
Qui veut la peau des assos ? Episode 3 : Salah Amokrane, Tactikollectif

Salah Amokrane, travaille depuis le début des années 80 à la lisère de l’action sociale, de l’éducation populaire et de la culture, aux côtés du groupe Zebda. Il est le responsable du Tactikollectif, qui organise événements autour de la mémoire culturelle de l’immigration, avec un dynamisme qui en fait une des structures phares de la jeunesse toulousaine.
P&C : Pour les associations comme la vôtre, la donne a-t-elle changé depuis l’arrivée de la gauche en 2012 ?
SA : Oui, les relations ont beaucoup changé, il y a une relation directe et fréquente avec l’Etat central, les cabinets. Je n’avais jamais rencontré d’autres ministres avant. Là, ça s’est fait à plusieurs reprises, et je ne suis pas le seul. On a aussi eu un soutien renforcé de la part de l’Acsé, lié au 30è anniversaire de la Marche pour l’Egalité. J’ai été sollicité pour travailler avec des commissions [comme la commission Blanchard sur la mémoire des quartiers, ou pour faire partie du conseil d’administration de l’Acsé nationale, ndlr]. La nouvelle direction de la mémoire, à l’Acsé, a permis que nos actions sur la mémoire de l’immigration soient plus reconnues. On a aussi une capacité d’interpellation plus importante. On a réussi à imposer certains sujets, avec le temps, les projets. Même si nos financements sont globalement en baisse (entre -10% et -20%), notre budget moyen est de 500 000 euros, dont plus de 200 000 d’autofinancement. Cet autofinancement nous tranquillise. On n’a jamais complètement le couteau sous la gorge. On ne fait aucun projet pour les thunes. Mais notre situation n’est pas représentative. On s’en sort moins mal que d’autres : on a une antériorité, du réseau, un savoir-faire dans ce qu’on fait… C’est beaucoup plus dur pour les petites associations.
P&C : Vous travaillez sur la culture. Bénéficiez-vous plutôt d’un soutien des institutions liées à la politique de la ville, comme souvent pour les associations culturelles issues des banlieues, ou bénéficiez-vous aussi du « droit commun », des aides du ministère de la Culture ?
SA : Nous n’avons pas de relations avec le ministère de la culture. On n’a pas cherché, il faut dire. Mais a de bonnes relations avec la DRAC [Direction régionale des affaires culturelles, ndlr]. On est deux fois plus soutenus par la DRAC que par la DRJSCS [Direction régionale jeunesse, sports et cohésion sociale, qui coordonne les divers financements pour les associations de quartier ndlr] : avec elle, nos crédits ont été divisés par 2 en deux ans. On avait un peu volontairement abandonné les soutiens « politique de la ville », même si on reçoit un peu de Cucs [Contrats urbains de cohésion sociale, ndlr]. Mais dès que tu es sur le terrain social, ça se tend. Au niveau national, quand on fait des choses très politiques, ça va. Ca fait un peu tousser, mais c’est moins embêtant pour un ministre que pour un élu local, de se faire critiquer. Par contre, si on s’y met en fin d’année avant les municipales, ça sera plus compliqué… Quant aux perspectives, on ne sait pas. L’Acsé va changer. On ne voit pas les conséquences sur le terrain que ça aura.