Passer par Bruxelles pour mieux défendre les ZUS en France ?

Une cité à Bruxelles ? Non, le bâtiment de la Commission européenne
Le 23-05-2014
Par Farid Mebarki

L’élection du Parlement européen pourrait confirmer la tendance droitière qui avait triomphé lors des municipales. Les candidats vont-ils répondre à la question qui s’est désormais imposée à tous les peuples européens : qui sommes-nous ? Des nations ? Une civilisation ? Un destin commun ? Si beaucoup de partis tambourinent le retour aux identités, vue des ZUS l’Europe pourrait devenir une agora.

 

L’Europe ne brille pas par la connaissance que peuvent en avoir les électeurs. On la présente souvent de manière caricaturale avec ses normes loufoques sur le commerce ou l’agriculture. Mais également par ses orientations tantôt menaçantes, tantôt contradictoires ; ainsi son tropisme pour un ultralibéralisme débridé casseur de services et d’entreprises publics ou son hypocrisie à se revendiquer facteur de paix alors qu’aujourd’hui elle laisse le chef du Kremlin démonter l’Ukraine et qu’hier elle laissait des milices serbes massacrer les musulmans de Bosnie. Vue des quartiers populaires, l’Europe peine tout autant à créer de l’adhésion sinon de l’enthousiasme. Elle apparaît sur les affiches des programmes de rénovation urbaine, derrière des sigles comme le FSE, ou en embuscade sous des expressions comme « mesure 4.2.1 microprojets », « programme Equal » ou encore, pour les plus hardis des jeunes zusards, « SVE ».

 

L’Europe, inachevée…


Le débat public qui brille par ses raccourcis dévastateurs, mêle aux invasions de Roms et de migrants rescapés de Lampedusa, celle des poulets javellisés catapultés depuis le pays de l’Oncle Sam. Comment mobiliser les citoyens autrement que par des punch-lines qui cadenassent la capacité de penser ? La tâche semble difficile dans un contexte où l’abstention record fournit des bataillons de maires mal élus, où l’Union européenne est bruyamment remise en cause par un nombre croissant de partis politiques, et peu convaincante lorsqu’elle est défendue à coups d’arguments techniques sinon moraux par ses partisans. L’Europe, aurait dit un député européen, est « comme un bateau qui aurait pris la mer sans avoir pris le temps d’être achevé ». Inévitablement elle est imparfaite, encore l’objet de débat sur ses fondements et encore insuffisamment capable d’être une réponse aux difficultés sociales du vieux continent ou d’organiser la solidarité des peuples avec d’autres prismes et d’autres outils que les échanges commerciaux ou la monnaie unique. Mais il n’est pas dit qu’elle n’y parvienne pas un jour…



…L’Europe, une tribune pour enjamber les frilosités françaises autour des banlieues


Et c’est peut-être dans cet inachevé que réside une perspective pour cette périphérie de la démocratie que sont les banlieues de France ou d’ailleurs. Devant les blocages sinon le rejet systématique des revendications qui émanent depuis la banlieue et qui même sous la gauche ne sont pas prises au sérieux, il est urgent de considérer le Parlement européen comme une tribune à même d’enjamber l’absence de représentation des minorités dans les exécutifs, la morgue des hauts fonctionnaires, la frilosité et la suspicion mêlées qui sont autant d’obstacles nationaux à l’entrée en politique des habitants des banlieues. Obstacles décuplés à mesure que les peuples européens verrouillent leur avenir par leur recherche vaine et dangereuse d’une identité pure et dure. L’élite associative que produit la banlieue, ne saurait éternellement avancer avec comme levier la seule loi de 1901 qui parfois, reconnaissons-le, agit comme une assignation à résidence. L’incapacité des partis à proposer un horizon autre que ce plafond de verre qui filtre les candidats éligibles et garantit une diversité domestiquée à dose homéopathique, ne saurait satisfaire les combats pour la dignité engagés depuis trop longtemps en banlieue.



L’Europe, un outil pour refuser une quête de l’identité perdue


De même, les acteurs issus des quartiers doivent distinguer dans le maelstrom furieux du débat public ce que l’Union européenne est à même de porter : un refus de la quête des origines et de l’identité continentale, des prises de position fermes et définitives contre certains Etats, dont la France, lorsqu’ils font des Rroms un punching-ball, une approche extensive de la citoyenneté ou des libertés qui a valu encore une fois à la France de réformer la garde à vue… Il y a ici des combats à élargir qui ne peuvent que s’accorder avec ceux issus des banlieues. Il y a même l’opportunité dans ce scrutin européen souvent considéré comme secondaire, pour des députés formés dans les quartiers populaires de Clichy-sous-Bois, Lyon, Zurich ou Rome, d’intégrer le Parlement pour donner de l’amplitude et un écho inattendu à des problématiques qu’on refuse de voir au niveau national. De quoi faire bouger les lignes et mettre un sérieux coup de pression sur les politiques nationales.

 

 

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