
A Sarcelles, « on a besoin d’une culture de proximité ! »

Nabil Koskossi, enfant de la ville, est un des piliers de la vie culturelle et associative sarcelloise. Portant fièrement le label provocateur « sarcellite », il a été le responsable de la première maison de quartier de la ville. Passionné par l’histoire de celle-ci, il fouille les archives de sa vie urbanistique autant que les tréfonds de son underground culturel.
P&C : L’identité de Sarcelles, c’est quoi ?
N. K. : Il y a une arrogance à se dire sarcellois. A prétendre avoir les meilleurs sapeurs, les meilleurs rappeurs… On a été très tôt marqués par la culture américaine. On a eu le câble à la fin des années 80, il y avait Mtv et l’émission « You Mtv rap » avec tous les clips américains. Passi et Stomy [fondateurs du Ministère AMER] breakaient dans les sous-sols des Flanades, en mode bloc party… 1974, c’est aussi la première compétition de skate.
N. K. : Il y a une arrogance à se dire sarcellois. A prétendre avoir les meilleurs sapeurs, les meilleurs rappeurs… On a été très tôt marqués par la culture américaine. On a eu le câble à la fin des années 80, il y avait Mtv et l’émission « You Mtv rap » avec tous les clips américains. Passi et Stomy [fondateurs du Ministère AMER] breakaient dans les sous-sols des Flanades, en mode bloc party… 1974, c’est aussi la première compétition de skate.
P&C : Comment s’est constituée cette identité ?
N. K. : Historiquement, la ville est coupée en deux : le village, avec des pavillons surtout, et le grand ensemble des Lochères où vit 64% de la population. J’ai organisé il y a dix ans pour la mairie le cinquantième anniversaire du grand ensemble. Mais beaucoup d’habitants de ce grand ensemble sont partis au village finalement. Voire dans l’Oise, pour avoir une autre qualité de vie pour leurs enfants. Desh par exemple [l’ancien DJ du Ministère AMER], a une petite maison avec jardin où il fait des barbecues ! Mais il a gardé sa carte d’électeur à Sarcelles. C’est une occasion de revenir une fois de temps à autre et de se voir avec d’autres gens du quartier. Mais c’est dans le centre qu’il y a le plus grand melting pot. C’est là aussi que se concentre la population la plus pauvre. Aux Flanades, qui est la place du village. Ca se croise moins dans les quartiers. Le nouveau centre commercial, qui s’appelle « My place », c’est un lieu de consommation, pas un lieu de vie. Ici, aux Flanades, c’est différent, il y a un théâtre, une bibliothèque [fermée depuis des années car plus aux normes], et le marché de Sarcelles. Le marché, tu sais à quelle heure tu y vas, mais pas à quelle heure tu rentres ! Mais tout ce qui n’est pas alimentation ne marche plus : tu as Babou qui fait mieux au niveau prix, maintenant !
N. K. : Historiquement, la ville est coupée en deux : le village, avec des pavillons surtout, et le grand ensemble des Lochères où vit 64% de la population. J’ai organisé il y a dix ans pour la mairie le cinquantième anniversaire du grand ensemble. Mais beaucoup d’habitants de ce grand ensemble sont partis au village finalement. Voire dans l’Oise, pour avoir une autre qualité de vie pour leurs enfants. Desh par exemple [l’ancien DJ du Ministère AMER], a une petite maison avec jardin où il fait des barbecues ! Mais il a gardé sa carte d’électeur à Sarcelles. C’est une occasion de revenir une fois de temps à autre et de se voir avec d’autres gens du quartier. Mais c’est dans le centre qu’il y a le plus grand melting pot. C’est là aussi que se concentre la population la plus pauvre. Aux Flanades, qui est la place du village. Ca se croise moins dans les quartiers. Le nouveau centre commercial, qui s’appelle « My place », c’est un lieu de consommation, pas un lieu de vie. Ici, aux Flanades, c’est différent, il y a un théâtre, une bibliothèque [fermée depuis des années car plus aux normes], et le marché de Sarcelles. Le marché, tu sais à quelle heure tu y vas, mais pas à quelle heure tu rentres ! Mais tout ce qui n’est pas alimentation ne marche plus : tu as Babou qui fait mieux au niveau prix, maintenant !
P&C : Et avant ?
