Elle est responsable en charge des Sports, de la jeunesse et de la famille à la mairie de Bondy. Trois fonctions qui mettent Séverine Lamoureux en relation directe avec un âge parfois turbulent, en quête de repères et de limites. Au moment où se pose la question de l’encadrement de la jeunesse, exemple d’une ville qui réfléchit à la sécurité à partir de la cohésion sociale.

P&C : Quel est le contexte en matière de sécurité, à Bondy ?
S.L. : Un exemple : au quartier nord, il y avait un sentiment d’abandon de certains jeunes et une volonté qu’un public ne chasse pas l’autre, au moment où remplaçait la Caisse d’assurance maladie par une Maison de la jeunesse et des services publics, au quartier nord : il y avait des squatteurs, parfois du deal, on ne voulait pas qu’ils chassent les jeunes qui se rendaient à la Maison de la jeunesse. Et ça générait des conflits, notamment avec la police municipale. D’un autre côté, les jeunes eux-mêmes ne s’appropriaient pas assez le lieu. On avait deux solutions : monter des barrières et des caméras, alors qu’on était en plein projet de rénovation urbaine, les halls se fermaient et la « résidentialisation » se répandait. Mais ça aurait été un signe de défiance pour eux. Les jeunes en question devaient bien aller quelque part. Notre volonté a donc été que l’institution sorte de ses murs. Mahmoud Bourassi (le directeur du lieu), qui était identifié comme du quartier, est allé chercher Yazid Kherfi pour avoir un regard extérieur et bienveillant, et pas celui d’un sociologue ! Ecouter le terrain sans avoir un vigile pour seule réponse est utile ! Son action est un catalyseur de lien, y compris entre différentes structures. Et le fait que ça reste informel permet de réaliser des sortes de conférences in vivo !

 

P&C : Quels besoins avez-vous identifié ?
S.L. : Les tendances globales sont de plus en plus dures, c’est le Tonneau des Danaïdes. Le communautarisme est de plus en plus prégnant, mais les tensions inter-quartiers se sont pourtant apaisées. On doit quand même relier les quartiers sud, centre et nord. Pour cela, on veut faire une grande avenue avec un bus qui relie et travers le canal et la RN3. La ville a besoin d’espaces de convivialité, hors des fêtes dédiées. En particulier au quartier nord. Mais ça ne suffit pas : il faut conduire les gens à s’organiser. A monter des projets. Le service public est en train de s’adapter à la vie du public : les salles peuvent maintenant accueillir des associations, même des junior associations, comme ça a été le cas avec ce groupe qui faisait du hip-hop avec son poste sur l’esplanade de la mairie. Autre exemple : le Centre culturel Balavoine va vers l’autonomisation, c’est-à-dire l’usage de ses locaux par des structures extérieures autonomes, sans pour autant fermer quand il y a des activités au même moment. Et puis, il y a aussi un changement de perception des Contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance : il y avait une défiance à leur égard, avec l’idée que le maire deviendrait un « shérif ». Ils ont été mis en sommeil jusqu’en 2007. Et le dispositif de Travaux d’intérêt général n’a pas bien fonctionné. En fait il ne manque rien dans l’arsenal législatif, seulement des orientations plus affirmées et plus d’échanges entre les acteurs. Par exemple, la police municipale est encore très isolée…

 

P&C : Vers quels changements faudrait-il donc aller ?
S.L. : Vers le pouvoir d’agir, qui est la meilleure entrée. Les Conseils citoyens, c’est moyen, même avec les catégories socio-professionnelles supérieures, ça ne marche pas. Le milieu associatif est le meilleur levier. Une ville qui a un tissu associatif riche arrive à mieux affronter ses difficultés. Mais ce tissu doit s’organiser autrement que sur une base communautaire ou micro-locale. Il faut construire un projet commun. Ce département est un laboratoire humain. L’avenir de la France se joue ici.