
Block Party : Comment Rstyle fait breaker le 19ème

En six éditions, la Block Party, organisée par Rstyle et l'association Hip hop citoyens, est devenue un événement incontournable de la scène hip hop parisienne. Ambiance familiale, danse, graff, chaque année, le jardin d’Éole offre un visage diversifié de la culture urbaine.
Dimanche 24 juin 2012. Il pleut. Seulement trois jours après avoir fêté l'arrivée de l'été. La Block Party, rebaptisé Free Jam cette année, est annulée. De Twitts en statuts facebook, la nouvelle se répand sur la toile attristant tous les habitués. Il faut dire qu'en six ans, la blockparty est devenu le rendez-vous annuel des hip hop-dépendants désirant s'injecter une dose pure de ce produit droit dans les oreilles. Comment l'association Rstyle, en partenariat avec l'association Hip Hop Citoyens, a-t-elle réussit le tour de force d'imposer la block Party du jardin d'Eole comme une référence à une période de l'année où les festivals sont légions ?
De Dee Nasty à Agnès B
Cette année encore la Block Party était très attendue et les organisateurs avaient de grandes ambitions pour cette nouvelle édition : « A la base on voulait fêter les 30 ans du hip hop avec le pionniers, les Rock steady crew, inviter des européens, des américains... » nous confie François Gautret, coordinateur de projet de l'association Rstyle. Le plateau n'a pu être formé faute de moyens mais avec l'expérience des années, l'événement peut attirer des artistes internationaux comme ça a déjà été le cas. Un des ingrédients de ce succès est la longévité de l'événement. François Gautret se remémore : « A la base c'est parti de la fête de quartier vraiment pure et dure du quartier Riquet-Stalingrad-Flandre en 94. Et nous, on dansait simplement, on était dans la programmation puis progressivement, dès 99, à la création de l'association Rstyle, on a proposé un après-midi hip hop. En 2001, on s'est dit « tiens, il faudrait qu'on fasse vraiment une journée jeune », on avait pris le gymnase Matisse qu'on avait rempli à bloc, on a monté une scène, on a invité Dee Nasty, DJ Abdel aux platines, plein de rappeurs, MC Jean Gabin, Pit Baccardi, on avait fait toute une fresque derrière avec les graffeurs qui travaillaient pour Agnès B, Mose, Sidney (le graffeur). Au niveau des danseurs on avait invité les PCB, les Aktuel Force, les 4 fantastiques... on avait invité les pionniers français et c'est comme ça qu'est née la Block Party. » Un autre point fort est très certainement la variété du spectacle présenté : « C'est pluri-disciplinaire ! Ceux qui n'aiment pas la danse vont voir les graffeurs, ceux qui n'aiment pas le graff vont voir la danse, le double dutch... On retrouve un côté un peu sportif aussi avec le freestyle football, des démos de BMX... et puis ça se passe dans un jardin, souvent il fait beau ! On a eu la chance avec nous jusqu'à l'année dernière... »
DJ pères de famille
L'ambiance familiale qui règne pendant la Block party est appréciée aussi bien du public que des DJ, nous explique le coordinateur de Rstyle, François Gautret : « Le fait qu'on appelle des pionniers, qui sont maintenant pères de famille, ajoute déjà un côté un peu familial. Ils ne se déplacent pas faire une prestation comme s'ils allaient faire un concert habituel en disant : « La famille ça reste à la maison, je vais faire ma prestation et je rentre », non ils viennent avec leur famille. » Malgré les années, la Block Party réussit à garder le côté « fête de quartier » des débuts même si ce n'est plus aussi évident qu'avant : « A l'époque c'était les affiches et une solidarité avec les commerçants qui les mettaient facilement sur leur vitrine. Aujourd'hui c'est moins d'affiches, beaucoup d'internet, le bouche à oreille et le réseau. On continue un petit peu les affiches, mais avec les commerçants le rapport a changé. Ca fait moins village qu'avant. Avant, quand tu te baladais dans le quartier, tu croisais des gens que tu connaissais, aujourd'hui, moi qui suis habitant de ce quartier depuis 32 ans, je connais toujours du monde mais pas autant. Je pouvais serrer 30 mains de Riquet à Stalingrad, aujourd'hui j'en serre 5. ». Le quartier a changé et sa population aussi, ce qui se ressent sur la Block Party : « Il suffit que je mette deux photos du public côte-à-côte, une de 2001 et une de 2011, ça n'a rien à voir ! Le 19ème est en train de changer, avec le projet du Grand Paris et la réhabilitation complète de ces quartiers. Plein de pubs sont en train de s'ouvrir dans le quartier et amènent le public un peu bobo parisien, du coup il y a une mixité du public. Quand on organisait ça début 2000, c'était un public assez jeune, là on a des trentenaires, quarantenaires sans problème et même cinquantenaires ! ». Si le public a changé c'est aussi parce que les infrastructures ont changé : « Avant on organisait ça dans un gymnase fermé, maintenant c'est dans un jardin public, ça a changé la donne. Le jardin d’Éole, avant, c'était un terrain vague tout pourri, avec un mur gris tout le long de la rue d'Aubervilliers. Depuis qu'ils ont fait tomber le mur et ouvert ce jardin, ça change ! Ca fait du bien quand même ! ».
« Les douze travaux d'Astérix »
Malgré le succès d'estime de la Block Party, trouver des subventions reste un exercice compliqué pour Rstyle : « Malheureusement, enfin c'est bien pour nous on ne va pas cracher dans la soupe, mais ce n’est que quand on joue sur le tableau de « on est en zone urbaine prioritaire » qu'on est soutenu. La culture ne nous a pas calculé jusqu'à présent, à part pour la création d'une médiathèque des cultures urbaines. Ils nous ont aidé à l'investissement matériel du lieu, parce que pour eux c'était un projet intellectuel du hip hop. » François Gautret a du mal à cacher une pointe d'agacement face à la mauvaise foi de certaines administrations concernant la danse hip hop : « Quand on a des rendez-vous à la ville, ils nous demandent « Pourquoi vous ne demandez pas au sport », quand on va voir le sport, ils nous disent « C'est une danse, ce n'est pas vraiment un sport, allez plutôt vers la culture », c'est un peu les « douze travaux d'Astérix » ! Ils nous renvoient d'un service à un autre et quand on demande aux deux services en même temps ça clashe ! Ils nous disent « mais vous demandez des subventions des deux cotés, vous devez être bien servis. » Ben non ! ». Finalement, malgré le succès de la Block Party, Rstyle est encore contraint de jouer la carte du système D : « On est obligé de jouer sur le réseau, des trucs que le hip hop connaît bien, mais c'est malheureux ! »