Futsal : le ballon qui cache la forêt

Le 03-08-2012
Par Charly Célinain

Ces dernières années, le foot en salle, par équipe de cinq, est de plus en plus populaire en France. Il est pratiqué en club mais également dans des complexes prévus pour le grand public. Un phénomène qui cache néanmoins les difficultés rencontrées par le Futsal en France. 

 
Messi, Cristiano Ronaldo, Ibrahimovic… autant de joueurs qui font rêver petits et grands passionnés de football. De plus en plus, les amateurs tentent de reproduire les gestes techniques de leurs idoles en salle. Les terrains sont plus petits, les équipes sont réduites, les joueurs touchent plus le ballon, bref, le côté ludique attire de nombreuses personnes, y compris ceux qui avaient arrêté le foot depuis longtemps. Plusieurs structures privées se sont lancées sur ce nouveau marché. Urban Football, Teams5 ou encore le FIVE développent des complexes pouvant accueillir de nombreux joueurs amateurs. Après en avoir ouvert plusieurs en région parisienne (Créteil, Bezons, Bobigny...), le FIVE vient de lancer une salle dans Paris, à porte de la Chapelle. 
 

After work foot

Cette dernière décennie a vu proliférer le phénomène des soirées « After work ». L'idée, c'était d'aller boire un verre entre amis en pleine semaine, danser et s'amuser mais pas trop tard, pas plus de deux heures du matin : il faut pouvoir travailler le lendemain ! Pour les salles de foot, c'est à  peu près le même concept (ouvert sept jours sur sept de 10 h à minuit), sauf qu'au lieu d'aller boire, on va jouer au foot. C'est non loin de porte de la Chapelle, dissimulé derrière un petit parc et une tour, que le complexe parisien le FIVE a pris ses quartiers. Rien de moins que l’ancien entrepôt SNCF de la SERNAM pour contenir une dizaine de terrains de foot en salle ! Après avoir réservé au préalable, les sportifs amateurs passent à l'accueil pour confirmer leur présence et s'engouffrent dans les vestiaires. A la façon d’un Clark Kent du ballon rond, certains y entrent en costume cravate et en ressortent en short, maillot et crampons moulés aux pieds. Dans les allées du complexe, certains sont en effervescence, au téléphone, rappelant d'une voix calme mais ferme : « On avait dit 21 heures, il est 21h10, vous êtes où ? On a payé une heure, dépêchez-vous ! ». Les plus prévoyants sont arrivés en avance, ils patientent dans une salle d'accueil où ils peuvent siroter un coca ou une bière achetés au bar, en regardant les Jeux olympiques sur un des écrans géants. Nous sommes le 1er août, à Paris et pourtant quasiment tous les terrains sont pris, une centaine de personnes par heure... Julien Vieville, directeur du FIVE, nous confirme le bon départ de sa structure parisienne et nous en dit un peu plus sur les raisons d'un tel succès :
 


 

 
Comme le football, le foot en salle à cette faculté de faire se croiser des personnes de mondes différents : 
 

 

 

Aider le Futsal, le vrai !

Si le foot à cinq explose aujourd’hui en France, paradoxalement le futsal connaît toujours autant de difficultés à se faire reconnaître. Foot à cinq, futsal, pour le grand public c’est juste du foot en salle. Pourtant la différence est bien réelle. Enjeux, problèmes rencontrés ? Jérémy Brachet, président de l’UNCFs (Union nationale des clubs de futsal), répond à nos questions.

 
Qu'est-ce que le futsal ?
Tout dépend de comment on l'écrit ! Le foot en salle est un plagiat du futsal traditionnel. Le foot en salle ou foot à cinq, comme il est aussi appelé, a été créé par la FIFA et imposé en France par la FFF (Fédération française de football) dans les années 90. Pour le différencier du futsal traditionnel, on l'appelle futsal FIFA. Le futsal a été inventé dans les années 30 en Amérique du sud, et depuis il s'est beaucoup développé. La FIFA et donc la FFF considèrent que le futsal est juste du football en salle, alors que le futsal est bien un sport à part entière. Par exemple, ce serait comme dire que le tennis de table c'est du tennis sur une table ! Ce sont deux sports différents qui ont d'ailleurs deux fédérations différentes. C'est ce que nous demandons pour le futsal. Le Brésil est la seule nation au monde où il existe deux confédérations distinctes, toutes les deux affiliées à la FIFA. Pourquoi ne pas suivre cet exemple ?
 
les mairies ne sont pas très coopératives et prétextent souvent de « mauvaises expériences » quand on leur demande un créneau pour du futsal. 
 
