Rokhaya Diallo: Non, le sexisme, ce n’est pas les «autres»! - Respect Mag - les Indivisibles

Le 08-12-2010
Par xadmin

Depuis quelques années, la question des violences contre les femmes fait l’objet d’une attention toute particulière. De la dénonciation des « tournantes » aux « crimes d’honneurs » attribués aux hommes d’origine étrangère en passant par la récente loi interdisant le port du voile intégral au nom de la « dignité des femmes », rarement la condition féminine a autant monopolisé le débat médiatique et politique. Mais si l’on y regarde de plus près, c’est la condition de certaines femmes qui semble focaliser toutes les attentions.

Miraculeusement, les débats ayant précédé l’interdiction du port de la « burqa » dans l’espace public ont converti certains de nos représentants politiques au féminisme : au nom des droits des femmes, il est soudainement devenu urgent de sauver les « opprimées » du port du voile intégral.

Que certains de ces nouveaux défenseurs de la cause féminine (Jacques Myard, Lionel Luca ou Thierry Mariani entre autres) se soient par le passé opposés à la réforme de l’IVG et de la contraception, ne semble étonner personne. Ni le fait que ce féminisme à géométrie variable soit manifesté par des élus qui siègent sans états d’âme dans une Assemblée où trônent 82% d’hommes.

C’est dans ce contexte, que le Nantais Liès Hebbadj, est devenu le macho le plus populaire des faits divers. Il faut dire qu’avec son invraisemblable accoutrement, ce boucher barbu, musulman, marié à une femme intégralement voilée et « polygame » de surcroit, avait le profil idéal pour incarner le sexiste arabe qui fait trembler la ménagère de moins de 50 ans. Et pour détourner l’attention du sexisme pourtant si ordinaire en France.

Pour achever de dresser ce sombre tableau, le mois dernier, le documentaire « La Cité du Mâle » traitait pour la énième fois de la question des violences sexistes dans les banlieues populaires. Une fois de plus, le film donnait la curieuse impression que les femmes « des quartiers » vivaient dans un monde parallèle obéissant à des règles particulières et victimes du sexisme bien spécifique de « leurs » hommes, qui n’a bien évidemment aucun lien avec celui qui sévit dans le reste de la société…

Pendant que les médias, dénoncent à grand renfort de sensationnalisme, ces pratiques « d’un autre âge », et relaient les cris d’orfraie poussés par nos politiques, dont l’énergie anti-sexiste semble vouée à lutter contre des morceaux de tissus, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon. Pendant ce temps, la plupart des 75 000 viols qui ont lieu chaque année ne se déroulent pas dans les sombres caves des cités, mais dans le cadre de relations conjugales. Et les « Monsieur tout le monde » sont, sans doute, plus nombreux parmi les auteurs de ces violences que les bouchers polygames ou « caïds » de banlieue.

La violence contre les femmes n’est ni l’apanage des pauvres de « banlieue », ni le fait de minorités culturelles. Les chiffres prouvent chaque année qu’elle a cours dans tous les milieux sociaux.

Tant que les politiques et les médias détourneront le regard de la majorité des responsables de ces violences pour n’accuser qu’une partie de la population, tant qu’ils refuseront d’ouvrir les yeux sur la cruelle banalité des agressions dont sont victimes des centaines de milliers de femmes chaque année en France, ces femmes, nos sœurs, nos amies, nos collègues, nos voisines, seront condamnées à l’invisibilité.

Par Rokhaya Diallo, chroniqueuse et militante associative, signataire du manifeste "Viol : la honte doit changer de camp"

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