
Qui veut la peau des assos ? Episode 1 : Toulouse, le Couac

Depuis 2001, un collectif d’acteurs culturels, le Couac, fédère une trentaine de structures et artistes engagés, notamment dans les quartiers populaires de la région toulousaine. L’arrivée de la gauche à la tête de la municipalité en 2008, puis à la tête du pays, en 2012, avait créé des espoirs. En 2013, le bilan paraît plus que mitigé, à en croire Mélanie Labesse, coordinatrice de la structure…
P&C : Votre activité sur les quartiers est importante depuis 2010. Comment cet engagement est-il accueilli, alors que vous êtes plutôt dans la culture, initialement ?
ML : On s’est progressivement aperçu qu’il fallait passer par les questions sociales pour parler de culture, souvent. Mais dès qu’on va sur la question sociale, les soutiens disparaissent. On était déjà un peu tricards sur les questions culturelles, alors quand on pose des questions polémiques… ! Le problème avec la gauche, c’est que c’est la même façon de faire qu’avec la droite : il n’y a pas de confiance envers les associations. Mais la gauche a du mal à reconnaître qu’elle n’est pas sur en phase avec la demande sociale des quartiers, et qu’elle doit s’appuyer sur des interlocuteurs locaux. La mairie commence à prendre la mesure de ce problème. La culture pose les problèmes en terme d’image. Mais quand on parle des quartiers, là on rentre dans le dur !
P&C : Les relations avec les décideurs ont-elles changé, avec la gauche ?
ML : Pas vraiment : au lieu d’être un partenaire, on te demande toujours d’être un prestataire opérationnel : « Combien de personnes touchées, quel résultat en terme d’insertion, etc… » Ca favorise les grosses structures. Mais quelle vision politique sur les quartiers est défendue par cette gauche-là ?
P&C : Et financièrement ?
ML : La DRJSCS [Direction régionale jeunesse, sports et cohésion sociale, organisme par lequel passent bon nombre de financements locaux dans le domaine social, ndlr] a baissé de 50%, puis de 20% (entre 2011 et 2013), et on resserre le programme local « lutte contre les discriminations » au profit de l’insertion par l’emploi. La Drac, elle, a créé un poste « culture, prisons, handicap et politique de la ville ». Mais cette nouvelle ligne est un peu fragile. On a subi aussi une petite baisse (-20% environ). Pourtant, l’objectif est bien de se faire financer par le « droit commun », quand on travaille sur la culture. Qui plus est, il y a une division entre les interlocuteurs locaux, sans unité d’action. Pourtant, ici, tout le monde est PS, mais personne n’est en ordre de marche de manière un tant soit peu synchronisée : il y a les financements de la région, la politique de la ville, la mairie, etc. Chacun se renvoie la balle. On aurait surtout besoin d’un changement de mentalité et de fonctionnement des administrations et des politiques. Mais c’est vrai : il y a eu 38 ans de droite, les administrations ne peuvent pas changer du jour au lendemain… ça créé une inertie. Il y avait pourtant un gros espoir en 2008, puis en 2012. Des jeunes en casquette avec des panneaux Hollande dansaient devant place du Capitole…
P&C : Sur quels types de projets cela se voit-il ?
ML : A Empalot, par exemple, il n’y a toujours pas de troquet ; une MJC largement financée, est fâchée avec les trois quarts de la planète… alors des trentenaires répondent à un appel à projet de la Préfecture. Ouvrent un lieu et obtiennent un peu d’argent pour acheter une Play Station, un écran, une connexion Internet ; ils ouvrent 2-3 soirs par semaine, expérimentalement. Ils sont bénévoles. Ca marche, il y a un besoin, ça calme les esprits, les jeunes se prennent en charge. Au bout de six mois, c’est la fin de l’appel à projet. Ils ferment. Maintenant, l’été, il n’y a plus rien ! Mais même Quartier31, à Bellefontaine, ou des Cemea ferment ; et pourtant ce sont de grosses structures. Les problèmes administratifs sont de vraies questions pour les petites associations. On fait la chasse à certains, comme à Tabar, qui a failli être viré de son local pour des questions de normes, d’horaires etc. De même, à la Reynerie, où des chibanis avec trois canapés et deux théières se voient demander de fonctionner comme une régie de quartier…
P&C : Vous disiez en début d’année que la question de la survie du Couac était engagée… qu’en est-il aujourd’hui ? Quelles sont les solutions ?
ML : L’Acsé [Agence pour la cohésion sociale et légalité des chances, principal bailleur des associations de banlieue, ndlr] est motivée vis-à-vis de nous, mais eux-mêmes ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés. Pour ce qui est de l’autofinancement, on tente de répondre à des appels à projets, y compris ceux sur lesquels on est en plein sur notre sujet, comme celui sur « Les discriminations dans la culture », mais ce sont des universitaires qui ont été choisis... De même que sur la maison de l’Image de la Reynnerie, ça s’est passé de manière un peu trouble. Et la fondation de France, on ne rentre pas dans leurs cases… Il y a une baisse globale depuis longtemps, même si la gauche a quand même plus aidé les associations en arrivant à la mairie. Mais on a des problèmes depuis deux ans. On dit que ça peut être la fin ; on n’a pas senti que ça suscitait un intérêt particulier. Baisser des financements de 10% pour tout le monde, c’est pas pareil pour les petites structures que pour les grandes. Egalité ne vaut pas équité.