Quand un Assistant d’éducation est insulté par un élève… quel recours face au racisme?

Le 10-04-2012
Par xadmin

Nous avions publié sur notre site et celui de Rue89, la tribune (A lire ici) d’un de nos rédacteurs occasionnels, Augustin Legrand, par ailleurs Assistant d’éducation dans un lycée professionnel du Loir-et-Cher (41). Il y racontait avoir été l’objet d’insultes racistes de la part d’un lycéen et le manque de soutien de sa hiérarchie suite à cette agression verbale qui, lui avait finalement demandé de démissionner. Voici les suites de cette épineuse affaire…

Nous avons tenté de joindre les différentes parties mises en cause dans la tribune signée d’Augustin : le proviseur de son Lycée et le rectorat d’Orléans. A notre grand regret, ce dernier n’a pu répondre à nos questions. Un silence « assourdissant » qui pourrait s’interpréter comme un désintérêt. D’autant plus que ce tiers semble botter en touche : dans un courrier adressé à Augustin, l’inspection académique, qu’il avait saisie, insiste sur la nécessité d’un "respect mutuel" et lui écrit, en substance : « Monsieur, après vérification par nos services auprès des personnels de l’établissement, nous n'avons constaté aucun problème dans ce lycée ». Circulez, citoyens !

« Je privilégie l’action éducative »
Un point de vue peu ou prou partagé également par le proviseur Jean-Claude Chevalier : « Il s'agit purement et simplement de calomnies, de diffamation. Augustin Legrand a bien été insulté par un élève, lequel a été sanctionné. La sanction prend en compte la gravité des faits, le dossier disciplinaire, en l'occurrence vide, de l'élève avec le souci d'équité par rapport à des faits similaires commis par d'autres élèves. » Or, pour Augustin Legrand, c’est justement là, selon lui, que le bât blesse : que l’élève en question, coutumier du fait, n’ait jamais été sanctionné, pose problème. « Pour mémoire, une sanction disciplinaire figure au dossier scolaire de l'élève pendant un an, assure M. Chevalier. Pour ce qui est du dépôt de plainte, en tant que citoyen, monsieur Legrand est libre de son choix, par contre, en tant que chef d'établissement, je privilégie l'action éducative de la sanction et je réserve la possibilité de dépôt de plainte pour les personnes extérieures à l'établissement. Pour information, Augustin Legrand n'a pas été "convoqué" par les parents, bien au contraire, une réunion a été organisée avec l'élève et les parents en présence d'une CPE et du Proviseur. Les parents ont souhaité la présence d'Augustin Legrand pour parler des faits et pour que leur fils explique son attitude et présente ses excuses », a tenu à préciser le proviseur pour répondre aux accusations formulées par Augustin. Réunion en question ayant été diversement appréciée par les participants, Augustin jugeant que là encore, les parents ont minimisé les faits, et qu’aucune excuse n’a jamais été demandée à l’élève, ce, par qui que ce soit, parents compris, bien au contraire.

« Malheureusement, le racisme est présent dans quelques familles »
« Je tiens également à préciser qu'en aucun cas je n'ai prétendu que « avons affaire à un public d'élèves intellectuellement limités et dont les parents le sont tout autant », assure en outre le proviseur, mais que nombre de nos élèves sont issus de milieux défavorisés et que malheureusement le racisme est prégnant dans quelques familles. L'équipe éducative est amenée assez régulièrement à faire évoluer la réflexion de ces élèves sur ce sujet. Même si une insulte, a fortiori raciste, est un acte grave, je reste convaincu que la réponse passe par l'éducation (dont la sanction fait partie) plus que par une exclusion définitive qui aura pour conséquence d'interrompre la formation professionnelle diplômante d'un jeune et obérera son insertion sociale. »

A la Justice et aux syndicats de jouer ?
Augustin Legrand maintient néanmoins l’intégralité de ses dires : « Le racisme n’est pas présent uniquement dans quelques familles de ce lycée. Le racisme est une quasi-norme, face à laquelle les responsables de cet établissement semblent avoir autant baissé les bras qu’ils en sont complices, puisqu’il n’est même pas choquant, ni même étonnant qu’un membre de l’équipe pédagogique puisse en être victime ». Il affirme également que le seul dialogue proposé par le proviseur a consisté en un courrier en date du 16 mars lui demandant de remettre « dans les plus brefs délais » au lycée le jeu de clefs encore en sa possession…
Les deux parties peinent donc à s’entendre et l’institution scolaire ayant semble-t-il décidé d’en rester là, l’affaire semble devoir déboucher sur une action en justice, puisque le jeune homme a décidé de saisir un avocat. Devra-t-on « faire confiance en la Justice de notre pays », selon la formule consacrée ? Autres acteurs à pouvoir intervenir, les syndicats : les responsables départementaux du Snes notamment, devraient rencontrer le proviseur et les CPE du lycée incriminé, rencontre au cours de laquelle le responsable du MRAP / LDH accompagnerait également Augustin.
En attendant cette ultime médiation, la victime première, un assistant d’éducation à qui un élève éructe : « Augustin, nique ta race, j’aime pas les Noirs », semble devenue persona non grata dans un lycée qui, jusqu’à cet incident, n’avait rien à lui reprocher… un comble.


Nadia Hathroubi-Safsaf et Erwan Ruty
 

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