Mélanie Mermoz : « Le 93 est un département favorisé sur les questions de la contraception »

Le 25-09-2012
Par Dounia Ben Mohamed

Alors que la situation de bien des femmes est de plus en plus précaire dans les quartiers, petit détour par le Planning familial de Saint-Denis, avec Mélanie Mermoz, qui en est l’une des animatrices depuis 2005.

 
Comment s’organise le Planning familial 93, comparé à d’autres structures d’autres départements ? 
On utilise beaucoup le terme planning familial pour parler de différentes structures, associatives, hospitalières… Le Planning familial est une association militante qui existe depuis 1975. Il faut partir du contexte particulier de la Seine Saint Denis, un département qui sur la question de l’accès à la contraception est très favorisé comparé à d’autres départements. Et cela, grâce à un investissement massif du Conseil région. Dès 1969 juste après la légalisation. Les responsable des services de la Protection maternelle et infantile (PMI), se sont dit on va profiter du réseau de PMI au plus près des femmes pour permettre l’accès au plus près de chez elles. Le résultat d’une volonté, d’une décision politique et de l’activisme de militantes pour favoriser l’accès des femmes à la contraception. Le 93 était un département PC très longtemps, mais c’est quelque chose qui est resté même quand il est passé PS. Il faut savoir que le dixième des centres de planifications se situe dans le département. On a un centre de planification et nos animatrices interviennent dans les centres de planifications de différentes villes du département (une dizaine). Ce qui a été décidée très vite. Il a été demandé d’envoyer des militantes dans ces nouveaux centres de planning pour favoriser l’accès à la contraception des femmes et former les professionnels. Le Mouvement Français pour Le Planning Familial 93 (MFPF) s’est créé en 72 dans cette mouvance. 
 
Quelles sont vos sources de financement ?
Nous sommes financé à la fois dans le cadre du financement des centres selon la loi de 1967, ce qui est assez faible. Il ne permet pas de rémunérer le personnel par exemple mais d’avoir des locaux. Mais aussi par le conseil régional au titre de centre de planification et de contraception. C’est à ce titre que nous sommes privilégiés. Nous ne sommes pas dans le même contexte par exemple que les Yvelines. Sur ces questions, on n’est pas privilégié dans le sens où le département a des besoins sociaux énormes, mais il l’est dans la mesure où l’on est un département qui a joué un rôle moteur sur ces questions. Depuis près d’une dizaine d’année par exemple, un centre d’observation de la violence contre les femmes a été créé. Et pourtant, et c’est un paradoxe, le 93 est un département qui fait beaucoup sur ces questions-là mais qui est pointé du doigt. Par exemple, l’Observatoire a révélé dans une étude des chiffres énormes sur les violences faites aux filles dans le département. Pas parce que le problème y est plus important mais parce qu’on y réalise des études, on travaille sur ces questions-là dans le département. 
 
Vos besoins sont-ils différents comparés à d’autres structures départementales. Comment vous êtes-vous adaptés aux préoccupations du public que vous recevez ? 
Les différences entre le 92, le 93 et le 95, trois départements limitrophes, sont que le 92, par exemple, est socialement plus favorisé mais en terme d’accès à la contraception il l’est beaucoup moins.Nos besoins, c’est avant tout l’accès à la contraception, à avortement. Depuis un certain nombre d’années, on s’est rendu compte, qu’en abordant ces questions-là, on en vient à parler de sexualité, de relation et notamment de violences conjugales.Différentes formes de violences, physiques dans certains milieux, psychologiques et économiques dans d’autres qui se voient moins. Entre les HLM et les beaux quartiers, la seule différence c’est l’épaisseur des murs comme a pu le dire un médecin.  Nous avons les mêmes besoins que partout ailleurs, avec un contexte un peu différent. On est quand même un département pas très favorisé, c’est un euphémisme, touché par des problèmes sociaux importants. Dans un certain nombre de famille la sexualité fait l’objet d’un tabou qui ne permet pas à de jeunes filles de demander à leur mère de les conduire chez les gynécologues le jour où elles veulent avoir accès à la contraception. La transgression de la sexualité rend les choses difficiles et la protection encore plus.D’où l’importance de lieu un peu partout pour accueillir les mineurs, avec des consultations gratuites et discrètes. Car les consultations en PMI ne sont pas sectorisées. Une jeune fille peut prendre un RDV dans le centre PMI près de chez elle ou dans une autre ville, pour éviter de tomber sur une voisine par exemple. 
 
L’accompagnement que vous délivrez à ces femmes ne se limite pas à l’aspect médical ?
Nous ne restons pas sur un volet médical mais il nous permet d’ouvrir la parole. Par exemple, le mercredi après-midi, nous recevons toutes les femmes en même temps entre 14h et 15h. Elles passent individuellement chez le médecin et pendant ce temps-là, dans la salle d’attente, on organise une information autour d’une discussion avec un échange entre les femmes également. Sur leur expérience de la contraception. Nous sommes en quelque sorte des passeuses de parole. Au début, il s’agit essentiellement de contraception, puis on en vient très souvent aux violences conjugales, notamment chez les très jeunes couples. Le sujet est abordé plus facilement. Parce qu’elles sont entre femmes. Même s’il y a quelques hommes parfois. Plutôt mal à l’aise d’ailleurs. Sur l’avortement, on est le premier centre à avoir programmé des avortements par méthode  médicamenteuse juste après l’adoption de la loi (2004). On a pu constater, même si l’accueil collectif peut surprendre, l’IVG peut paraître tabou, il ne l’est pas du tout pendant ces réunions. On reçoit l’ensemble des femmes à 9h, elles peuvent poser des questions, puis elles prennent RDV avec le docteur et éventuellement si elles le désirent avec une animatrice. On a vraiment vu la différence : les femmes arrivent très mal, après l’accueil collectif, le RDV chez le médecin, elles ne sont plus du tout pareil, elles sont plus détendues. Quelque chose sur lequel on travaille vraiment. On n’est pas dans la banalisation de l’avortement comme on peut l’entendre. On essaie de faire comprendre que c’est peut-être un moment exceptionnel mais pas forcément grave. La vie ne s’arrête pas du tout après, au contraire, elle peut reprendre. Dans certains cas, un avortement peut servir de déclic. On essaie également de faire rencontrer des femmes qui vont avorter et d’autres en visite de contrôle. Ce qui permet de les rassurer.
 
Combien recevez-vous de femmes en moyenne ? 
Sur l’avortement, on reçoit huit femmes le mercredi matin. Moins quand il n’y a qu’un seul médecin. Il faut savoir que la majorité d’entre elles sont sous pilule contraceptive. La pilule d’urgence n’est pas encore entrée dans les mœurs. Une femme prend 8000 comprimés de pilule au cours de sa vie, comment ne pas l’oublier un jour ? On ignore souvent que le stérilet peut être posé dès 18 ans, même si l’on n’a jamais eu d’enfant et qu’il reste cinq ans. 
 
Ce qui pose la question de la circulation de l’information, dans le département, mais pas seulement ? 
La loi sur la contraception prévoyait une circulaire pour des cours sur la sexualité et la contraception du CP à la terminale, à raison de trois par an. Ce qui n’est pas le cas. Parce qu’on n’y a pas mis les moyens, le personnel n’est pas suffisamment formé, les informations techniques ne sont pas maîtrisées….
 
 
 

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