Quand des collégiens des Tarterêts débattent d'égalité homme-femme

Le 25-03-2013
Par Charly Célinain

La semaine dernière, l'association Marianne films proposait une projection-débat autour du film Ce n'est pas un film de cow-boy. Des collégiens de Corbeil-essonne étaient invités à voir le film, et surtout, à discuter ensuite de l'égalité homme-femme et d'homosexualité. Des sujets sensibles qui ont suscité des réactions intéressantes...

 
Partir dans le deep south (sud profond) de la région parisienne pour aller voir un film sur le far-west ? Pas exactement ! Direction Corbeil-essonne pour assister à la projection de Ce n'est pas un film de cow-boy. Ce court-métrage de Benjamin Parent met en scène des collégiens discutant d'homosexualité au lendemain de la diffusion du film Brokeback Mountain, pas tout à fait un film de cow-boy. Pourtant en arrivant à la gare de Corbeil, nous avons une charmante vue sur un cimetière, mais ce n'est pas celui de Sad hill [Le bon, la brute et le truand]. Dans les rues pas un chat, ni même un cheval ou de la broussaille roulant sur le bitume. Arrivée à la MJC Fernand Léger, changement d'ambiance. Après la projection du court-métrage, certains élèves de troisième d'un lycée des tarterets ont du mal à tenir en place, d'autres « animent » le débat...
 
« Que font les garçons pendant que les femmes s'occupent du linge ? » « Ils jouent à la "Play" »

Parité et place des femmes

« Combien de temps les femmes passent chaque jour à s'occuper du linge à la maison ? » demande l'animatrice du débat. La réponse fuse du fond de la salle « 24h ! » C'est avec beaucoup de calme et de patience que, Nina Schmidt, responsable de l'antenne Ile-de-France et responsable du projet jeunes à l'Observatoire des inégalités, discute et apporte des éléments de réflexion sur les inégalités homme-femme. « Que font les garçons pendant que les femmes s'occupent du linge ? » « Ils jouent à la "Play" [console de jeux Playstation, ndlr] ». Les conditions ne sont pas simples : « Il faut braver ces obstacles de chahut et de stéréotypes, de public un peu mouvementé et agité, parce qu'il faut les informer sur ces questions là et que c'est eux qui font les choix plus tard » confie Nina Schmidt.
 
Tous des voleurs !

« Hey, Manuel Valls ! »

« Teacher please ! J'peux aller aux toilettes ? » après deux heures de discussions et de quizz, les jeunes ont du mal à rester en place d'où un important va et vient entre la salle et les toilettes, plus pour se dégourdir les jambes qu'autre chose. Par ci une boulette de papier qui s'envole pour s'écraser sur la figure d'un collégien, par là des filles se prennent en photo avec un iPhone serti de simili-diamants. Nina Schmidt tente une autre approche en affichant sur le grand écran une photo de l'actuel gouvernement sur le perron de l'Elysée. « Hey, Manuel Valls ! » s'écrie spontanément un des élèves en apercevant l'ancien maire d'Evry. « Est-ce que vous connaissez le Président de la République ? » « C'est François Hollande !! » répondent la plupart. « Et lui ? Est-ce que vous le connaissez ? » personne n'a la réponse. Vraisemblablement Jean-Marc Ayrault n'a pas beaucoup de succès dans le 91. Un rare moment de calme très vite interrompu par un anonyme « tous des voleurs ! ». Néanmoins, Nina Schmidt a eu le temps de glisser que le gouvernement Hollande était le premier gouvernement paritaire : « J'ai eu l'impression que ça les faisait réagir quand même; qu'ils n'étaient pas tous toujours attentifs, mais que certains étaient attentifs sur certains points, qu'ils réagissaient » veut positiver l'intervenante.
 
On peut aussi être égaux dans la nullité

Des stéréotypes PErsistants

Après avoir montré quelques chiffres sur le pourcentage de femmes chefs d'entreprise, Nina Schmidt explique « Il faut que les femmes aient l'opportunité de diriger une entreprise. La question des compétences n'entre pas en ligne de compte. On peut aussi être égaux dans la nullité ». Elle poursuit : « Si les femmes n'ont pas le même quotidien que les hommes c'est une question d'éducation, de société ! » La responsable du projet jeunes à l'Observatoire des inégalités revient à la base de l'éducation : « Qu'est-ce que vous pensez d'un garçon qui joue à la poupée ? » « C'est un homo ! » « Un obsédé sexuel ! » Les blagues passées, le dialogue avance : « Pourquoi un homme ne pourrait pas être puériculteur ? » une jeune fille prend le micro et répond : « Après les parents vont croire que le monsieur va faire des choses « chelous » avec les enfants » un cri s'élève « pédophile ! » A la fin de ce marathon de trois heures, Nina Schmidt est contente du travail effectué « Ils ne m'ont pas découragée parce que le travail est là, dans ces territoires là, auprès de ces publics-là ».
 
Faire venir des jeunes des Tarterêts en centre-ville, les faire bouger des quartiers

Double challenge

Pour Audrey Leon, cinéaste pour l'association Marianne films, une association de Corbeil qui travaille sur l'éducation à l'image et la citoyenneté, l'expérience est positive : « C'est une première. Il y avait plusieurs challenge (…) : faire venir des jeunes des Tarterêts en centre-ville, les faire bouger des quartiers et de mobiliser les enseignants. Deuxième défi : les faire parler d'égalité fille-garçon et d'homosexualité. L'idée c'est de faire des formes un peu interactives où ils puissent s'exprimer (...) Pour essayer de déconstruire autour du débat ». Deux challenges, à peu près réussis : « Je suis toujours positive. J'espère qu'il y a des idées qui vont susciter des questionnements personnels. Je trouve ça dommage de ne pas avoir eu plus de réactions. C'est vrai qu'à cet age-là c'est difficile de parler en public, et de dire des choses qui ne vont pas dans le sens de ce que tout le monde pense ». La cinéaste pense déjà à l'avenir : « Pour que ça ait plus d'impact, il faudrait vraiment s'associer avec le monde éducatif, je pense que c'est là-dessus qu'il faut travailler, je pense que c'est ça l'enjeu. De motiver les profs à travailler là-dessus et de mener des actions de sensibilisation, au sein des collèges, avec les classes ».
 
C'est avec impatience que les élèves attendaient le moment où ils pourraient enfin rentrer chez eux. Mais avant de les laisser partir, Nina Schmidt leur donne une dernière phrase à méditer : « Vous avez le futur dans vos mains, vous pouvez changer tout ça. Vous devenez ce que vous voulez devenir ».

 

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