Logement social : cent ans de combat, et encore du travail

Le 04-11-2011
Par xadmin

Depuis la création des Habitations à Bon Marché à la fin du XIXème siècle, le combat pour le logement social n’aura jamais été une promenade de santé. Toujours à lutter contre les vents dominants du marché, toujours à tenter de répondre à la pauvreté, à l’insalubrité, à l’exploitation. En février 2012, Plaine Commune Habitat fêtera les cent ans de la loi Bonnevay, date phare du logement social, qui marque l’implication des pouvoirs publics dans ce combat.

En résonance avec l’actualité
Aujourd’hui, plus de 685 000 personnes n’ont pas de logement en France, et 1,2 millions sont en attente d’un logement social, selon la Fondation Abbé Pierre. 22% des habitants de Seine-Saint-Denis seraient mal logés. En 2012 comme cent ans plus tôt, toutes proportions gardées, le logement est un problème pour les français. Et un révélateur d’une situation globale. « A la fin des années 1870, il y a eu une récession. C’est de là que le mouvement pour le logement social est né, avec la loi Siegfried, en 1894 », relate Danièle Voldman, historienne et membre du comité scientifique de l’exposition « 1912-2012, cent ans de logement social », qui ouvrira ses portes à Saint-Denis en février 2012. Une loi Siegfried qui confie à la Caisse des dépôts le financement du logement social. Le président de Plaine Commune Habitat (PCH), qui a lancé ce projet de commémoration, et d’alerte pour une prise de conscience, confirme : « Quand on a eu l’idée de faire ce centenaire, on n’avait pas conscience à quel point ce serait en résonance avec l’actualité. On se retrouve, notamment en Île-de-France, dans des situations de pénurie de logement comparables à ce qu’on a connu dans les années 50 ». Crise des subprimes et explosion de la bulle immobilière espagnole sont en effet là pour rappeler qu’en matière de logement (comme ailleurs), là où passe la concurrence libre et non faussée, le citoyen trépasse. Avec un regard scientifique, une exposition, un colloque, un programme de films (dans les cinémas d’art et d’essai de l'agglomération Plaine Commune), des promenades urbaines et un web-documentaire (produit par Ressources Urbaines) appuieront le propos de PCH (le tout sous la direction de l’agence Acte-là*).

Un combat global
« Comme pour la Sécurité sociale, les interventions publiques ont créé une situation singulière dans le logement, rappelle Stéphane Peu. C’est le fruit de la vigueur des luttes sociales au 20ème siècle, mais aussi d’un consensus autour d’une République sociale. Quand on réfléchit à cette histoire, ça éclaire la période que nous vivons, dominée par les visions court-termistes de la finance. Dans le logement, financièrement très conséquent, on ne construit rien de manière spéculative. » Mais un travail d’exhumation du passé comme celui qui est en cours permet aussi de comprendre un fait essentiel, selon Danièle Voldman : « Il ne faut pas prendre le logement seul, mais en même temps que la situation du travail à la même époque. Le logement social pour tous n’a jamais été une revendication, mais seulement pour ceux qui pouvaient payer ! Les pauvres n’entraient pas dans le logement social ! » Les HBM ont ainsi toujours été pensés pour une certaine élite ouvrière, plutôt française. D’où la persistance de taudis pour les travailleurs pauvres, souvent immigrés, jusque dans les années 70 (même si seuls 10% de ceux-ci « seulement » habitaient des bidonvilles). Mais le développement des grands ensembles dans les années 50 jusqu’en 1973 (loi Guichard) a correspondu à une période de plein-emploi. « Avant, la puissance publique aidait à la construction. Ensuite, après 77, on s’est mis à aider les gens, avec les APL », dans l’utopie toute giscardienne, libérale, du « tous propriétaires ».

Et d’ajouter, pour contribuer à expliquer la période contemporaine : « Le regard que l’on porte sur le logement social a changé en raison du changement des populations : quand il y a eu la crise, les plus riches sont partis et ont été remplacés par les moins solvables. L’entretien ne peut plus se faire ». Une spirale qui ne date pas d’hier, donc…
Erwan Ruty

*http://www.toitetmoi.org/
 

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