Que pensez-vous de la prolifération des salles de foot ?
En 2012, en France, il y a un véritable effet de mode du foot en salle. Le développement des salles privées, c'est très bien. C'est du foot loisir et si ça se développe autant c'est qu'il répond à une certaine demande. La FFF ne voulait pas construire plus de gymnases pour développer le foot en salle, ils ont laissé les entreprises privées s'en charger. Cependant, ce qui se pratique dans ces salles ce n'est pas du futsal, c'est du foot à cinq ! Les terrains sont délimités par des parois, avec lesquelles on peut jouer, le ballon ne sort jamais du terrain, c'est plus pratique. A la base, le futsal se joue sur terrain de la taille d'un terrain de basket. En France, on manque de gymnases. Ils sont réservés à des sports comme le basket, le handball ou encore le badmington plutôt qu'au futsal, parce que c'est un sport qui n'est pas connu ! De plus, pour avoir un créneau, il faut être un club, ce qui signifie créer une association, ça prend du temps. Il faut également savoir que les mairies ne sont pas très coopératives et prétextent souvent de « mauvaises expériences » quand on leur demande un créneau pour du futsal. 
 
En France, 80% du sport est financé par les collectivités locales et territoriales, simplement les mairies reçoivent beaucoup moins d'argent. Ceux qui vont le plus pâtir de cette situation, ce sont les nouveaux clubs.
 
Pour quelles raisons les mairies sont-elles si réticentes ?
Par le passé, des autorisations ont été délivrées pour du foot en salle, le problème c'est qu'il était pratiqué avec un ballon pas adapté, sans encadrement et du coup des dégradations ont été constatées. Les autres sports, qui utilisent également les gymnases, ont demandés que ça s'arrête. Tout ceci a participé à la mauvaise publicité du futsal. Aujourd'hui quand on demande une autorisation en mairie, la première question qu'elles posent c'est : « Est-ce que vous êtes agréés ? ». En clair, est-ce que le futsal est un sport reconnu ? Demander l'agrément pour l'accès au gymnase c'est contraire au « sport pour tous » défendu par les institutions françaises. Pourtant ils n'ont aucune obligation de demander ça, ils pourraient très bien nous accorder des créneaux sans que nous soyons « agréés ». Mais la crise est en train de changer la donne. En France, 80% du sport est financé par les collectivités locales et territoriales, simplement les mairies reçoivent beaucoup moins d'argent. Pour pallier à ce problème, elles ont deux solutions : la baisse des subventions aux associations sportives, tous sports confondus, et faire payer l'utilisation des infrastructures, pour l'instant à bon marché. Finalement ceux qui vont le plus pâtir de cette situation, ce sont les nouveaux clubs. Ils n'ont aucune chance face aux clubs qui ont leurs habitudes auprès de la mairie depuis des années, leur dossier sera mis en bas de la pile.  
 
En France nous sommes partisans du sport gratuit, mais aujourd'hui le sport doit s'encrer dans une économie, les collectivités locales et territoriales ne peuvent pas payer d'heures sups’ aux gardiens de stades, arbitres...
 
