
Transports en banlieue : pour ne plus rester à quai

La règle en école de journalisme est de ne jamais parler des trains qui arrivent à l’heure car cela n’intéresse personne. Mais ceux qui vivent en banlieue le savent bien, les trains qui arrivent à l’heure sont l’exception… Ils nous intéressent donc bien ! Tout comme bon nombre de franciliens, chez qui la riposte s’organise pour obtenir des améliorations du service.
« Il y a tous les jours des retards de train, quand ils ne sont pas supprimés purement et simplement et cela sans explication », explique Cécile. Cette habitante de Cergy (Val-d’Oise) lassée des difficultés quasi-quotidienne a décidé de constituer une association afin de dénoncer ces dysfonctionnements à répétition. Afin d’être plus entendue, la jeune femme multiplie depuis plusieurs mois les distributions de tracts dans les gares du RER A, qui desservent la ligne. « J’ai rédigé les statuts, mais pour le moment, nous sommes seulement une petite dizaine de gens très motivés. Il faut que l’on soit plus nombreux sinon on ne nous recevra pas ». Par « on », il faut comprendre le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), l'autorité organisatrice des transports de la région, présidée par Jean-Paul Huchon. Après des années de débat difficile entre l'Etat et la région Ile-de-France (débats politiques entre droite et gauche, et débats autour des transports dans le Grand Paris : améliorer l’existant ou créer du nouveau), les deux entités ont entériné un accord fin janvier 2011, qui prévoit la modernisation des RER, à hauteur de 11,9 milliards d'euros.
Situation dégradée
Une bonne nouvelle qui n’a pas convaincu Cécile. « Il y a toujours autant de galères si ce n’est plus. La situation s’est vraiment dégradée depuis plusieurs années. Sur le papier, on nous promettait un RER A, toutes les dix minutes, ce n’est pas le cas. On remarque aussi que les RER A à direction de Saint-Germain-en-Laye subissent beaucoup moins de retards. Que faut-il comprendre ? Les villes plus riches sont favorisées au détriment des villes plus pauvres ? » Maman solo de 35 ans, Cécile est tributaire des transports en commun. Elle en a fait un cheval de bataille. Pour embrigader un maximum de troupes, Cécile dégaine donc à chaque retard de train ses fameux tracts sur lesquels on peut lire « Vous galérez pratiquement tous les matins sur le RER A pour cause de malaises de voyageurs, rupture de caténaire, grève, accidents voyageurs ? Vous reprochez le manque d'informations aux voyageurs, le manque de coordination, la fréquence de vingt minutes à certaines heures de la journée ? Ce groupe de discussion est fait pour vous. Au lieu de râler seul dans votre coin, venez discuter ! »
Témoignages acides
Un discours qui peine à être entendu. « Beaucoup d’usages mécontents sur le coup par leur retard de leur train, prennent les tracts, précise la jeune femme. Cela crée des discussions sur le moment mais hélas peu prennent l’initiative de me rappeler ». Il faut dire que d’autres associations et de nombreux groupes sur les réseaux sociaux existent déjà. Comme sur Facebook, les groupes aux noms évocateurs pullulent : « des usagers mécontents du RER A » ou encore « j’étais à l’heure puis j’ai pris le RER A ». On peut y lire de nombreux témoignages comme celui de Valérie : « Je ne prends plus le RER A depuis 2 ans et demie ! Je prends ma voiture, mode de transport plus cher, plus polluant mais au moins je suis certaine d'arriver à l'heure au bureau et le soir pour récupérer mes enfants ! Il y a 3 ans mon CDD n'a pas été confirmé par un CDI... Motif : mes retards intempestifs au bureau ! J'ai écrit à la RATP et à Huchon, lettre morte ! Ils en ont rien à faire, juste bons à encaisser notre argent, en retour : service 0 ! Cette ligne a vu son nombre d'usagers explosé et par la même occasion les caisses de la RATP mais où est l'investissement dans la rénovation du réseau et des trains ? NADA ! Pour qu'ils se bougent le popotin, il faudrait frapper là où ça fait mal, la caisse et faire la grève de la carte bleue tous les 30 du mois ! »
Se constituer en association pour faire pression
C’est de ce constat qu’est née AURA, l'Association des Usagers du RER A (A.U.R.A). « Notre association, a été fondée en mars 2011, elle regroupe les usagers du RER A et se veut leur porte-parole auprès du STIF, de la SNCF et de la RATP. Depuis des années, nous avons constaté une dégradation des conditions de transport sur la branche de Cergy. Cette dégradation concerne aussi bien le matériel, les horaires, l'état des gares que les informations communiquées aux voyageurs. Nous ne sommes pas des professionnels de la gestion du transport mais nous avons la volonté, par le dialogue avec ces professionnels, avec le soutien des collectivités locales et le plus grand nombre d'usagers, de participer à l'amélioration de la qualité de nos déplacements », précise Marc Ehrhart, son président. Les autres lignes de RER (B et C surtout) connaissent aussi de nombreux problèmes. Les habitants du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) en savent quelque chose. Dans le cadre du programme « RER B Nord+ », initié en 2007, un RER B était prévu toutes les 3 minutes au lieu des 15 actuelles dès novembre 2012. Une promesse vieille de cinq ans. Hélas pour les usagers de la ligne, le programme accuse au moins 1 an de retard !
Une mobilisation qui paye
A Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), le collectif du 29 juin, un groupement d’association de quartier s’est emparé du dossier « transport ». Sa cible ? Le Bus 268 emprunté chaque jour par 20 000 personnes. Crée au lendemain de la mort de Maxim Lawson en juin 2010 pour lutter contre toutes les formes de violence, le collectif a été sollicité par de nombreux habitants. « Ce sont des femmes qui nous ont sollicité. Certaines avaient perdu leur travail à cause de leurs retards répétés. C’est cette France qui se lève tôt qui est prise en otage. Les bus sont bondés, ils passent sans arrêter ou très en retard. Cela pénalise les plus précaires », explique Solange Cabit, membre fondatrice du Collectif et présidente de l’association Dialogue de Femmes. « On a rencontré le STIF a deux reprises déjà, et un autre rendez-vous est prévu ». D’ores et déjà, les temps d’attente sont réduits en période de pointe. Pour rendre compte de leurs actions, une réunion publique est prévue le 09 mai à 19h à Villers-Le-Bel.
Des parlementaires ont remis mi-mars un rapport au président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer. Il contient une vingtaine de propositions pour tenter d'améliorer le trafic et de régler les dysfonctionnements : doublement du tunnel du Châtelet, rames à double niveau, accélération des décisions...
Nadia Hathroubi-Safsaf