
Sonacotra, Adoma : historique d’une gestion spécifique de l’immigration

Adoma, vous connaissez ? Construit à partir de termes latins, cela signifie « vers la maison ». C’est ainsi que s’appelle l’ancienne et tristement célèbre Sonacotra (Société nationale de construction de logements pour les travailleurs). Les noms changent, mais pas la logique, de même que la ségrégation qu’elle implique…
En 1885, la Loi Siegfried se donne pour objectif d’aider les ouvriers à accéder au logement individuel et à supprimer la promiscuité que l’hygiénisme dominant condamne. Dès le départ, il s’agit d’accompagner les plus démunis vers une meilleure socialisation au travers d’une politique d’assistance et d’éducation. Dans l’esprit des responsables politiques locaux et nationaux, il est nécessaire qu’une étape de transition s’impose à ces défaillants sociaux avant qu’ils n’aient accès à un logement confortable et durable. C’est l’image du « charbon dans la baignoire » qui illustrera comme cliché cette incapacité supposée des plus pauvres à user correctement des aménagements modernes.
Au lendemain de la guerre, l’obligation de prise en charge et de contrôle des marginaux de la société industrielle (migrants, « sous-prolétaires », nomades en voie de sédentarisation…) a entraîné l’Etat dans un processus d’institutionnalisation progressive d’expériences dispersées. Le déficit de constructions a d’abord conduit à transformer l’usage d’aménagements souvent vétustes, telles que d’anciennes casernes ou autres usines désaffectées. C’est à cette époque que les municipalités, les organismes H.L.M. et des associations comme les P.AC.T. (Propagande et Action Contre les Taudis, aujourd’hui « premier réseau associatif au service de l’habitat en France ») vont devenir les gestionnaires d’un parc locatif dont les bailleurs de fond se réservent par contrat le droit de désigner les occupants. C’est l’apparition des cités de transit et du sous-marché immobilier de l’assistance.
À partir de 1952, l’insurrection de la bonté qui donnera naissance à Emmaüs et ATD, fait de la situation de ces mal-logés, souvent entassés dans les bidonvilles de la périphérie, un enjeu politique et médiatique. La solution proposée à ce « sous-prolétariat » est avant tout d’ordre culturelle et éducative, afin de préparer les miséreux à une meilleure « insertion ». Alors que les classes moyennes, les nouveaux ménages et les ouvriers qualifiés sont envoyés vers les Grands Ensembles des périphéries, les « familles à problèmes » et les migrants récents (souvent les mêmes, selon les responsables politiques) seront relayés vers des logements « assistanciels » imaginés comme provisoires comme les cités de transit et les foyer de travailleurs.
La raison principale de cette idée de logements « transitoires » n’est pas tant due à un espoir de changement rapide de la situation de ces nécessiteux. Au contraire, elle repose sur la promesse faite aux municipalités de ne leur imposer la présence de ces indésirables le moins de temps possible. En effet, la dissémination de ce type de logements tient plus à l’absence d’une politique claire et généralisée sur tout le territoire qu’à une volonté de les rendre digestes et invisibles à l’électorat local.
L’arrivée massive des travailleurs algériens et des rapatriés de la décolonisation conduira ces structures à se pérenniser. La faiblesse des loyers devenant une raison de justifier l’absence de travaux d’amélioration, le cercle vicieux de la stigmatisation est en place : quartiers repoussoirs, population repoussée…
Il paraît que tout devait changer avec le Plan Espoir Banlieue…
Eddy Maaroufi / RU