Qui sont les vrais pigeons ? Les banlieues !

Le 09-11-2012
Par Erwan Ruty

Parfois, l’actualité des banlieues, comparée à celle de la France en général, nous fait hésiter entre le rire et les pleurs. La France à deux vitesses existe bien : cette semaine nous l’a encore amplement prouvé.

Ainsi, une récente mobilisation de petits entrepreneurs du numérique, en partie expatriés aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Israël, et dont on a cru comprendre qu’elle ne criait pas famine, a su faire plier le gouvernement pour mieux défendre de veules intérêts, en quelques jours. Et le tout à partir de spéculations largement infondées sur un projet de loi tentant de rétablir un peu de justice fiscale dans ce pays. Cela n’est qu’une nouvelle et pathétique capitulation de la gauche, comme celle déjà concédée il y a quelques semaines exonérant les sportifs et les artistes de la taxation sur les 75%, eux qui naviguent déjà parfois dans les eaux troubles de la mondialisation financière. Capitulations qui elles-mêmes ont été immédiatement suivies de la reddition pure et simple devant un certain milieu des vendeurs d’art spéculatif, alors que les montants de l’imposition qui les aurait touché auraient été ridicules… Et à chaque fois, au nom de la concurrence internationale.

Concurrence internationale qui protège les riches, puisqu’il faut sans arrêt rehausser leurs émoluments sur ceux des élites mondialisées, surtout quand elles ne sont soumises à aucun plafond et à aucun impôt, surtout si elles peuvent se planquer dans les paradis fiscaux.

Et concurrence internationale qui accable les pauvres, quand ceux-ci doivent, eux, étalonner leurs salaires sur ceux des travailleurs les plus pauvres des pays pauvres, s’ils veulent garder leurs emploi.

De toute évidence, les lobbies qui représentent à chaque fois des poignées d’individus riches et puissants, qui se croient au-dessus de la solidarité nationale, ont l’oreille des décideurs actuels. Avec les banlieues, le parallèle est accablant. Car le 17 octobre, deux événements contradictoires se produisaient : le jour même où le Président de la République « reconnaissait » d’un lointain et laconique communiqué, la « tragédie » du 17 octobre 1961 et « rendait hommage aux victimes », dont sans doute quelques centaines de manifestants algériens jetés à la Seine par les forces de l’ordre, Manuel Valls, lui, jetait à la Seine la proposition numéro 30 de la campagne de François Hollande concernant la remise en cause du contrôle au faciès. On ne saurait envoyer de signaux plus contradictoires à ceux qui sont concernés : les français de couleur ou d’origine immigrée. Soit pas moins de 10 millions de personnes…

Combien de divisions pour les pauvres ? Quels lobbies pour défendre les Roms ? Pour défendre les paysans de Notre-Dame des Landes qui s’opposent à un projet pharaonique et économiquement imbécile qui les spolie ? Combien de lobbies pour protéger ou soutenir la reconversion des ouvriers d’Aulnay, d’Arcelor, de Petroplus ? Combien de défenseurs des droits des habitants des quartiers, noirs ou maghrébins, qui se font incessamment contrôler ? De quelles armes légales dispose ce peuple qu’on méprise et qu’on rejette ? D’aucune que puisse visiblement entendre les décideurs politiques d’aujourd’hui. Et demain ? La violence sera-t-elle la seule technique pour se faire entendre ?

Car nous devons rappeler, comme dans presque chaque éditorial, que les émeutes de 2005 étaient un cri de révolte poussé par des gens qui ne parviennent pas à se faire entendre. Et que la situation de certaines cités, de Marseille à Amiens, relève de la même logique de décomposition qui ronge la République à ses marges, pendant que le centre qui se gave et a depuis longtemps répondu positivement à l’appel « Barrez-vous ! », poursuit sa route égoïste et aveugle, sans percevoir que cet égoïsme libéral va tous nous plonger dans le chaos. 

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