Paris Hip Hop campus : rappeurs vs police

Le 04-07-2012
Par Charly Célinain

Dans le cadre du festival Paris Hip Hop, l'association Hip Hop Citoyen organisait jeudi (28 juin) une table ronde ayant pour thème «Rappeurs vs police». Le rappeur Axiom, la sociologue Lanna Hollo et le journaliste Max Lebon ont tenté de décrypter ces relations conflictuelles.

 
NTM et ses fameux « Nique la police », le Ministère A.M.E.R et son morceaux «Sacrifice du poulet» et plus récemment le cas d'Hamé (La Rumeur) traîné devant les tribunaux puis finalement relaxé pour avoir écrit dans un article « Les rapports du ministère de l’intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété. ». Depuis plus de vingt ans, les rapports entre les rappeurs et la police ont plus d'une fois été tumultueux. C'est dans la petite salle feutrée des Trois baudets (18ème), à Paris, qu'une trentaine de personnes est venue assister à cette table ronde animée par Reda Didi (site Graine de France), qui travaille sur ce thème depuis des années.
 

Rappeurs ou… jeunes vs police ?

En tant que rappeur et en l'absence d'un représentant de la police, c'est tout naturellement qu'Axiom ouvre le bal. Ce dernier commence par rappeler qu'en France, le rap a pris la relève d'une tradition militante rock mais pour autant, pour lui : « Le rappeur n'est pas le porte-parole des quartiers populaires ». Il poursuit :
Le problème n'est pas le rapport entre la police et les rappeurs mais plutôt le rapport entre la police et les jeunes... qui peuvent être rappeurs.
L’actualité récente de Villiers-le-Bel, où un jeune rappeur, Akerone, a été hospitalisé suite à un accident avec une voiture de la BAC le 10 juin, lui donne raison. Axiom a donc très vite détourné le débat initial vers ce qu'il considère être le vrai fond du problème : « Le conflit des jeunes avec la police est un vrai problème de société ! ». Et c'est Max Lebon qui met directement les pieds dans le plat. Des souvenirs de ses rapports avec la police, majoritairement des contrôles semble-t-il, ont dû lui traverser l'esprit quand il s'est insurgé : « En fait, on décide arbitrairement de t'interrompre dans ta journée ! ». Avant de poursuivre par une vérité que n'aurait pas désapprouvé Tuco (le truand dans Le bon, la brute et le truand, de Sergio Leone) : « Le monde est divisé en deux catégories : ceux qui se font contrôler et ceux qui en ont entendu parler ! »
 

Contrôle au faciès

Selon quels critères se fait-on contrôler en France ? Existe-t-il une discrimination policière ? En tant qu'observatrice d'outre-atlantique, Lanna Hollo donne sa vision : « En France depuis des décennies on constate une discrimination policière et pourtant il y a un déni, parce qu'il n'y a pas de données statistiques. » Ceci était vrai jusqu'en 2009, l'année où l'Open Society Justice Initiative, dont fait partie Lanna Hollo, en collaboration avec le CNRS a publié une étude sur les contrôles au faciès. Sur la base de plus de cinq cent contrôles sur cinq sites en Île-de-France, dont Châtelet et Gare du nord, les résultats sont édifiants : les individus perçus comme « noirs » ont six fois plus de chances d'être contrôlés, ceux perçus comme « arabes » huit fois plus et ceux qui portent des vêtements « jeunes ou urbains » (clairement casquette-baskets) onze fois plus ! De plus la sociologue observe que :
Le contrôle est vécu comme une stigmatisation, une exclusion de l'institution.
« Les rappeurs apparaissent comme une caricature du jeune de banlieue et sont donc stigmatisés au même titre. »
 

Dé-normaliser le contrôle

Lanna Hollo attire également l'attention sur le fait que la diversité dans la police ne diminue pas le nombre de contrôle au faciès, et dénonce une « discrimination institutionnelle ». Elle poursuit : « En France, le contrôle au faciès est devenu un acte banal, normal.
Le fait que les rappeurs en parlent contribue à dé-normaliser cette pratique.
Des associations comme « Stop le contrôle au faciès » permettent également d'apporter le débat sur la place publique, ce qui est très important pour faire bouger les choses. Ce qui permet aussi d'entendre les voix des avocats, des policiers... pour  finalement montrer que ce débat affecte tout le monde ». Le dialogue semble encore compliqué entre deux mondes qui ne se comprennent pas. Entre les rappeurs et la police. Entre les « jeunes » et les institutions. Pour Axiom c'est une « question de générations » ! Une question de générations qui dure quand même depuis plus d’une génération...

 

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