Villepinte : du barbecue à l’isoloir ?

Laetitia Nonone, de l'Obsarvatoire citoyen de la jeunesse
Le 16-04-2014
Par Erwan Ruty

Villepinte n’a pas échappé à la règle : la droite a succédé à la gauche, avec 50% d’abstentions. Le 28 mars, un tout jeune collectif, l’Observatoire citoyen de la jeunesse, lançait un appel à la mobilisation électorale en mode… barbecue, avec habitants et élues, pour dire « stop aux promesses et à l’abstention ». Vaste programme. On n’y était pas, mais on a voulu savoir comment ça c’était passé.

 

Du coup, quelques jours plus tard, rencontre autour d’une petite table dans un sympathique pavillon abritant le Point d’information jeunesse, dans une non moins sympathique zone pavillonnaire en bordure de la zone commerciale Beau Sevran des Beaudottes, avec trois membres du collectif : Ham, Amy, et Laetitia, tous trois impliqués dans la prévention (respectivement éducateur sportif, éducatrice spécialisée, et en formation « sécurité prévention » mais déjà responsable d’une association de prévention de la délinquance, Zonzon 93, pour la dernière). La même étant par ailleurs l’auteure d’une lettre ouverte assez rugueuse, parue dans la Parisien en début d’année, qui avait défrayé la chronique locale. Et pour cause, il y était notamment dit : « Nous ne pouvons plus, en ces temps électoraux, continuer de regarder cette pièce de théâtre faite de promesses, de clientélisme et de stratégies visant à monter les populations et les quartiers les uns contre les autres (…) ». Les élues se sont quand même rendu à ce barbecue monté en 48 heures au quartier Trilogie. Retour en arrière sur cet événement, et ses objectifs.



P&C : D’après vous, d’où vient la désaffection qui a conduit aux 50% d’abstentions au second tour des municipales, à Villepinte ?
Ham : Il y a eu beaucoup de désillusions. Dès 18 ans, parfois ! Les jeunes ne savent plus trop où ils vont, ils n’ont plus beaucoup de repères.
Amy : Les candidats sillonnent les quartiers en promettant monts et merveilles, en offrant des pizzas... A ce moment, tout est offert ! Les jeunes ne sont pas dupes. Il y a six ans, on nous avait proposé pareil : des pizzas et des postes. Mais en dehors de ces périodes, il n’y a pas de propositions ! Cette population n’intéresse pas. Sauf quand il y a un fait divers, de l’échec scolaire, du chômage… Or, la jeunesse est majoritaire ici, elle pourrait changer la donne.
Laetitia : La lettre a été mal perçue, en pleine campagne électorale. Le Parisien nous a revalorisé. Les politiques ne s’attendaient pas à ce qu’on aille jusqu’au bout. Ils pensent qu’on n’a pas l’endurance de nos anciens ! Pourtant, on avait lu cette lettre dans les meetings, on a fait la tournée ! Et il y a eu un vrai engouement. Pour moi, la politique divise la population. Nous, on veut rassembler tout le monde.



P&C : Les politiques, de droite comme de gauche, se ressemblent-ils donc tous ?
Ham : Sur la jeunesse, en tous cas, les programmes se ressemblent. La précédente maire avait le même programme que cette année, or elle n’avait pas fait le tiers de ce programme. C’était juste pour remplir la case « jeunesse ».
Amy : Mais on ne peut pas le leur reprocher : c’est vrai qu’il faut faire la même chose…  C’est des objectifs programmés, mais pas réalisables. Maintenant, il faut donner des billes pour que les programmes soient respectés.



P&C : Et vous, que voulez-vous faire ?
Amy : Notre but n’est pas de remplacer les élus, les chefs de service et les agents communaux. On veut juste apporter un appui. On sera là pour observer ce qui est mis en place : c’est pour ça qu’on a fait signer une charte. Il faudra sans doute qu’on soit un peu à l’intérieur pour aider, pour proposer, qu’on aille aux conseils municipaux... Et on rendra un rapport chaque année. Mais on veut travailler avec, pas contre. Et si les engagements ne sont pas respectés, on le fera savoir.  
Ham : Les élus connaissent mal le terrain. On ne les voit pas se promener dans les quartiers. Nous, on a cette connaissance des gens, de leurs soucis. Mais il faut dire que les jeunes eux-mêmes ont du mal à aller vers les services publics, souvent. Et comme ces derniers sont sédentarisés…
Amy : Et puis nous, on n’a pas de devoir de réserve. Notre positionnement n’est pas le même. Et il y a des complexes chez certains jeunes, notamment quand ils n’ont pas de diplôme.
Laetitia : Ils ont confiance en nous. On peut les dépanner. Et puis, s’ils viennent vers nous, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas… Il faut une proximité, même s’il ne faut pas pour autant être pote quand on est élu ou agent municipal. L’idéal serait qu’il y ait un conseil des jeunes, pour qu’il y ait des échanges, parce que les conseils de quartier, les jeunes n’y vont pas.



P&C : Comment remédier à cette situation ?
Amy : C’est une éducation qu’il faut, pour comprendre pourquoi aller voter. On a fait un concert…
Ham : …Le coordinateur jeunesse s’est étonné qu’il y ait autant de monde, des familles, des jeunes ! D’habitude, ils désertent les structures…
Amy : …Là, 1200 personnes ! Quand on voit ça, on se dit qu’il y a des choses à faire. Pas besoin de chercher loin, alors qu'on a monté ça en quelques jours. Mais il faut dire qu’il y avait Black M, de Sexion d’Assaut !
Laetitia : Les jeunes se plaignent qu’il ne se passe rien dans leur quartier. Aux Quatre tours, aux Trilogie, aux Merisiers, il n’y a pas de structure. Et à Pasteur, elle est vide…
Ham : Il faut des référents jeunes dans chaque quartier. Si on le demande, c'est sûr qu'on en trouvera deux par quartier.
Amy : Ce qu’il faut pour les élections, c’est des échanges en petits groupes, dans les quartiers. Pas des meetings. Cette fois, l’un des candidats l’a un peu fait…
Ham : Lors de notre barbecue, ce que j’ai préféré, c’est une fois que le feu s’est éteint ; il commençait à faire nuit, les langues se sont déliées entre jeunes et anciens. Pourtant, il faut rester crédibles : on ne peut pas faire comme les politiques, du porte-à-porte etc. Le constat de la jeunesse sur la politique, je le partage. Je n’y croyais pas beaucoup non plus, au vote. Au mieux, les gens votent en pensant que si le maire change, ça les aidera individuellement. Ils ne votent plus pour des valeurs, ou parce que leur famille votait pour tel candidat depuis des générations. Mais on doit travailler à changer ça.
Laetitia : Mais un centre culturel et deux city stades ne suffiront pas, quand le chômage et la délinquance augmentent.
Ham : On voit bien dans notre travail que la situation se dégrade. C’est maintenant qu’il faut agir. Les parents nous demandent de les aider, ils n’y arrivent plus…

 


 

Participez à la réunion de rédaction ! Abonnez-vous pour recevoir nos éditions, participer aux choix des prochains dossiers, commenter, partager,...