Qui veut la peau des assos ? Episode 5 : Mohamed Mechmache

Mohamed Mechmache
Le 01-10-2013
Par Erwan Ruty

Entretien avec Mohamed Mechmache, président d’AC Lefeu, association née au lendemain des émeutes urbaines en 2005 suite à la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-bois (Seine-Saint-Denis).

P&C : Votre association est l’une des plus emblématique des banlieues. Pourtant, les difficultés ne vous épargnent pas, y compris depuis le changement de majorité. Pourquoi ?

M.M. : D’abord, avec l’Acsé, les choses ont changé depuis 2012 : on est beaucoup plus soutenu. Mais le problème vient d’abord des banques : elles ne nous font pas confiance. On a beau être régulièrement subventionné, les découverts autorisés sont très bas. C’est pourquoi nous demandons que la Caisse des dépôts puisse créer un système d’avance de trésorerie sur les subventions à toucher. Ensuite, le circuit de financement est souvent très long, avec les régions en particulier. En général, quand on perçoit l’argent, les actions sont terminées depuis longtemps… Enfin, il y a des ministères avec lesquels ça ne fonctionne pas. Celui de l’Education nationale par exemple. Sous la droite, on était aidés pour un dispositif anti-décrochage scolaire. On a bien été reçus par Vincent Peillon, mais il n’y aura pas d’aide. Avec la gauche, c’est parfois plus compliqué.

P&C : Cela pose la question de l’accès pour les associations travaillant dans les banlieues d’accéder au « droit commun » des ministères, c’est-à-dire à bénéficier d’autres soutiens que ceux de la politique de la ville…

M.M. : Oui, d’autant que cela était évoqué dans les 29 propositions du Premier ministre lors du conseil interministériel des villes en février dernier. Les promesses n’ont pas été tenues. Ce n’est pas normal. En plus, on le sait, la politique de la ville, c’est un tout petit budget…

P&C : Alors quelles sont les solutions, pour les associations ?

M.M. : Nous avons proposé dans le rapport que nous avons remis en juillet avec Marie-Hélène Bacqué, la création de « tables de concertation » locales et d’une « plateforme » nationale, permanentes, où seraient présentes les associations, collectifs et citoyens puissent contribuer à la vie de la cité. Cela pourrait permettre de rendre des rapports, d’expérimenter des dispositifs, les évaluer, mais cette fois en concertation avec les habitants… On en a encore parlé à l’Elysée vendredi 20 septembre dernier, et avec François Lamy, le ministre de la Ville. Les associations sont très demandeuses. Ce gouvernement a intérêt à les reconnaître. Ces tables et plateforme pourraient être financées par l’Acsé, mais aussi par un prélèvement de 10% sur les réserves parlementaires et de 1% sur les aides aux partis politiques.

P&C : Ce message est-il vraiment entendu en haut lieu ?

M.M. : Oui, mais on en reste aux annonces. Depuis un an et demi, tout ce qui concernait les quartiers et qui avait été promis pendant la campagne a été mis de côté : le droit de vote des étrangers aux élections locales, le récépissé contre les contrôles au faciès, et même les nominations de gens issus des quartiers à des postes, on n’a rien vu de tout ça. Il y aura des dommages collatéraux aux municipales si rien n’est fait pour soutenir les acteurs des quartiers qui sont disposés à travailler avec le gouvernement. Mais pour l’instant, on a l’impression qu’il joue la montre. Or, il ne peut pas rater ce rendez-vous qu’on lui donne, sinon, beaucoup de gens, les entrepreneurs des quartiers et beaucoup d’autres avec eux, se tourneront notamment vers Jean-Louis Borloo et l’UDI. Les quartiers ne seront pas un nouveau réservoir de coupables pour les politiques.

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