
Précarité à la chaîne pour les anciens employés de PSA Aulnay

Le 25 octobre 2013, l’usine PSA Aulnay produisait sa dernière voiture et annonçait une fermeture définitive en 2014. Malgré les promesses de renégociation du plan social faites par François Hollande, rien n’a changé. Reclassement interne, reconversion, ou chômage où en sont un an après, les anciens salariés de l’usine ?
« C'était le 12 juillet juste avant de partir en vacances ! » Le jour où on lui a annoncé la fermeture de l’usine PSA Aulnay où elle travaillait depuis 10 ans. Ghislaine Tormos s’en souvient comme si c’était hier. Traits marqués, cheveux grisonnants, cette mère de famille de 52 ans est entrée à PSA Aulnay en 2002 pour « donner à manger aux robots ». Membre du syndicat indépendant de l’automobile (SIA) à l’époque, elle a participé aux manifestations pour obtenir la renégociation du plan social. « On voulait un médiateur politique, explique-t-elle, son café dans une main et sa cigarette dans l’autre. On a essayé d’attraper Montebourg à la sortie du ministère. Il a dit qu’il nous avait entendu mais il n’a rien fait derrière.»
Forcée de choisir parmi les propositions de la direction, « Gigi » comme l’appelaient ses collègues, a choisi d’être reclassée à l’usine PSA Poissy. « Moi j’ai eu une solution mais les gars, eux, sont encore là-bas » , explique-t-elle, les yeux baissés vers sa tasse.
« On tient les murs »
Cet endroit qu’elle ne qualifie plus, c’est l’usine PSA d'Aulnay où 210 personnes doivent toujours se rendre régulièrement. Visages fermés, regards tristes, tous passent le portail, leur dossier à la main dans un silence de plomb. « Ils bénéficient d’un congé reclassement. Pendant un an, ils touchent 75% de leur salaire et doivent venir ici comme à Pôle emploi, pour voir ce qu’on leur propose », explique Gaëtan Minardi, délégué du SIA à PSA Aulnay.
Encore sous contrat pendant un an, il travaille toujours dans l’usine qui ne tourne plus depuis le 25 octobre 2013. « On tient les murs, explique-t-il, une pointe d’ironie dans la voix. Je m’occupe de voir si la situation des autres a avancé. On doit se battre pour tout. Personne ne vient voir ce qu’on devient », ajoute-t-il. Lorsque ses collègues ressortent, tous ont le même discours. « Je n’ai aucune piste. J’ai tout donné à cette entreprise, je n’ai jamais été en retard et ils m’ont détruit », explique l’un d’eux, les larmes aux yeux.
Pour Franck, un autre délégué syndical, âgé de 40 ans, cette situation est une punition pour avoir contesté le plan social. « Ils nous payent tous un an à rien faire, c’est donc qu’ils ont l’argent ! Ils pourraient nous reclasser » . Mais pour la direction de l’usine, la page est définitivement tournée. « PSA a énormément communiqué sur l'affaire et aujourd’hui, au vu de nos effectifs, nous n’avons pas la capacité de communiquer sur le redressement du Groupe », a répondu leur service de communication.
Obligés de se battre pour obtenir leurs indemnités
Toute la journée, les anciens employés commentent les travaux de la société ID Logistics, censée prendre la place de leur ancien lieu de travail. Selon Gaëtan Minardi, « cette entreprise avait annoncé 200 emplois pour les salariés de PSA Aulnay. Au final, ils ont été très sélectifs et n’ont pris que neuf personnes. » Sur la liste des propositions faites par la direction, il y avait également des postes à la RATP et la SNCF. Mais que faire quand aucune de ces possibilités ne convenait ? « Si on justifiait d’une promesse d’embauche, on pouvait prendre son chèque et partir », explique Gaëtan Minardi.
Pour Brahim Ben Addi, ancien moniteur de chaîne de montage à PSA Aulnay, pas besoin d’une promesse d’embauche. « Moi j’ai juste montré le bail de ma boulangerie. Ils acceptaient n’importe quel papier pour nous faire partir », explique-t-il. A Bondy (93), loin du bruit de l’usine, entre deux croissants sortis du four, il explique comment il a décidé de tenter sa chance et devenir boulanger. « Le Pôle emploi ne m’a rien proposé. On travaille pendant 14 ans, on cotise et ils nous aident même pas », s’exclame-t-il, désabusé. Il est donc parti avec son chèque de 60 000 euros. Selon lui, il n’aurait jamais perçu le quart de cette somme sans les manifestations « pour faire bouger » le gouvernement.
« La famille Peugeot a un poids considérable sur le gouvernement.»
Pour Gaëtan Minardi, présent à toutes les réunions municipales, « l’ancien maire d’Aulnay-sous-bois, Gérard Segura, était le premier au courant et n’a rien fait non plus ». Pourtant la ville possédait déjà un taux de chômage élevé. « Avec le temps, on comprend pourquoi on a fermé. Le terrain est très bien situé pour y construire les futurs transports du projet du Grand Paris. Il voulait le vendre le terrain », suppose Ghislaine Tormos.
« PSA a gagné, l’entreprise va fermer. Et ceux qui restent sans solution et qui se sont battus n’ont plus rien et sont pris pour des râleurs », se désole Gaëtan Minardi. Pour Ghislaine Tormos c’est clair : « La famille Peugeot a un poids considérable sur le gouvernement.» C’est d’ailleurs ce qu’elle dénonce dans son livre « Le salaire d’une vie ». Une attitude militante et combative que lui reproche aujourd’hui la direction de l’usine PSA Poissy : « Aujourd’hui à Poissy on nous fait passer pour les racailles du 93 qui viennent retourner l’usine et la faire fermer. Ils cherchent à nous sanctionner pour tout et rien, c’est la chasse aux sorcières », raconte-t-elle malgré tout en souriant. Tenace, elle entend bien mettre en garde ses nouveaux collègues des droits qui leurs reviennent et des mensonges de la direction.
Moins de production, réductions d’effectifs… Selon elle, l’usine de Poissy est en train de prendre le même chemin et pourrait dans les années à suivre vivre le même cauchemar. « J’ai tellement donné... je ne sais pas si je pourrais encore me battre. Mais une chose est sûre, ils n’ont pas fini d’entendre parler de nous. »