
Avis de tempête pour les (assos de) banlieues ?

Presse & Cité a vécu un été difficile. La pétition « Non à la disparition des associations » nous a conforté dans le sentiment que nous n’étions pas les seuls. Et qu’il était utile de modifier le projet de dossier que nous souhaitions travailler. Ainsi que de retarder la diffusion de la newsletter prévue début septembre… afin de dresser un bilan de l’état de santé de ce secteur.
Une nouvelle séquence politique
Cette situation nous fait penser que nous sommes peut-être entrés dans une nouvelle séquence politique. Depuis leur accession au pouvoir, plusieurs ministres qui sont nos interlocuteurs épisodiques ou réguliers, ont fait passer des lois parfois difficiles (Christiane Taubira sur le mariage homosexuel, Cécile Duflot sur le logement, Vincent Peillon sur la réforme des rythmes scolaires, François Lamy sur la réforme de la politique de la ville…). D’autres ont peiné à éteindre des incendies (le budget de France télévisions pour Aurélie Filippetti). Une fois ces dossiers bouclés, nous rentrons dans une phase où la prise de risque des décideurs sera sans doute minimale : phase préélectorale (municipales, européennes, régionales), qui s’annonce rude pour la majorité et le gouvernement, sous la pression du FN. C’est à ce titre qu’il faut sans doute voir les conséquences dévastatrices des événements de l’été et de la rentrée : série noire marseillaise, émeutes à Trappes suite à un contrôle de police mettant en cause le port du voile intégral, prises de position anti-roms du ministre de l’Intérieur, faits-divers montés en épingle par les médias (comme avant les élections de 2002) et réactions populaires démultipliées par les réseaux sociaux (meurtre d’un voleur par un bijoutier niçois)... L’ambiance n’est pas à la tolérance, les décideurs semblent en avoir pris la mesure.
Echec collectif cuisant
Qui plus est, les associations de quartier n’ont pas réussi, fin 2012 ou au premier semestre 2013, à se mettre en ordre de bataille pour proposer des projets clairs et pertinents, susceptibles de parler au grand public, et de donner envie aux décideurs de s’engager derrière eux. Le Président de la République attendait-il des idées pour une prise de parole en direction des quartiers lors de son allocution du 14 juillet ? Personne n’a su lui soufflet les mots, la vision, le récit dont il aurait pu s’emparer, qu’il aurait pu porter. Le ministère de la Ville attendait-il des projets d’ampleur autour des 30 ans de la Marche pour l’Egalité ? Ils sont arrivés tardivement, en ordre dispersé, et sans réelle portée nationale. Mais comment aurait-il pu en être autrement, compte tenu de l’état de déliquescence du milieu associatif en banlieue (dont une récente étude pour du Crédoc l’Acsé révèle que 82% d’entre elles s’estiment en « situation de fragilité financière »).
Quoi qu’il en soit, il s’agit bien d’un échec collectif cuisant : le dialogue avec les quartiers avait une occasion unique de se renouer sur des bases positives, à l’occasion des trente ans de cette Marche. On repartira hélas dans la séquence que l’on avait à peine quittée avec Nicolas Sarkozy : Roms, islam, violence.
Il est à craindre que les quartiers n’aient rien à attendre de qui que ce soit dans l’année qui vient, au bas mot. Qui arrivera à les mobiliser pour qu’ils fassent entendre leur désir d’implication dans la politique qui est menée chez eux, et pour qu’ils puissent faire irruption dans le débat sur la participation, son financement et ses méthodes ?