N. K. : Les Flanades, c’est la Caisse des dépôts qui les a construites après l’appel de l’abbé Pierre. C’est la première Ville nouvelle, en 1965. Le maire d’alors s’était beaucoup battu contre, et puis avait dû abandonner mais avait obtenu le Forum des Cholettes, la bibliothèque, le centre sportif, les colonies de vacances… « Sarcelles ou le béton apprivoisé », un de ses livres disait : « on aime Sarcelles comme on aimerait son enfant handicapé. Dès qu’on le critique, on montre les crocs ». On a fait une projection de « Mélodie en sous-sol » [film de Henri Verneuil avec Gabin et Delon dont la première scène se déroule dans les immeubles du nouveau Sarcelles en construction au tournant des années 50] avec l’association de Gabin. Gabin, c’est un enfant de l’ancienne Seine et Oise, il est de Mériel.
N. K. : Les Flanades, c’est la Caisse des dépôts qui les a construites après l’appel de l’abbé Pierre. C’est la première Ville nouvelle, en 1965. Le maire d’alors s’était beaucoup battu contre, et puis avait dû abandonner mais avait obtenu le Forum des Cholettes, la bibliothèque, le centre sportif, les colonies de vacances… « Sarcelles ou le béton apprivoisé », un de ses livres disait : « on aime Sarcelles comme on aimerait son enfant handicapé. Dès qu’on le critique, on montre les crocs ». On a fait une projection de « Mélodie en sous-sol » [film de Henri Verneuil avec Gabin et Delon dont la première scène se déroule dans les immeubles du nouveau Sarcelles en construction au tournant des années 50] avec l’association de Gabin. Gabin, c’est un enfant de l’ancienne Seine et Oise, il est de Mériel.
P&C : On a l’impression que la ville n’a plus fait émerger de personnalité culturelle importante depuis le Ministère AMER dans les années 90…
N. K. : Oui. Même les projections de film, maintenant que le cinéma est fermé, il faut les faire à l’hôtel Ibis ! Il faut avoir un cinéma dans le centre pour faire des débats. Il n’y a plus rien depuis quinze ans. Le maire [François Pupponi, Ps, par ailleurs président de l’Anru], lui, veut un multiplexe « CGR », hors de la ville. Pareil pour la salle musicale, le Forum des Cholettes. Il voulait en faire des logements à la place. Et préfère construire un dôme Arena privé, de 20 000 places, en périphérie. Il voulait même faire un circuit de Formule 1 à une époque ! On a besoin d’une culture de proximité, pas seulement de voir des blockbusters. Il y a des petites fêtes de quartier, dans les salles polyvalentes, y compris au village, c’est bien pour les sorties familiales, mais pas pour les vrais spectacles. Il n’y a même pas de librairie ! La rénovation urbaine, pour lui, c’est les écoles plus le tram. On est dans le paraître. Des galas de boxe à 150 000 euros financés par la mairie, des chants polyphoniques corses… Ce qu’il veut, c’est faire venir des gens de l’extérieur. Mais il faut retenir ceux qui se barrent plutôt que de vouloir faire venir des gens de l’extérieur. Ca, ça ne marche pas : 60% des logements en rénovation sont en prévente… Si bien que le chantier ne démarre pas!
N. K. : Oui. Même les projections de film, maintenant que le cinéma est fermé, il faut les faire à l’hôtel Ibis ! Il faut avoir un cinéma dans le centre pour faire des débats. Il n’y a plus rien depuis quinze ans. Le maire [François Pupponi, Ps, par ailleurs président de l’Anru], lui, veut un multiplexe « CGR », hors de la ville. Pareil pour la salle musicale, le Forum des Cholettes. Il voulait en faire des logements à la place. Et préfère construire un dôme Arena privé, de 20 000 places, en périphérie. Il voulait même faire un circuit de Formule 1 à une époque ! On a besoin d’une culture de proximité, pas seulement de voir des blockbusters. Il y a des petites fêtes de quartier, dans les salles polyvalentes, y compris au village, c’est bien pour les sorties familiales, mais pas pour les vrais spectacles. Il n’y a même pas de librairie ! La rénovation urbaine, pour lui, c’est les écoles plus le tram. On est dans le paraître. Des galas de boxe à 150 000 euros financés par la mairie, des chants polyphoniques corses… Ce qu’il veut, c’est faire venir des gens de l’extérieur. Mais il faut retenir ceux qui se barrent plutôt que de vouloir faire venir des gens de l’extérieur. Ca, ça ne marche pas : 60% des logements en rénovation sont en prévente… Si bien que le chantier ne démarre pas!