L’Europe et les banlieues ? Le point de vue de Mohamed Mechmache

Le local d'Ac Lefeu à Clichy-sous-bois
Le 20-05-2014
Par Erwan Ruty

Mais où est l’Europe dans les banlieues ? Alors qu’il ne semble pas y avoir de frottement entre ces deux univers, bref coup d’œil sur quelques expériences passerelles. Avec, en premier épisode, l’engagement européen de l’un des porte-voix des quartiers depuis 2005 : Mohamed Mechmache, candidat sur les listes EELV en Île-de-France pour les élections au Parlement européen.

 

Qui n’a pas vu un jour au JT ce petit pavillon de Clichy-sous-bois avec sa banderole : « Ministère de la crise des banlieues », celui où l’association Ac - Lefeu a son quartier général ? Mais qui sait que la rénovation de ce local, qui appartient à la commune, a été financé par l’Europe ? Un exemple emblématique qui a sûrement convaincu son locataire, Mohamed Mechmache, qui est devenu une sorte d’incarnation de ces quartiers, de l’importance de l’Union européenne. Et qui a dû le motiver à être présent sur les listes (EE-LV) aux élections européennes du 25 mai prochain. Mais ce dernier n’est pas parti la fleur au fusil en chantant « vive l’Europe » dans toutes les cités de France. Il est réaliste. Il sait qu’il « faut se battre pour simplifier tout ça ». Et c’est d’ailleurs le boulot qu’il s’assigne : rendre l’Europe accessible aux citoyens. Entretien.



P&C : Comment vous êtes-vous intéressé à l’Europe ?
MM : Des villes sont financées par l’Europe,, notre local a été rénové par le Feder (Fonds européen de développement régional), des associations sont financées par le Fse (Fonds social européen), mais seules les grosses structures peuvent y prétendre, comme les centre sociaux : monter des dossiers, avoir de la trésorerie, c’est beaucoup de travail… Du coup, ce sont avant tout des municipalités qui en bénéficient.



P&C : Dans quels domaines l’Europe peut-elle jouer un rôle ?
MM : Elle joue sur le quotidien des quartiers, mais tout le monde ne le sait pas. Les dons sur les associations de solidarité comme les soupes populaires, c’est scandaleux ! Notre local est juste à côté de la soupe populaire, et leurs responsables nous expliquaient que des milliers de familles risquaient de se retrouver encore plus sur le carreau. Sur les normes de santé, sur la justice sociale, sur les pratiques policières, avec la Cour européenne des droits de l’homme, l’Europe peut avoir un rôle de contrôle à jouer.



P&C : Que peut concrètement faire l’Europe ?
MM : L’Europe, c’est là que tout se décide. Elle peut nous étrangler ou au contraire nous aider. Les jeunes des quartiers ne connaissent pas les dispositifs qui existent pour voyager, pour aller en formation, alors qu’ils en ont encore plus besoin. Des structures comme Léo Lagrange, qui sont elles-mêmes éloignées du terrain parfois, ont des moyens, mais pas les contacts locaux ; elles nous ont demandé [à AC Lefeu, ndlr] de leur proposer des jeunes pour partir en Angleterre en stage, avec des responsabilités sur des événements ; ils ont eu cette chance, ils en sont revenus grandis, avec de nouvelles expériences, et ont pu plus facilement trouver du travail.



P&C : Quels sont vos objectifs, avec ces élections ?
MM : Je veux être porte-voix pour une Europe plus juste, plus sociale, plus solidaire ; rendre les dispositifs plus accessibles, faire en sorte qu’ils ne profitent pas qu’aux plus riches.



P&C : Le contexte risque d’être tendu, au niveau européen, par l’arrivée de nombreux eurodéputés d’extrême-droite. Comment faire face à ce risque ?
MM : Il est possible que l’extrême-droite arrive à avoir un poids plus important en France grâce à son poids aux élections européennes. La situation deviendrait encore plus difficile dans les quartiers, où c’est déjà dur en matière de santé, de malbouffe par exemple… Il n’y a pas de raison qu’on soit traité différemment, il n’y a pas de raison que le bio ne soit pas accessible dans les quartiers. L’alimentation, c’est prioritaire, pour la santé, c’est notre principal capital, y compris pour travailler.



P&C : Votre démarche auprès des écologistes, sur la liste desquels vous occupez la troisième place, est-elle bien acceptée autour de vous ?
MM : Le problème sera surtout l’abstention. Mais on a un réseau d’associations qui nous soutiennent, et sur Facebook, je vois que beaucoup soutiennent cette démarche, et sont prêts à organiser des réunions chez eux. Une de nos soutiens, une mère de famille, a trouvé le slogan de nos tracts : « Quand la banlieue agit, l’Europe réagit. » On fait ce qu’on sait faire avec AC Lefeu : on plante des tentes sur des marchés, et on discute avec les gens ! Plein de petits jeunes ont dit qu’ils se mettaient à ma disposition, ils sont prêts à donner des coups de main, on a des lettres et messages de soutien. J’espère que ma candidature donnera des espoirs à d’autres : rien ne doit être impossible.

 


 

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