30 ans de crise dans les banlieues, et en 2013 ça va s’aggraver…

Le 07-12-2012
Par Erwan Ruty

On peut se laisser surprendre au détour de tel ou tel article de presse, par des informations qui mériteraient plus que l’indignation : la France transperce allégrement le plafond des 5 millions de chômeurs (si l’on compte l’intégralité des territoires et des situations, y compris le chômage partiel) en ce mois de novembre.

 
Et l’on apprend ce même jour non seulement que « l’argent n’a jamais été aussi abondant pour les grandes entreprises », mais qu’en plus, en matière de régulation bancaire, la France irait bien moins loin que les pourtant ultra-libéraux anglais, et même que les Etats-Unis, dont le système des subprimes a précipité le monde occidental dans la crise que l’on sait. De toute évidence, de puissants lobbies (bancaires, après celui dit des petits entrepreneurs « pigeons ») ont encore habilement manœuvré.
 
Rappelons donc les conséquences que ce laisser-aller de la puissance publique a des conséquences sur les banlieues, avant toute autre fraction de la population française : le dernier rapport de l’Observatoire des zones urbaines vient de le préciser. 36% de pauvres dans les ZUS (donc un tiers de leurs 4,7 millions d’habitants). Oui : 36% de gens vivant avec moins de 934 euros… L’emploi recule, notamment dans les zones franches ! Un recul de l’activité des auto-entrepreneurs. Un chômage qui frappe les faibles : femmes, jeunes (40% !), vieux, non-diplômés…
 
On restera quand même abasourdi, au vu de tels chiffres, que l’on a du mal à croire même quand on travaille dans ces quartiers depuis 15 ans, que ces faits n’aient pas connu le moindre intérêt de la part de la presse.
 
Mais lorsque l’on constate, autour de soi, dans le milieu des médias et des quartiers, que les aides sont très fortement en baisse, que les sommes conventionnées sont versées avec des mois de retard (pour que les services payeurs des institutions puissent « faire de la cavalerie »), que les élus n’y peuvent rien, se soumettant de fait à leurs administrations, quand on constate que des structures comme l’EPRA (qui coordonne 171 radios citoyennes et locales) met la clef sous la porte… on se comprend que le chômage n’est pas prêt de s’inverser.
 
Benoîtement, le président de la République l’assume : la situation du chômage va s’aggraver jusqu’à la fin 2013, « normalement ». Et après ? Après, la fée croissance mondiale fera redémarrer l’économie. Grâce aux courageux entrepreneurs qui investiront en 2013 suite aux mesures du pacte de compétitivité et aux négociations sociales, la courbe de l’emploi repartira à la hausse. On peut clairement parler d’une « pensée magique », à propos de cette croyance en la croissance, et à propos de la supposée envie des entrepreneurs soucieux d’investir en France. Contre toute réalité observable depuis trente ans…
 
Les croyants ne sont pas qu’en banlieue : ils sont aussi au pouvoir, on le voit. Mais ils sont subjugués par une religion séculière : la religion économique. Les sauvageons ne sont pas qu’en banlieue : Amazon, Starbucks et Google n’y paient pas (ou peu) d’impôts : avec bon nombre d’autres grandes entreprises, ils sont les champions de l’évasion fiscale, savamment déguisée en « optimisation fiscale » par des armadas d’avocats d’affaires.
 
Les religieux de l’économie et les sauvageons en col blanc sont-ils moins dangereux que ceux des quartiers, pour le bien-être social de notre pays ? Changer de point de vue nous permet de comprendre que non...

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