
Sakamo à Villiers-le-Bel : la laïcité, ceux qui en parlent et ceux qui doivent l’appliquer

Comment parler de la laïcité dans les quartiers où elle est vécue comme une arme de lutte contre l’islam ? Comment créer des espaces de dialogue où l’on écoute sans juger mais sans tout laisser dire ? Telles étaient quelques unes des questions qu’abordait, le 10 mars dernier, le débat à la maison de quartier Camille Claudel de Villiers-le-Bel, sur le thème « Laïcité – Inclusion – Egalité ».
Animateur, intervenante et public débattaient autour de la laïcité depuis une heure déjà, autour de ces problématiques, à l’appel du Collectif Fusion (qui édite notamment la revue Sakamo), lorsque, au fond de la salle, une jeune fille d’une quinzaine d’années finit par poser la question qui la taraudait : « En fait, c’est quoi la laïcité ? ». Débat soutenu, questions simples…
Une laïcité vue vécue comme oppressive
Dominique Renaux, de l’équipe de Sakamo, qui sur ce thème vient de réaliser un numéro spécial, une exposition, et animait la rencontre, menait ce jour-là sa troisième réunion abordant la laïcité (après Garges-les-Gonesse en octobre et Villiers-le-Bel… en 2004 !). Sakamo fait partie de ces structures qui sont sur le front scolaire, tous les jours, depuis des années, ce qui lui permet de répondre sereinement aux interrogations profondes des habitants. Lors de la précédente rencontre, Bilal, l’un des jeunes présents, avait ainsi lancé : « Les habitants de banlieue jugent que la laïcité s’applique à leur détriment. Ils ne voient pas plus la protection que leur apporte la laïcité que celle que leur garantit la police ». Une parole forte qui ne peut éclore dans n’importe quel contexte. Il faut préalablement avoir préparé un terrain favorable.
Une laïcité précisée par plus de 500 arrêtés
Mais heureusement, ce jour de mars à la maison de quartier Camille Claudel, certains intervenants venaient aussi avec des réponses. Ainsi la professeure d’histoire Laurence de Cock : « La laïcité, c’est la liberté de conscience (ainsi que celle de changer de religion ou de ne pas en avoir), l’égalité des croyances, la neutralité de l’Etat par rapport à toutes les croyances, la liberté de culte et de pratiquer, dans les limites de l’ordre public (par exemple, une fête organisée dans la rue doit être autorisée par le préfet) ». Et de rappeler que pas moins de cinq cents arrêtés du Conseil d’Etat sont déjà revenus sur la définition de la laïcité, depuis 1905 (dont des dizaines sur les cloches et les processions publiques dans les années 1910) ! Mais la laïcité, c’est aussi, pour elle, une « manière de vivre en paix alors qu’on ne s’est pas mis d’accord sur les croyances. »
Une laïcité par la proximité
Pourtant, l’écoute et la confiance, qui sont à la base de ce désir de vivre en paix, ne tombent pas du ciel : elles se construisent. En particulier par un travail de terrain continu. Ainsi, Sakamo produit ses expositions et magazines à partir de photos confiées par les habitants du territoire : en plus du traditionnel démarchage des associations locales, Dominique Renaux compte sur « ce réseau de contributeurs locaux qu’on rencontre lors de nos interventions ou dans les classes qui viennent dans nos manifestations ». Selon lui, malgré les difficultés à monter les projets localement, la proximité est un facteur positif aux yeux des habitants : « On fait les choses intuitivement, ça sonne juste, c’est vu comme sincère. D’autant qu’on dit les choses. On préfère s’engueuler plutôt que de ne pas se parler ».
Reste que dans ce domaine, bien des questions resteront sans réponse. Par exemple, « L'espace public est-il a-confessionel » ou « inter-confassionnel » ? Ou encore, question posée par des collégiennes : « Est-il normal qu’il y ait des fêtes religieuses dans un calendrier laïc ? ». Et aux questions sans réponses, les débateurs proposent la prudence, rappelant la maxime phare : « Dans le doute, mieux vaut s’abstenir » !