Résidences sécurisées: derrière les grilles

Le 15-12-2010
Par xadmin

Dans le Film la Zona, il est question d’une résidence ultra surveillée à l’intérieur de laquelle les règles de la copropriété sont assez particulières. L’assemblée générale suit des règles qui ne sont pas celles de la société, et bénéficie de la coupable indulgence des autorités. Les coproprios de la Zona, de riches résidents paranoïaques, n’hésiteront pas à assassiner un ado qui a commis une « effraction » de domicile. Cette fiction mexicaine pousse la logique sécuritaire à son paroxysme, et toutes les « résidences ultra surveillées » ne sont pas des citadelles meurtrières.

Le phénomène a vu le jour au Brésil, où les disparités sociales sont brutales. Il a touché le Mexique, où la classe dirigeante a construit des murs pour se protéger des « classes dangereuses », essentiellement des gamins des rues shootés à la colle et des membres de gang. Entreprises de sécurité privée dotées de véritables pouvoirs de police, technologie sécuritaire High Tech avec vidéo protection et système performants de digicodes. Les copropriétaires exercent un pouvoir absolu sur la résidence et décrètent qui peut ou ne peut pas y rentrer. Il faut bien souvent montrer patte blanche. Aux Etats-Unis, le marché des « ressorts » s’est bien développé, mais à la différence des pays d’Amérique centrale et du Sud, le « resort » n’a pas vocation à accélérer la ségrégation sociale, mais plutôt à offrir un cadre privilégié (écoles, golf, piscines…) à des familles qui fuient le stress de la Ville.

En France, ces résidences ont fait leur apparition à la fin années 90. D’abord dans le Sud. Les complexes de villas avec vidéo surveillance et gardiennage sont nombreuses dans le Var. Elles ont ensuite essaimé à Rambouillet, Neuilly Sur Seine, Toulouse, Lyon.... Pour louer ou acheter un bien dans ces complexes sécuritaires, il faut se soumettre à une enquête approfondie : solvabilité, moralité. Le syndic qui gère ces complexes de villas ultra surveillées est souvent intraitable dans ses choix et ses motivations. Jacques B. a acheté un appartement de haut standing dans une de ces résidences « surveillées », mais il n’apprécie pas les termes que l’on accole souvent à ces projets immobiliers : ghettos pour riches, bunkers, résidences ultra surveillées. Il a choisi, avec sa femme, ce type de résidence pour « être plus tranquille ». Habitait-il dans un quartier dangereux auparavant ? « Non, j’étais dans un petit village. Mais avec tout ce qu’on entend et ce qu’on voit au JT…On voulait juste être entre.. » Cultiver l’entre- soi ? « On cherchait la sécurité et la tranquillité, pour nous et notre fille. On connaissait tous nos voisins, on n’avait pas de problème de nuisances sonores, d’incivilité. » Il a choisi toutefois de retourner dans son village et a légué l’appartement à sa fille et son beau-fils. « Je dois reconnaître qu’il est parfois difficile de venir à l’improviste. Il y a un gros turn over chez les vigiles qui assurent le gardiennage et certains ne nous connaissaient pas. Ils passaient beaucoup de temps à essayer de joindre ma fille. On était coincé quarante minutes à l’entrée du complexe, ce n’était pas très agréable. »

De plus en plus prisé par les classes moyennes et les seniors en France, ce type de projet immobilier a de beaux jours devant lui. Régulièrement, promoteurs et édiles se rencontrent et discutent des modalités d’attribution de terrain. La peur de l’autre, l’instrumentalisation du thème de la sécurité à des fins politiques, le battage médiatique autour de certains faits divers vont bien sûr creuser le « socle » de ces affinités et beaucoup voudront se retrancher derrière des murs épais, des vidéos caméras et pourquoi pas des grillages électricités. En espérant que la vie à l’intérieur de ces bunker ne vire pas au cauchemar de la Zona.

Karim Madani/ RU
 

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