
Rapport annuel sur les ZUS : des banlieues de plus en plus pauvres

Le rapport 2012 de l’observatoire des ZUS (ONZUS) vient de paraître : 36% de pauvres. Pas franchement réjouissant. Nouveauté, un éclairage sur la situation des femmes. Là encore, c’est pire. Un rapport passé totalement inaperçu dans les médias. Normal. Douche froide en dix points
Une précision : tout cela concerne tout de même 4,4 millions de français (beaucoup moins que ceux qui résident dans l’ensemble des quartiers en politique de la ville, plus de 8 millions d’habitants au total), avant toutefois que ces chiffres baissent, comme l’a annoncé le ministre de la ville François Lamy, qui a assuré vouloir dorénavant œuvrer sur « moins de zones », pour mieux les cibler.
Autre précision : les territoires d’Outre-mer ne sont pas compris dans ce rapport. Etonnant. Les statistiques auraient été encore plus déprimantes : il y a (seulement !) 34 ZUS dans ces territoires (soit plus de 200 000 personnes). On y reviendra.
1. 36% de pauvres
« En 2010 la part des personnes sous le seuil de pauvreté (964 euros mensuels) y est de 36,1% ». Revenu net fiscal moyen des ZUS : 12 345 euros annuels (soit 1028 euros / mois). Pour 22% des allocataires de la CAF résidant en ZUS, « les ressources sont constituées intégralement de prestations versées par les CAF ». Et il y a de plus en plus de pauvres…
« Le taux de pauvreté est passé de 30,5% en 2006 à 36,1% en 2010, alors qu’il est passé dans le même temps de 11,9% à 12,6% en dehors de ces quartiers ».
2. L’emploi recule, notamment dans les Zones franches : chapeau !
22,7% de chômeurs, soit + 0,8 points par rapport à 2011. Ouf : « Cette augmentation reste tout de même plus modérée que celle de l’année précédente (+ 3,4 points) » ! « Le taux de chômage en ZUS est ainsi près de deux fois et demi celui mesuré dans les unités urbaines englobantes. » Et, chose incroyable, il est même encore plus élevé en Zone franche (ZFU) ! : 25,9% ! Bravo ! Quel cinglante claque pour ces zones, pensées sur le modèle libéral de l’exonération des taxes pour les entreprises qui s’y installent, en échange de l’embauche de salariés habitant localement ! On le savait, ce dispositif n’a jamais fonctionné comme il aurait du. Problème de formation dans les bassins d’emploi concernés, notamment ? Oui, mais pas seulement : mauvais image de ces territoires et de leurs habitants, aussi.
3. Un taux de chômage des jeunes très élevé : 40,7%
4. Une activité des femmes très inférieure à celle des hommes
Un écart de 18,6 points est à noter ! Soit près du double de celui observé dans les environs. « Moins d’une femme sur deux (47,9%) y occupe un emploi ». Au moins deux explications : « elles vivent plus souvent avec leurs parents, elles sont plus souvent chargées de famille, et sont davantage en situation de monoparentalité. » Qui plus est : « elles occupent en général un emploi ayant un statut moins élevé (…) du fait notamment d’un niveau de diplôme plus faible. » Alors qu’elles sont plutôt meilleures élèves à l’école ; mais plus souvent orientées vers des filières de formation moins valorisantes (ex : sanitaire et social). Leur emploi, enfin, est plus précaire en général.
5. « Un niveau d’études élevé continue à protéger du chômage »
Enfin une bonne nouvelle ! « 25,2% des actifs de 25 à 64 ans sans diplôme sont au chômage alors qu’ils ne sont « que » 10,4% s’ils ont obtenu un diplôme supérieur au bac ». Cependant, il y a plus de chômeurs chez les immigrés : 26,1% contre 17,6%.
6. « La proportion d’étrangers y est plus élevée »
17,5 % des habitants de Zus sont étrangers (contre 8,2 % dans leurs agglomérations), dont près de la moitié originaires des pays du Maghreb »
7. 60% des ménages sont en HLM (contre 21% ailleurs)
Et « un tiers des habitants des Zus ne résidaient pas dans leur logement actuel cinq ans auparavant ».
8. « Un moindre dynamisme des installations [d’entreprises, NDLR], notamment sous statut d’auto-entrepreneur »
2011 est la plus faible progression, depuis 2007, en ce qui concerne le nombre de créations d’entreprises. « C’est la première fois que les effets de la crise économique sont si manifestes. Les ZFU les plus anciennes accusent le ralentissement le plus important. » Qui plus est, « on compte en 2011 5120 installations sous le statut d’auto-entrepreneur, contre 5174 en 2010. » Ce qui est assurément une très mauvais nouvelle, tant on sait que les créations d’entreprises sont en général plus importantes en période de crise : du fait notamment de ceux qui ont perdu leur emploi, ou n’en ont jamais eu, et espèrent en trouver un en le créant eux-mêmes… cette soupape (souvent illusoire) est en train de disparaître : on est donc de toute évidence en train d’arriver au fond du fond des solutions de rechange…
9. Des élèves orientés vers les filières professionnelles, et 2/3 du secondaire en ZEP
27,3% des élèves sont orientées vers ces filières (contre 19,7% dans les terriotoires environnants). Le tout, sur plus de 400 000 élèves du secondaire à résider en ZUS (sur un total de plus de 5,4 millions d’élèves dans le secondaire dans toute la France). Et, dans le secondaire, plus de 2 sur 3 sont scolarisés en ZEP.
10. « Des atteintes aux biens moins fréquentes et des atteintes aux personnes de même niveau » qu’ailleurs.
Ce sera la meilleure nouvelle de cette cuvée glaçante : l’image des ZUS est avant tout celle de zones violentes, voire de « non-droit ». L’image médiatique et les imaginaires (néo-coloniaux en particulier) y jouent certainement pour une part dans ce décalage entre fantasmes et réalités… Cependant, dans ces zones, « le sentiment d’insécurité est plus répandu qu’en dehors de ZUS ». Un effet « insécurité économique », sans doute (ainsi : « un sentiment d’insécurité auquel les femmes sont davantage sensibles »), mais aussi certainement lié aux « incivilités » (insultes, atteintes aux biens matériel et publics : vitrines brisées et voitures brûlées par exemple), pas forcément répertoriées par les statistiques…
Et si on se faisait un petit Walt Disney pour se remonter le moral ?