Stage : la « mal adresse »

Teddy
Le 06-05-2013
Par Dolpi

Pour dégoter un stage, certains profs ont conseillé à Teddy et John, étudiants résidant en banlieue, de renier adresse ou photo. Ils témoignent.

« Trouver un stage : ça a été le parcours du combattant ! J’habite une zone pavillonnaire, une petite maison avec un petit jardin, je suis issu de la classe moyenne, mais ça n’empêche pas… » Sur son C.V. est inscrit « Saint-Denis » (dans le 93) ; et si ça ne dérange pas le facteur, l’adresse postale de Teddy est par contre un facteur repoussant pour les entreprises qu’il a osé solliciter.  Pire : la date de stage obligatoire de son master I approchant, la goutte de sueur qui coule au front, tout naturellement, Teddy se tourne vers ses profs. Mais, stupeur ou originalité dans l’enseignement de la dignité : « J’ai eu un prof qui nous conseillait de retirer l’adresse. Ou d’utiliser l’adresse d’un ami sur Paris. » Il se souvient aussi du super conseil « visuel » : « Faut mettre sa photo pour éviter un entretien désagréable ». Si t’es Noir, « le chef d’entreprise Blanc qui a l’habitude de discriminer ne t’appellera pas en entretien ». C’est mieux. C’est mieux ? Ou alors changer l’adresse de la fac. Au lieu d’Université de Villetaneuse, mettre l’autre mention officielle : Université Paris XIII Sorbonne. Ça fait illusion. « Ça fait mieux ». 
 
En attendant, pas la peine d‘attendre d’être à la fac pour subir de rejet, n’est-ce pas John ? John a 17 ans. Ce gourmand des playgrounds de basket voulait faire menuiserie, mais il se retrouve en seconde année Bac Pro métallerie. Aujourd’hui, il a l’oreille accrochée au combiné : « Bonjour (…) je suis à la recherche d’un stage… ». Jusqu’ici tout va bien, mais après vient le : « Je suis élève au lycée professionnel Nicolas Ledoux de Pavillons-sous-Bois » (93). Et là, c’est le drame. Parfois, il se mange des explications au goût amer : « C’est pas possible, parce que la dernière fois, avec un de vos collègues… » Mais le plus souvent, la conversation s’arrête net. Sans aucune autre forme de procès.
 
Quelques secondes avant la date fatidique, Teddy, lui, finit heureusement par trouver. « Son premier stage », il le doit à sa sœur, professeur des écoles à Epinay-sur-Seine. Elle l’a tuyauté auprès de la mairie. Pour son master II, il doit cette fois-ci son sursis de dernière minute à une copine « qui avait déjà trois stages ». Mais là encore, Teddy a eu vraiment de la chance : « Le mec qui m’a engagé venait du même lycée que moi, de la même fac que moi, et on avait des profs en commun… »
 
Détenteur d’un master II Evaluation des politiques publiques, il veut pourtant croire que « postuler en banlieue, quand on a un tel bagage, devient une valeur ajoutée ». A force, la mauvaise adresse deviendra peut-être un jour la bonne adresse ?
 
 

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