache sur la participation…

GG : J’ai apprécié ce rapport, mais je ne crois pas que notre action soit en lien avec ce travail. Mais ce gouvernement a quand même permis une ouverture. Il y a ce rapport sur « La France dans 10 ans », et puis il y a toutes ces consultations, j’aime bien ce principe. Les assos ont toute leur place, visiblement.
 
 
 

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