Quand les aînées prennent le relais

Le 08-04-2013
Par Natacha Maltaverne

Familles nombreuses, déficit de structures de garde, des parents qui travaillent tard… les aînés peuvent être amenés à prendre en charge leurs cadets. Cette solidarité familiale est une pratique culturelle répandue en Guyane. Une responsabilité plus ou moins bien vécue selon les contextes familiaux.

la famille occupe 80% de ma vie
Amandine a 25 ans. Elle est enseignante  dans un collège de Saint-Laurent du Maroni, à plus de 200 kilomètres de son quartier d'enfance, Cogneau-Lamirande à Matoury. Un quartier cosmopolite et défavorisé qui s'est construit dans l'illégalité. Des villas côtoient des bidonvilles. La municipalité tente de l'aménager depuis plusieurs années. Pour Amandine, « la famille occupe 80% de ma vie ». L'année prochaine, elle espère enseigner dans un établissement de l'île de Cayenne pour se rapprocher des siens et relancer son association de quartier, Kognotopia. « Je l'ai créée à cause de mon petit frère. Il subit les mauvaises influences du quartier, et il a eu des problèmes avec la justice. Il faut que les jeunes puissent s'investir dans des activités ». 
 

Deux familles à charge

Vivant avec sa mère divorcée, très tôt Amandine a du prendre en charge son petit frère durant les week-end et les vacances scolaires, car sa mère travaillait. « Ma sœur aînée était plus détachée et elle a quitté la maison à 14 ans car elle a eu un enfant ». Deux autres naissances ont suivi, et la sœur aînée a regagné le domicile familial avec ses trois enfants. Amandine a aussi veillé sur eux pendant que sa sœur travaillait. « C'est normal d'aider sa famille. Je leur inventais des activités ». La jeune fille concède tout de même que cela n'a pas toujours été facile. « Mon frère avait mauvais caractère, et parfois, le soir, les enfants ne voulaient pas s'endormir », se souvient-elle. Si Amandine estime avoir eu peut-être moins de temps pour elle, pour autant, sa scolarité n'a pas eu à  pâtir de cette situation. « Très tôt j'ai eu des facilités à l'école. Ma mère a bien compris que pour moi c'était sacré et que je devais assurer les cours ». 
 
C'est moi la maman ! Je me consacre entièrement à eux et je n'ai pas l'impression qu'ils se rendent compte de tous les sacrifices que cela représente pour moi

« Je n'avance plus »

L'une de ses amies, Naudine, résidant également le quartier de Cogneau-Lamirande,  ne peut pas en dire autant.  Âgée de 18 ans, elle est l'aînée d'une fratrie de sept enfants âgés de 16, 15, 12, 10, 3 ans et 8 mois. Naudine qui est en terminale, ne va presque plus au lycée. Dès l'âge de 12 ans, elle épaule sa mère qui, depuis deux mois, est aux Etats-Unis pour des soins. La charge de travail à la maison s'est amplifiée. « Quand je suis en cours, mon esprit est ailleurs. Je pense à mes frères et sœurs. J'ai peur qu'ils sèchent les cours ». Naudine et son père assurent chacun leur tour la garde de la petite dernière, « c'est du 50-50 ! », lâche-t-elle. Elle assure la préparation des repas la veille, afin que tout le monde ait de quoi déjeuner en rentrant à midi. « C'est moi la maman ! Je me consacre entièrement à eux et je n'ai pas l'impression qu'ils se rendent compte de tous les sacrifices que cela représente pour moi. Je n'avance plus », avoue l'adolescente qui souhaiterait poursuivre normalement sa scolarité. Une situation dont elle n'a pas encore fait part à ses professeurs.
 
 
 
 

Participez à la réunion de rédaction ! Abonnez-vous pour recevoir nos éditions, participer aux choix des prochains dossiers, commenter, partager,...