
Vaulx-en-Velin : « 80 ans d’une même couleur politique dans une même ville, au secours ! »

Dans l’agglo lyonnaise aussi, pas mal de villes sont passées à droite, comme Saint-Fons, Rillieux ou Saint-Priest. Pas Vaulx-en-Velin, quasi capitale historique des banlieue tant son histoire a marqué le pays, depuis ses émeutes jusqu’à ses projets de rénovation urbaine. Morad Aggoun, qui était élu de l’opposition, fait maintenant partie de la majorité PS. Mais il ne mâche toujours pas ses mots.
P&C : Comment s’est passée cette élection ? La mairie, plutôt orientée Front de gauche, est passée au PS, mais pas à droite, avec 57% d'abstentions...
MA : C’était une vraie campagne locale. La droite lançait des nouveaux, qui n’étaient pas encore reconnus. Avant on avait une droite républicaine, un vrai gaulliste ; maintenant, c’est une droite plus dure. Ca n’accroche pas. Souvent les gens ont voté pour l’alternance, pas parce qu’ils sont devenus libéraux du jour au lendemain ! 80 ans d’une même couleur politique dans une ville, au secours ! Après, les élus ont l’impression que la ville, c’est leur ville. Moi, je suis adjoint en charge du logement et du personnel, et quand je vois l’organigramme du personnel, c’est un arbre généalogique ! Il y en a marre du clientélisme, du fait du prince, sur le mode : tu travailles à la mairie, tu as un appart. Il faut que le soleil brille pour tout le monde. Un clan, même pas un parti, un clan, gérait la mairie depuis vingt ans. On veut redevenir une ville normale.
P&C : N’y a-t-il pas le sentiment que droite et gauche mènent les mêmes politiques ?
MA : Oui, mais pourquoi un arabe serait forcément à gauche, surtout si il est chef d’entreprise ? Je crois surtout que les gens en ont marre d’être encore considérés comme des immigrés. Maintenant, ils se voient comme des citoyens : l’école, les impôts locaux, les cantines, c’est ça qui les intéresse. Pas les rapports avec la police, qui ne touchent qu’une minorité. Le mariage pour tous, il y en a finalement assez peu qui sont contre. Même si ça a été pas mal utilisé par nos adversaires, qui nous accusaient pendant la campagne de vouloir organiser une gay pride ici, ou d’arrêter la mosquée… Nous, on a fait des vrais meetings classiques, comme à la télé, et il y avait 300 ou 400 personnes ! Ca marche encore ! Le jour de l’élection du maire, on était des centaines dans la salle du conseil.
P&C : La nouvelle municipalité propose donc un programme assez classique, du coup ?
MA : Je ne me prends pas pour Malcolm X ! On en a marre des sociologues, des études pour faire des bâtiments bizarres ! On veut être vus comme une ville normale, pas une exception. On va mettre le paquet sur l’école, pour arrêter les Algécos, aider à la création de réseaux d’emploi pour lutter contre le chômage. Mais il faut passer outre les codes officiels qui existent depuis 30 ans : à Villeurbanne, ils ont fait appel à un cabinet pour lutter contre les discriminations. Il n’y a pas d’élu black, et bien le Cran est venu et a considéré que c’était une des villes les moins discriminantes de France ! Il faut arrêter de vouloir faire des révolutions en plastic : nous, on verra avec les 58 communes de l’agglo comment on peut gérer et accompagner les 400 familles Roms qui sont dans la région, on ne fera pas tout tous seuls. Les communistes se voient toujours comme les uniques représentants des classes populaires. Du coup, ils ont jeté les listes alternatives comme le Choix vaudois…