Peu de clubs de futsal sont dans Paris intra-muros. Est-il plus simple de créer un club en banlieue ?
Il est vrai que dans Paris, il existe peu d'équipes, elles sont au nombre de trois. Mais c'est pour une raison bien simple, ils se heurtent à la difficulté de trouver une salle. Quand toutes les démarches pour monter une association ont été effectuées, que tout a été réglé pour l'assurance etc... certains se sont entendus dire par la mairie : « On vous propose d'aller à Jussieu, c'est 75 euros de l'heure ! ». La salle appartient à l'université qui a le droit de pratiquer un tel tarif. D'un autre côté, des clubs de foot réservent des créneaux à l'année dans des gymnases pour leur section foot en salle mais ne les utilisent quasiment jamais. Ils n'ont pas de joueurs de foot en salle, juste des joueurs de foot « traditionnel » qui viennent en salle mais pour leur loisir. En banlieue c'est plus simple, il suffit que le siège social du club soit domicilié dans la ville dans laquelle la demande est faite. Évidemment, il arrive bien souvent que les membres d'un club domicilié dans une ville ne soient pas résidents de cette ville mais c'est de bonne guerre. Les belges ont une politique qui favorise le développement du futsal. Il n'est pas rare que les mairies cogèrent les gymnases avec des entreprises privées. Du coup, ils sont payants, entre 15 et 25 € de l'heure, mais ce sont aussi des lieux de convivialité qui rapportent de l'argent aussi grâce à leur buvette. Les sports désirant avoir des créneaux sont prioritaires en fonction de leur popularité locale, et des bénéfices qu'ils peuvent rapporter. En France nous sommes partisans du sport gratuit, mais aujourd'hui le sport doit s'encrer dans une économie, les collectivités locales et territoriales ne peuvent pas payer d'heures sups’ aux gardiens de stades, arbitres... J'attends que les politiques changent ça.  
 
Le futsal profite-t-il de l'effet de mode du foot en salle ?
En France, on compte 3000 salonistes (terme désignant les joueurs ayant une licence de futsal) pour une centaine de clubs. Pour sa part la FFF annonce avoir environ 18000 licenciés de futsal FIFA, sauf que la plupart ont une double licence football/futsal FIFA ; le nombre de pratiquants réguliers de foot en salle serait plus de l'ordre de 6000 licenciés. Aujourd'hui malgré l'effet de mode du foot en salle, le futsal ne connaît pas une croissance spectaculaire. Le problème c'est que pour se développer, il faut former les jeunes, former les cadres, tout ceci demande de l'argent. Etant donné que le futsal n'est pas reconnu comme un sport à part entière, il ne peut pas recueillir les subventions auxquelles ont droit les fédérations sportives françaises. Malheureusement le ministère des sports, qui a l'autorité pour reconnaître un sport, a remis le dossier entre les mains d’une délégation composée de membres de la FFF. La même 3F, qui cherche à développer son propre foot en salle, le futsal FIFA, n'a évidemment aucun intérêt à reconnaître le futsal ; donc nous sommes dans une impasse. C’est pourquoi nous allons porter l’affaire devant les tribunaux. Ce sera une affaire déterminante pour le sport en France parce qu’elle met en lumière cette énorme problématique des délégations et du monopole d’Etat.
 
 Il est donc temps que le futsal soit aidé parce que c’est aussi un moyen de récupérer une jeunesse laissée à vau l’eau. 
 
Quel avenir pour le futsal ?
Le « world game », qui est la compétition lors de laquelle sont choisis les sports olympiques, aura lieu en 2013 à Cali (Colombie). Notre but à terme est de faire du futsal un sport olympique. Quand ce sera le cas, il sera beaucoup plus compliqué de nier que c’est un sport à part entière. Il aura une vitrine mondiale et sera enfin reconnu. Nous y travaillons depuis longtemps et pour ma part, en tant que président d’association, je ne suis pas rémunéré. J'aimerais également que nous ne soyons pas stigmatisés comme c'est le cas actuellement et ce sur deux point : tout d'abord, le futsal est un sport populaire donc considéré par certains comme pas « convenable ». Et deuxième point, qui renforce le premier, les clubs sont souvent montés par des jeunes, entre vingt et vingt-cinq ans, plutôt urbains pour des raisons de facilités, un peu basanés, il ne faut pas se leurrer ! C'est aussi parce que le futsal est plus accessible. Nous faisons des licences à 30 euros et non à 60 euros comme le football. Pour les plus jeunes nous avons même des licences à 10 euros. Ce sont des tarifs qui permettent une plus grande accessibilité mais pas forcément d'équilibrer le budget. Il est donc temps que le futsal soit aidé parce que c’est aussi un moyen de récupérer une jeunesse laissée à vau l’eau. 
 
 

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